Les indicateurs environnementaux sont alarmants, le rythme de destruction des espèces s’accélère, le déclin des capacités de production alimentaire s’intensifie. « Ainsi nos générations naissent dans un monde où ce qui paraît immuable – la disponibilité de l’eau, le bleu du ciel, le dessin de nos côtes, le chant des oiseaux, la succession des hivers et des étés – n’est plus un acquis. Il se meut en une interrogation et une inquiétude » écrit l’ingénieur Isabelle Delannoy. Son livre, cependant, ne s’attarde pas sur ce constat pessimiste, il ouvre plutôt la voie à des solutions qui lui paraissent réalisables. Elle propose donc une théorie économique alternative radicalement nouvelle : une économie symbiotique capable de faire vivre en harmonie les êtres humains et les écosystèmes en trouvant un équilibre entre l’intelligence humaine, la puissance des écosystèmes naturels et la technosphère.
L’auteure partage les résultats de près de dix années d’étude des nouvelles logiques économiques et productives apparues depuis cinquante ans et allant dans le sens d’une plus grande durabilité de nos sociétés. À partir de quelques exemples dans chaque domaine-clé de ce qui forme un système productif, économique et social, elle propose une synthèse entre de nombreuses techniques et recherches survenues ces dernières années. À titre d’exemple, l’agroécologie, qui est à la base de cette nouvelle technologie, fournit des matériaux biosourcés des activités économiques qui se substitueront progressivement aux activités extractives, elle n’utilise aucun intrant, elle jongle avec la complémentarité des plantes, régénère le sol et stocke du carbone.
Au fil des pages, le lecteur est entraîné dans une exploration au niveau de toutes les échelles, de celle de la bactérie ou du composant électronique, à celles de territoires entiers. Au cours de ce périple, une économie complète se dessine.
Pour décrire les nouvelles dynamiques de prospérité qui émergent, Isabelle Delannoy suit quatre axes : la gestion des ressources, les modes de développement, les échanges économiques et les nouvelles formes d’organisation de la cité qui les sous-tendent. Appliquée à la gestion des ressources écologiques, cette logique révolutionne l’agriculture, l’habitat, la gestion de l’eau, la santé… ; appliquée à l’énergie et à la matière, elle conduit à des écosystèmes industriels où les objets sont réutilisables, réparables, recyclables. Une telle démarche donne libre cours à la créativité humaine générant de nouvelles places de production, métamorphosant les centres urbains et les bourgs industriels ruraux. D’autre part, la gestion des rapports sociaux s’éloigne des relations hiérarchiques et pyramidales. Avec l’émergence d’internet, la diffusion de l’information, des savoirs et des expériences, les relations deviennent de plus en plus horizontales et la gouvernance coopérative, y compris sur le plan monétaire et financier. Ces nouveaux modèles modifient notre vision de ce qui est productif, efficace et de ce qu’est le bien-être humain.
Dans la partie « synergie d’une synchronicité réalisée », l’auteure détaille notamment une industrie symbiotique généralisée en centrant l’application sur les industries les plus consommatrices de ressources rares, l’industrie du numérique et celle des énergies renouvelables.
L’économie symbiotique est en définitive une « économie régénératrice de ressources, l’homme devient cocréateur des équilibres planétaires au lieu d’en être le fossoyeur », il parvient également à créer plus de ressources qu’il n’en consomme. Telle est l’idée motrice de ce livre.
L’économie symbiotique demeure, néanmoins, une hypothèse qui malheureusement manque de chiffres et d’indicateurs adaptés à sa logique, dans le système actuel, la seule régénération que l’on mesure est la régénération financière. En dépit de cette insuffisance, le livre d’Isabelle Delannoy trace une voie de recherche intéressante et prometteuse.