L’émancipation de la justice sous la Ve République relève d’une multiplicité de facteurs. Sur le plan des règles, la subjectivisation du droit, la fondamentalisation des droits, la pénalisation de la vie politique et, plus largement, la juridicisation croissante des rapports sociaux. Sur le plan des acteurs, la dégradation du lien de confiance entre les citoyens et leurs représentants, le développement de modes concurrents de régulation ou encore l’intensification des saisines du juge liées à l’extension des domaines de justiciabilité.
Cette montée en puissance de la justice au cœur des mutations de la démocratie constitutionnelle – définie aujourd’hui par la régulation juridictionnelle du pouvoir majoritaire – pose inévitablement la question de son statut dans la norme fondamentale. La question n’est pas nouvelle et la réflexion est loin d’avoir été absente de la pensée politique et juridique française. Mais elle a rapidement été tronquée au motif d’une souveraineté de la loi exclusive de toute forme de pouvoir normatif des juges, et donc d’un statut constitutionnel juridictionnel adéquat. Penser le « phénomène juridictionnel »1en France a trop souvent conduit à une compréhension de la séparation des pouvoirs plutôt sur un plan statutaire et moins sous un angle fonctionnel, aboutissant à réduire la trilogie des puissances de Montesquieu en un duo (et plus souvent en un duel) entre les deux pouvoirs légitimes, c’est-à-dire incarnant une forme de représentation nationale, au sens révolutionnaire du terme, oubliant que la justice est rendue « au nom du peuple français ». Or, sans pouvoir tiers, comment parvenir à l’équilibre recherché par Montesquieu ? Comment permettre que « le pouvoir arrête le pouvoir » ? C’est bien « parce que le juge n’est pas dans l’État mais à l’articulation des pouvoirs qu’il peut remplir [une] fonction démocratique »2. C’est ici un conflit de légitimités3 qui sous-tend la nature des rapports entre le pouvoir politique, au sens large, et le pouvoir juridictionnel – dont l’appellation est préférée à celle de pouvoir judiciaire car permettant de saisir la réalité du dualisme juridictionnel4 –. De cette logique mécanique découle une conséquence imparable : la Constitution ne peut que consacrer un statut minimisé de l’organe judiciaire ou juridictionnel alors même que l’analyse moderne de la montée en puissance des juges devrait conduire à hisser, de facto, la justice à un statut autre que celui que la Constitution de 1958 veut bien lui accorder. Il ne s’agit pas d’autre chose que de mettre en adéquation le droit et le fait, le texte constitutionnel avec la réalité de la place de la justice ; et de combler ce décalage entre le statut minimal de la justice dans la Constitution et la réalité de son office aujourd’hui. Ni plus, ni moins. Et pourtant, la consécration formelle d’un authentique pouvoir juridictionnel n’est pas encore véritablement intervenue, en tous cas de manière expresse et assumée. L’histoire a pesé, les constituants de 1958 ont tranché, mais les révisions constitutionnelles récentes ont permis d’évoluer… un peu….
L’impensable pouvoir juridictionnel
Le pouvoir juridictionnel, infondé historique
Les arguments au soutien de la relégation judiciaire
Ce que l’on pourrait convenir d’identifier comme la tradition française d’un pouvoir judiciaire refusé (selon les termes de Jean Foyer)5 au fil de l’histoire débouche sur l’impossibilité de penser la justice comme une puissance équivalente aux autres dans le jeu constitutionnel des pouvoirs. L’origine, bien connue, est à rechercher du côté des excès de pouvoirs des Parlements d’Ancien Régime dont l’attitude ambigüe à l’égard du pouvoir royal – avec un usage de plus en plus fréquent de ce droit de veto que constitue le refus d’enregistrer les ordonnances – a permis de construire la toute-puissance6. Ce bras de fer avec le pouvoir royal symbolisait ce que le premier président Canivet avait pu qualifier de « farouche autonomie des juges »7, le juge pouvait afficher une farouche autonomie issue de la patrimonialité des offices, autonomie démultipliée à l’échelle des Provinces par des Parlements exerçant un contre-pouvoir juridictionnel en opposition à la volonté légiférante du Monarque », in https://courdecassation.fr/manifestations/manifestations.htm.], ce que l’on considérerait aujourd’hui comme un véritable pouvoir politique du juge, dans le cadre spécifique d’une monarchie administrative absolue8. La manifestation de la volonté du souverain (l’expression de la volonté générale dans la loi, écriront les révolutionnaires de 1789, profondément inspirés par l’absolutisme législatif rousseauiste), ne souffre d’aucune contestation possible, tant elle est, par nature, infaillible. Les conflictualités découlant de ces affrontements vont ainsi nourrir la méfiance des révolutionnaires à l’endroit du pouvoir judiciaire, creusant le sillon d’un corps de magistrats en apparence indépendant de l’exécutif ou du législatif mais dont les compétences seront en réalité parfaitement limitées et délimitées afin de protéger le pouvoir contre « un corps permanent investi du plus terrible pouvoir », selon la formule de Robespierre9. D’un pouvoir théoriquement conçu comme « de surveillance », la justice prend les traits quasi immuables d’un pouvoir « sous surveillance »10.
