Très critiquée pour son annonce de candidature à l’occasion de son débat face à Marine Le Pen, le communicant Jacky Isabello, fondateur de l’agence Coriolink, voit dans la stratégie adoptée par Nathalie Loiseau le moyen d’occuper opportunément l’espace médiatique.
Lorsque le sage montre la lune l’idiot regarde le doigt. L’ensemble des commentateurs clouent au pilori la scénarisation choisie par Nathalie Loiseau pour annoncer sa candidature au poste de tête de la liste du parti présidentiel, à l’occasion de son premier débat face à Marine Le Pen dans la très ennuyeuse Emission politique sur France 2. Certes, la forme ne recevrait sans doute pas les éloges de Jean-Philippe Lafont l’immense Baryton de renommée internationale célèbre pour avoir façonné la mue vocale du candidat Macron.
Or, sur le fonds la tactique choisie était de loin la meilleure.
Des avantages politiques à mettre au crédit de Nathalie Loiseau la notoriété était sans doute la moindre. Au mieux aurait-on osé dire lors d’un dîner en ville qu’elle partageait un lien de parenté avec l’immense et regretté cuisinier triplement étoilé au guide Michelin, Bernard, qui fit les grandes heures de Saulieu la « capitale du Morvan ».
En moins de deux jours Nathalie Loiseau a réussi une formidable opération de ce que les professionnels de la communication nomment le « Newshacking ».
Cette capacité par la communication à détourner les attentions autour d’une actualité vers son initiative personnelle. A ce titre, elle a réussi l’exploit de concentrer sur son audacieuse annonce de candidature les résumés qui sont faits sur la principale émission politique à la télévision, de surcroît la première prestation depuis longtemps de la finaliste à la dernière élection présidentielle.
Charge désormais à Mme Loiseau, par ce premier acte imparfait mais très visible, de concentrer l’attention sur son lancement de campagne.
Il s’agira d’user d’une autre tactique de communication le « spin narrative ».
Lors de la campagne à la primaire républicaine de 1984, Lee Atwater inventa l’expression « Spin doctor » lorsqu’il rassura son candidat d’alors Ronald Reagan sur son piètre débat face à Walter Mondale. Spin signifie faire tourner. Il expliqua à son candidat que l’important n’était pas le débat mais la façon dont tournaient les commentaires et les histoires les jours qui suivaient une grande émission.
Le coup de Nathalie Loiseau est doublement pertinent, nonobstant cette ingénuité et la forme incertaine je le répète. A ce titre il est une troisième technique qui permet de comprendre la stratégie de Mme Loiseau. Elle trouve son détail dans un ouvrage paru en 2013 sous la plume de Christian Salmon La cérémonie cannibale. Elle se nomme le « stage craft ». Dans un monde où l’effet dans les médias numériques et mainstream préfigure les stratégies et annonces politiques, la mise en scène des messages de la candidate à une fonction élective « stage craft » prend le pas sur l’exercice même de cette fonction « le state craft ». En cela la tactique construite par Mme Loiseau a montré son efficacité. A son action de déclaration signifiée, le signifiant c’est-à-dire le sens retenu par la foule, les commentaires à propos de cette initiative lui réserve la vedette depuis trois jours.
Venons-en à la forme. Certes le propos manque de théâtralité et d’emphase. Mme Loiseau n’est pas une professionnelle aguerrie comme l’est son adversaire d’un soir. Or juger mauvais son lancement et descendre avec une telle violence, comme l’a fait Alain Duhamel dont l’expérience et la sagesse devraient l’inciter à relire les préceptes de la modération chers à Michel de Montaigne est sans commune mesure. Quel électeur pourrait vomir une telle annonce comme il en avait le droit lorsqu’il s’agissait de refuser les errements de l’affaire Benalla ou les mauvaises intentions d’un gouvernement peu écolo ayant forcé Nicolas Hulot à la démission. La seule question à se poser pour mesurer les dégâts politiques de cette annonce serait de savoir si cela détournerait l’électeur du bulletin de vote LREM, que nenni !!
Ne nous y trompons pas, le rire mi grinçant-mi prodromique de Marine Le Pen tentant ainsi de contrarier l’annonce de Nathalie Loiseau, ne portait pas son dédain comme l’écrivirent certains.
Il expulsait sa colère presque feinte car immédiatement consciente que l’annonce de la toujours ministre des Affaires européennes volerait la vedette, dans les médias du lendemain, à toutes ses positions défendues laborieusement sur le plateau de Léa Salamé. Un conseiller du président avouait dans Le Figaro du 16 mars : « Quand on vient de la 4e division, on ne peut pas dribbler le Zidane des plateaux télés et marquer trois buts ». Trois non mais à la pesée de la visibilité conquise par la future candidate, un c’est bien le minimum.
Jacky Isabello
Fondateur de l’agence Coriolink
Crédit photo : photo news.at/Georges Schneider
Wikimedia Commons