Le contexte historique est en outre porté par des arguments doctrinaux, issus notamment de la philosophie des Lumières, qui aboutissent au mieux à marginaliser la fonction juridictionnelle, au pire à la subordonner à l’une des autres fonctions de l’État. C’est bien sûr chez Montesquieu qu’apparaît la référence « moderne » à la puissance de juger qu’il substitue non seulement au pouvoir fédératif de Locke mais qu’il détache aussi de la fonction exécutive11, et en fait une fonction propre. Cet apport pourtant visionnaire de la fonction judiciaire est trop souvent ramené à une interprétation réductrice des formules bien connues de l’Esprit des Lois aux termes desquelles, notamment, « la puissance de juger, si terrible parmi les hommes, devient (…) indivisible et nulle » (« des trois puissances (…) celle de juger est en quelque façon nulle »)12, d’où l’auteur déduit que « les juges de la Nation ne sont (…) que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur »13. Ces arguments forgent encore aujourd’hui « la conception française de la séparation des pouvoirs »14 régulièrement convoquée par le Conseil constitutionnel et façonnée à la lumière de la loi des 16-24 août 1790, complétée par le décret du 16 fructidor an III. Le pouvoir judiciaire est encore davantage contenu. Déjà subordonné au législatif, il va désormais être séparé du pouvoir administratif. Conséquence logique de la limitation par les révolutionnaires de la fonction judiciaire15, la loi de 1790 traduira le morcellement juridictionnel (par la naissance de la dualité de juridictions) et, partant, l’affaiblissement de la justice judiciaire (par la soustraction des matières à laquelle il est procédé). La proclamation, à l’article 13, du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires16 et l’interdiction faite aux tribunaux judiciaires de connaître des actes de l’administration conduisent le juge à être doublement et durablement empêché. Non seulement « il lui est interdit de participer à l’activité législative, mais encore, il ne doit pas interférer par ses jugements avec les décisions du pouvoir exécutif »17. Ce qui emporte deux conséquences. D’une part, l’impossibilité pour le juge judiciaire d’adresser à l’administration soit une injonction de faire ou de ne pas faire, soit une injonction de tenir pour nulle et non avenue la décision qu’elle a prise dans l’exercice de la puissance publique18. D’autre part, l’interdiction au juge judicaire de connaître des litiges dans lesquels l’administration est partie, créant de facto une matière de non-justiciabilité au moins jusqu’en l’an VIII où le risque de déni de justice disparaîtra. Si incontestablement « l’Esprit des Lois ne peut être considéré à proprement parler comme l’acte de naissance du pouvoir judiciaire »19, l’interprétation de son auteur aura contribué à profondément ancrer dans l’histoire le décalage profond entre une conception théorique pseudo valorisante de la puissance de juger et une éviction quasi-permanente du juge en pratique.
La traduction de la marginalisation judiciaire
L’histoire constitutionnelle montre que le pouvoir judiciaire procède en pratique de l’un ou l’autre des deux autres pouvoirs, ceux-ci exerçant une partie de l’activité judiciaire sur le plan fonctionnel. D’où l’écart constant dans les Constitutions historiques françaises entre l’énoncé et le fait : la consécration d’un pouvoir judiciaire dans le texte est en décalage profond avec sa relégation en pratique20, les constituants s’étant emparé d’une « terminologie commode »21qui a conduit à faire de l’expression « pouvoir judiciaire » une notion sans consistance. La Constitution du 3 septembre 1791 illustre parfaitement ce paradoxe. Le titre V consacre vingt-sept articles au « pouvoir judiciaire »22! Mais ce dernier est tout simplement privé de moyens de contrôle à l’endroit des autres pouvoirs. Le projet de Constitution de 1792 « ne corrige pas davantage la situation »23, pas plus que la Constitution de 1793 qui « instrumentalise l’organisation judiciaire, ne laissant aucune place à un pouvoir judiciaire de toute façon incompatible avec le régime de Terreur »24. La Constitution de 1795 (5 fructidor an III) se réfère de nouveau au « pouvoir judiciaire » mais revient à une conception proche de celle qui prévalut en 179125. Si la fonction judiciaire semble, de prime abord, essentielle « puisque, dans toutes les Constitutions de l’époque révolutionnaire, elle fait l’objet d’un chapitre ou d’un titre spécial », étant aménagée de telle façon « qu’elle ne soit pas entièrement exercée par le juge, mais partagée entre le juge et d’autres autorités »26, elle porte néanmoins systématiquement l’idée d’une relégation statutaire du juge, elle-même fondée sur un asservissement total de ce dernier à la loi.
Quant à la période napoléonienne, elle semble à première vue « rénover le statut de la justice27(l’Empereur a restitué aux juges leurs titres, leurs honneurs, ainsi que les costumes de magistrats de l’ancienne France28). Mais ce prestige n’est qu’apparent puisque la justice reste au service du Premier consul ou de l’Empereur. Ne pouvant donc être un pouvoir, elle devient simplement un « ordre judiciaire » (sénatus-consulte du 28 floréal an XII – 18 mai 1804), conformément à l’idée selon laquelle « la magistrature constitue avant tout une catégorie de gens fonctionnarisés, obéissant à l’Empereur »29 (le sénatus-consulte disposant que la justice est instituée au nom de l’Empereur par des officiers qu’il institue) et, par conséquent, dépourvus d’indépendance. La soumission réelle de la justice au pouvoir exécutif dessine ce qui deviendra une tradition de dépendance de l’autorité judiciaire30. Une sémantique de l’ordre et de « l’autorité » va ainsi progressivement se substituer à la notion trompeuse de « pouvoir », marquant « le passage d’une justice indépendante mais faible sous la Révolution à une justice puissante mais soumise sous l’Empire »31.
La séquence des Chartes constitutionnelles ne changera que peu la qualification conceptuelle de la justice. La Charte de 1814 confirme l’existence de « l’ordre judiciaire » au service du pouvoir ; la Charte de 1830 consacre le retour de la formule « pouvoir judiciaire »32. Même si Louis XVIII souhaiter s’engager sur la voie de la reconnaissance d’un pouvoir judiciaire indépendant, « voulant ainsi répondre au Sénat qui reprochait à l’Empereur d’avoir détruit l’indépendance des corps judiciaires, il définira en fait le statut de la magistrature par une forme de compromis historique, empruntant à la fois aux principes de l’Ancien Régime, aux inspirations révolutionnaires, sans rompre non plus totalement avec la conception napoléonienne »
.
L’amorce d’un changement statutaire de la justice sera perceptible avec l’avènement des Républiques. La Constitution du 4 novembre 1848 développe une approche plus démocratique du pouvoir judiciaire. Les trois lois constitutionnelles de 1875 ne peuvent se voir reprocher de faire la promotion trompeuse du pouvoir judiciaire pour la simple raison qu’elles ne font référence ni au statut ni à la fonction des juges, qui se posent alors en « serviteurs occasionnels de la loi »34, bénéficiant d’une autorité et d’une légitimité seulement déléguées, dans une République légicentriste par excellence35. Quant à la Constitution de la IVe République du 27 octobre 1946, elle élude toute qualification statutaire de la justice en consacrant, de manière plus neutre, un Titre IX intitulé « Du Conseil de la magistrature »36, devenant peut-être « le premier régime de l’histoire constitutionnelle à ne pas utiliser le texte fondamental comme « effet d’annonce »37 d’un hypothétique pouvoir judiciaire non effectif dans les faits.
Le pouvoir judiciaire aura donc été un « trompe-l’œil » tout au long de l’histoire constitutionnelle française.
La Constitution de 1958, assumant la relégation du pouvoir judiciaire, placera alors cette dernière cette fois plutôt en « porte-à-faux ».
L’improbable pouvoir juridictionnel
Le pouvoir juridictionnel, impensé constitutionnel
Au moment de l’élaboration de la constitution de 1958
Les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 sont particulièrement éclairants sur cette méfiance du constituant à l’égard de toute institution qui de près ou de loin incarne la fonction de juger et, au surplus, la personnifie statutairement. Ni l’héritage révolutionnaire français d’un juge relégué, ni les arguments doctrinaux de Montesquieu, savamment décontextualisés, ne parviendront ou plutôt ne voudront être surmontés par le constituant de la Ve République qui porte une conception de l’autorité judiciaire « fondue dans le pouvoir exécutif ». L’objectif immédiat n’était pas de consacrer l’indépendance dans un cadre constitutionnel rénové, mais bien de rétablir la continuité de l’État républicain38. D’où la dialectique permanente qui anime les débats constituants, celle du décalage entre l’intitulé du titre proposé et l’objet des articles qui y sont inclus. Cette inadéquation apparaîtra comme une constante insurmontable au fur et à mesure des discussions.
Les avant-projets de la Constitution des 23 et 25 juin 1958 et des 26-29 juillet 1958 retiennent l’intitulé « De la justice », dans le prolongement de la loi du 3 juin 1958 et de cette idée qu’elle incarnait « l’esprit » de la Ve République et donc les intentions constituantes indérogeables39. L’avant-projet de Constitution transmis au Comité consultatif constitutionnel gardera cette formule. Les articles traitent alors de l’indépendance des magistrats et des garanties apportées par le Conseil supérieur de la magistrature. Les discussions du Comité consultatif portent alors essentiellement, et par conséquent, sur les missions et les compétences du Conseil supérieur de la magistrature pilier de l’indépendance de l’autorité judiciaire. D’où l’interrogation sur le spectre de l’intitulé. Nécessité de retenir un intitulé au champ moins large, comme « Des juridictions de l’ordre judiciaire » ou, de manière encore plus restrictive, « De la magistrature de l’ordre judiciaire » ? Ce à quoi semble adhérer Pierre-Henri Teitgen pour qui le titre « De la Justice » laisse penser que l’on traite la justice dans son ensemble, ce qui ne semble pas être l’intention première des constituants40. Ou enjeux à en étendre la portée, Coste-Floret, soulignant à cet égard qu’une modification s’avérerait judicieuse « afin d’éviter des confusions (…) [qu’il] persiste à considérer comme fâcheuses » d’une part ; et « de retenir un intitulé plus large que celui du titre IX qui, sous le titre mauvais de « Conseil supérieur » est autre chose, puisque la discipline des magistrats, leur indépendance est autre chose que « La Justice »
, d’autre part. En toutes hypothèses, une telle formulation écarte explicitement la juridiction administrative et, plus particulièrement, le Conseil d’État, dont l’indépendance a déjà été maintes fois prouvée à travers sa jurisprudence notamment mais jamais constitutionnalisée. Le Titre VIII devient alors, à l’initiative de Michel Debré, « De l’indépendance de la magistrature ». Mais le texte transmis au Conseil d’État conserve la référence « De la Justice », en ne semblant viser que l’ordre judiciaire. La confusion est entretenue. Ce qui amène l’Assemblée générale du Conseil d’État à considérer « qu’ou bien le titre VIII doive également traiter de la juridiction administrative, au nom de la dualité juridictionnelle française fondatrice de ce que le Conseil constitutionnel qualifiera plus tard de “conception française de la séparation des pouvoirs” ; ou alors qu’il faille modifier son intitulé, celui-ci apparaissant trop englobant »42 au regard de la réalité de l’objet judiciaire qu’il entend saisir. C’est alors suite à une proposition du Président Roger Latournerie que la modification intervient. Celui-ci explique qu’un titre sur « L’autorité judiciaire » serait plus adapté, dans la mesure où « la magistrature est exclusivement judiciaire, et où elle est une autorité publique »43. Cette solution est entérinée par le Conseil des ministres du 3 septembre 1958. L’intitulé figure sous cette forme dans le projet de Constitution du 4 septembre qui sera adopté à l’issue du référendum du 28 septembre 1958.
Dans les révisions constitutionnelles ultérieures
Cet intitulé perdure aujourd’hui. Il est parvenu à surmonter toutes les tentatives de révisions. D’abord, celle proposée par le Comité Vedel en 1993 de lui substituer un titre, plus neutre, « De l’indépendance de la magistrature »44, rappelant que le président de la République avait proposé que « soient revues la composition et les attributions du Conseil supérieur de la magistrature de manière à ce que l’indépendance des magistrats (…) soit plus clairement affirmée »45. Ensuite, celles suggérées en 2008 par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (Comité Balladur). Dans son rapport, ce dernier soulignait que « Les questions posées par la modernisation de l’autorité judiciaire sont, il serait inutile de le nier, au nombre des plus délicates que le Comité ait eu à aborder au cours de ses travaux »46. Bien que se concentrant sur la possibilité d’instaurer un procureur général de la Nation (piste abandonnée) et sur la rénovation du Conseil supérieur de la magistrature (tant dans sa composition, que dans ses attributions ou sa saisine), la mise en adéquation du titre VIII avec la réalité judiciaire qu’il entend couvrir ne fut pas proposée. Et la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 se concentra sur la modification des articles 64 et 65 de la Constitution. Plus récemment, en 2012, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin (« Pour un renouveau démocratique »), était mandatée par le chef de l’État sur la base de cinq questions précises, la plus directement liée à la justice concernant le statut juridictionnel du président de la République et les effets d’une éventuelle suppression de la Cour de justice de la République sur la responsabilité pénale des membres du gouvernement47. Enfin, c’est avec le rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions, présidé par Claude Bartolone et Michel Winock, adopté par l’Assemblée nationale le 2 octobre 2015 (« Refaire la démocratie »), que viendra une réflexion plus approfondie sur la place de la justice dans les institutions de l’État. Le cinquième thème de réflexion qui portait sur « Consolider l’État de droit » a permis de dresser un état des lieux du statut de la justice. Revenant sur l’histoire de la justice, notamment sous l’angle de son indépendance et de son rapport avec les pouvoirs constitutionnels, Michel Winock rappelle que « Le pouvoir judiciaire, dont l’expression a cessé d’être constitutionnelle depuis 1848 [apparaît] comme fort peu autonome par rapport au pouvoir politique. On peut se demander si la théorie de la séparation des pouvoirs n’a jamais été qu’un leurre. La procédure de nomination, les pressions fréquentes exercées par le pouvoir exécutif, les scandales qui émaillent l’histoire de la justice devraient nous amener à réfléchir sur l’institution d’un véritable pouvoir judiciaire et sur les moyens d’assurer son autonomie »48. La charge est lourde mais ne fait que souligner l’indispensable nécessité d’une profonde actualisation du statut constitutionnel de la justice, près de soixante ans après sa consécration comme autorité judiciaire49. C’est alors la quinzième proposition du rapport qui, de manière inédite depuis les débats devant le Comité constitutionnel en 1958, dépasse les deux paradigmes érigés par l’histoire en véritable digue à l’instauration d’un pouvoir juridictionnel – la sacralité de la loi héritée de Rousseau d’une part ; le juge « bouche de la loi », hérité de Montesquieu d’autre part –, qui suggérera de consacrer dans le titre VIII de la Constitution l’existence non plus d’une « autorité judiciaire » mais bien d’un « pouvoir judiciaire »50. On sait ce qu’il advint de la réforme constitutionnelle lors du quinquennat précédent et, a fortiori, de l’avenir constitutionnel de cette proposition…
Que ressort-il de cette brève rétrospective ? En 1958, le recours au terme d’ « autorité judiciaire » semble plutôt devoir se comprendre non véritablement « par opposition au “pouvoir judiciaire”, mais plutôt par contraste avec celui d’ “autorité administrative” »51. Les préoccupations des rédacteurs, comme on l’a vu, étaient avant tout de savoir si le statut de la justice administrative devait être constitutionnalisé. Ce qui, dans l’affirmative, justifiait un intitulé générique du titre VIII. Ou à l’inverse, de savoir si la justice administrative devait être exclue, ce qui devait alors conduire à un titre spécifique réservé à l’ordre judiciaire52.
En revanche, aujourd’hui le refus de consacrer un véritable pouvoir judiciaire, voire juridictionnel, semblerait davantage trouver sa source dans la charge symbolique du terme « pouvoir », dans un contexte de montée en puissance des juges dont les paramètres de la légitimité et les leviers de la responsabilité ne cessent d’être questionnés.
De « tiers-pouvoir »53, c’est-à-dire puissance reléguée, la justice s’affirme désormais comme le pouvoir tiers, voire le troisième pouvoir, c’est-à-dire une puissance – au sens de Montesquieu – assumée. La neutralité ou l’infériorisation suggérées par le terme d’autorité ne suffisent désormais plus à rendre compte de manière pragmatique de la réalité du statut de la justice parmi les pouvoirs publics constitutionnels. Les récents colloques sur le statut constitutionnel du parquet54, sur la place de l’autorité judiciaire dans les institutions55, sur l’indépendance des hautes juridictions et l’autonomie budgétaire56 ou encore les prises de positions des plus hautes autorités juridictionnelles57 ne semblent pas encore suffire à faire déplacer le curseur de l’autorité vers le pouvoir d’une part, pas plus que du champ strictement judiciaire vers le champ juridictionnel, d’autre part. De sorte que la justice n’est toujours pas consacrée dans la Constitution ni en tant que pouvoir, ni a fortiori, en tant que pouvoir juridictionnel. Tout au plus, d’improbable dans l’histoire constitutionnelle française, le pouvoir juridictionnel apparaît-il désormais comme implicite.
L’implicite pouvoir juridictionnel
Le pouvoir juridictionnel, une notion en pointillés
Une constitutionnalisation en creux
La consécration d’un pouvoir juridictionnel – et non simplement judiciaire pour bien marquer la spécificité française de la dualité des ordres de juridictions – n’a rien d’évident, on l’aura compris. Rien d’expresse, rien d’explicite, rien d’assumé, rien de formalisé véritablement58. Le spectre de l’excès de pouvoir des juges semble avoir traversé sans difficulté les soixante années de la Ve République jusqu’à hanter encore profondément aujourd’hui la conscience du constituant mais aussi les convictions des institutions.
Cet introuvable pouvoir juridictionnel, grand absent du texte fondamental mais bien présent dans la réalité du fonctionnement de la Ve République, a pourtant fait l’objet d’une constitutionnalisation « à front renversé »59 ou, en tous cas, – si la volonté n’était pas manifeste d’y procéder – d’une constitutionnalisation en creux qui semble avoir eu pour effet de déterminer les limites infranchissables entre les trois pouvoirs constitutionnels. François Luchaire, dans les Mélanges Waline avait d’ailleurs anticipé cette nécessité en relevant que « (…) dans la mesure où les pouvoirs législatif et exécutif tendent à se confondre par suite de la coïncidence entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle, l’indépendance du troisième pouvoir, celui du juge, devient une garantie encore plus nécessaire qu’auparavant pour la protection des libertés »60.
Le constat de la faiblesse des bases constitutionnelles du pouvoir juridictionnel (un titre VIII visant uniquement la justice judiciaire dans son statut d’autorité ; une absence de référence à la juridiction administrative sauf à la fonction consultative du Conseil d’État (articles 37 et 39) ; et donc aucune protection constitutionnelle du principe de la dualité de juridiction qui structure historiquement la justice française) a conduit le Conseil constitutionnel à procéder à une lecture en négatif du pouvoir juridictionnel, notamment à travers les décisions 80-119 DC du 22 juillet 1980, loi portant validation d’actes administratifs61 et celle 226-84 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence 62.
Dans la première décision, le Conseil constitutionnel révèle toutes les potentialités du principe de la séparation des pouvoirs qu’il place au cœur de son raisonnement en interdisant au législateur et au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, de leur adresser des injonctions ou de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leurs compétences63. En rappelant que le principe constitutionnel d’indépendance de l’autorité judiciaire n’englobe pas la juridiction administrative qui voit, elle aussi, son indépendance constitutionnalisée à la faveur de la découverte « audacieuse »64 d’un PFRLR découlant de la loi du 24 mai 1872 relative au Conseil d’État, le juge constitutionnel garantit l’indépendance des autorités juridictionnelles des deux ordres à l’égard du législatif et de l’exécutif et, partant, consacre bien l’existence du pouvoir juridictionnel à deux branches, constitutionnellement protégé. L’œuvre de constitutionnalisation détournée du pouvoir juridictionnel se poursuit dans la décision de 1987 par laquelle le juge constitutionnel, en se référant à la « conception française de la séparation des pouvoirs » (considérant 15) et en se fondant de nouveau sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui veut que la compétence historiquement refusée aux tribunaux judiciaires soit récupérée, de manière privilégiée, par un juge administratif créé ad hoc, dote la juridiction administrative d’une réserve de compétence spécifique.
Ces deux décisions (confirmées d’ailleurs par la décision 89-261 DC du 28 juillet 1989, loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France) sont dès lors véritablement novatrices pour le statut constitutionnel de la justice ordinaire sur deux points. D’une part, car dans le prolongement de la décision 79-104 DC du 23 mai 1979, loi modifiant les modes d’élection sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, dans laquelle le juge constitutionnel consacre le principe de la séparation des pouvoirs au profit du législatif contre l’exécutif, il « complète sa conception de la séparation des pouvoirs en garantissant l’indépendance du juridictionnel face aux deux autres pouvoirs »65. D’autre part, car en consacrant l’indépendance des juridictions et en formulant des interdictions à l’encontre des autres pouvoirs, le juge constitutionnel contribue à tracer les frontières et à délimiter les zones d’action de chaque puissance. Ce faisant il entend, au moins implicitement, « opposer l’existence d’un pouvoir juridictionnel aux deux autres pouvoirs plus établis »66. Quitte à rester en suspend sur la consistance dudit pouvoir juridictionnel et à renvoyer à une révision constitutionnelle consolidante.
Une consécration incomplète
Si classiquement les juridictions constitutionnelles sont considérées comme étant extérieures au pouvoir judiciaire, le périmètre – plus large – du pouvoir juridictionnel en France permet de considérer que ce dernier soit composé de deux branches67, une branche ordinaire structurée autour du principe de dualité de juridictions judiciaires et administratives ; et une branche constitutionnelle articulée sur la juridiction constitutionnelle à titre exclusif dans l’exercice du contrôle abstrait de la constitutionnalité, et reposant sur les trois Cours suprêmes dans l’exercice du contrôle de constitutionnalité QPC – le Conseil constitutionnel restant le juge constitutionnel d’exception (bénéficiant du monopole du pouvoir d’abrogation en cas d’inconstitutionnalité) quand le Conseil d’État et la Cour de cassation deviennent des juges constitutionnels partiels de droit commun68 –. Sans véritablement parler de décentralisation du contrôle de constitutionnalité qui aurait pour effet de souder les différentes branches du pouvoir juridictionnel, ce qui était la grande crainte des parlementaires de la IVe République et qui aurait signifié la consécration d’un véritable pouvoir judiciaire « à l’américaine »69, la structure du pouvoir juridictionnel semble peu à peu prendre forme70. Les révisions constitutionnelles (ou intentions de révisions) depuis 2008 ont contribué à consolider le contenu de ce pouvoir juridictionnel surtout en jouant sur le renforcement de l’indépendance de l’autorité judiciaire, à défaut de consacrer expressément son existence dans la Constitution.
C’est ainsi que la révision constitutionnelle de 2008 revient sur l’article 65 aux termes duquel « Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République » pour attribuer la co-présidence dudit Conseil au premier président de la Cour de cassation (pour les formations plénières et « siège ») et au procureur général près ladite Cour (pour la formation « parquet »). On aurait pu attendre de la révision constitutionnelle qu’elle pousse la cohérence jusqu’à revenir sur les dispositions de l’article 64 qui prévoit que le président de la République est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, assisté pour ce faire du Conseil supérieur de la magistrature71, mais il n’en fut pas ainsi. Les justifications tirées de la fonction d’arbitre des institutions que l’article 5 de la Constitution confie au chef de l’État devaient l’emporter sur une forme de théorie de l’apparence qui aurait renforcé l’indépendance de la magistrature.
C’est encore la question de l’indépendance de la branche judiciaire du pouvoir juridictionnel qui a guidé les discussions de 2008 sur la composition et les attributions du Conseil supérieur de la magistrature. Le pouvoir juridictionnel est indépendant à partir du moment où chacune de ses branches le sont. Il était donc crucial de se pencher sur les paramètres de l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, lui-même clef de voûte de l’indépendance de la magistrature. « Le double écueil du corporatisme d’une part et de la politisation d’autre part », réellement présent dans l’esprit des constituants, fait l’objet de vifs débats72. C’est en fait la légitimité de la composition du Conseil supérieur de la magistrature qui est visée. L’abandon de la présidence de l’institution par le chef de l’État pouvant être assimilé à une forme de dépolitisation, il appartenait dès lors au constituant de s’interroger sur la composition d’un Conseil supérieur de la magistrature dans lequel les magistrats seraient en minorité, contrairement d’ailleurs à la composition de la plupart des institutions équivalentes en Europe, éloignant ainsi, en théorie, le risque de corporatisme. Et si sept magistrats siègent désormais avec huit non magistrats dans les formations de nomination, la stricte égalité entre juges et laïcs est rétablie pour les formations disciplinaires, contrairement à la proposition du Comité Balladur73.
Un pouvoir judiciaire indépendant suppose un organe de contrôle doté des compétences suffisantes pour assurer cette indépendance, ce qui n’est pas le cas du Conseil supérieur de la magistrature. « Création continue de la République » selon la belle expression de Jean Gicquel74, le Conseil supérieur de la magistrature ne doit pour autant devenir ni un authentique organe de gouvernement du corps, ni un organe de tutelle de la magistrature selon certains75, ni même Conseil supérieur de la justice, en tous les cas dans l’esprit des constituants de 2008. La défiance à l’égard de toutes les composantes d’un authentique pouvoir judiciaire voire juridictionnel demeure. Néanmoins, l’extension régulière des compétences du Conseil depuis 1958, notamment en matière de nomination des magistrats du parquet au nom du principe d’unité du corps, ainsi qu’en matière disciplinaire (où l’exercice des attributions reste en réalité modulé – autorité juridictionnelle à l’égard du siège ; autorité consultative à l’égard du parquet) devait conduire le constituant à franchir une étape supplémentaire en 2008 notamment en ce qui concerne la nomination des magistrats du parquet, le Conseil supérieur de la magistrature étant désormais compétent pour donner un avis sur les nominations de l’ensemble de ses membres76.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 fut, jusqu’à présent, la dernière à réaménager le contenu du pouvoir juridictionnel. En effet, dans ses vœux aux corps constitués présentés le 13 avril 2016, le Président Hollande avait souhaité faire voter, à l’occasion de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité et l’état d’urgence, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et du parquet qui avait déjà été présentée en Conseil des ministres par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, le 13 mars 2013. Le renforcement des attributions du Conseil supérieur de la magistrature (avis conforme du Conseil pour la nomination des procureurs généraux ; un Conseil composé majoritairement de magistrats) ainsi que la rupture du lien entre le pouvoir exécutif et le parquet figuraient au nombre des engagements de campagne du candidat Hollande. Mais le projet voté au Sénat a vidé la réforme d’une grande partie de son contenu et le risque de ne pas parvenir à rassembler trois cinquièmes des votes au Congrès, nécessaires pour la révision, ont conduit le président de la République à abandonner cette réforme77.
C’est enfin sur le terrain du renforcement de l’indépendance de la branche judiciaire et de la juridictionnalisation de la branche constitutionnelle du pouvoir juridictionnel d’une part, ainsi que sur celui de la réduction du champ de la justice politique d’autre part, que se place le projet de révision constitutionnelle du Président Macron.
Dans son discours du 3 juillet 2017 devant le Congrès du Parlement, le président déclarait que vouloir « faire vivre la responsabilité partout dans nos institutions, c’[était] aussi assurer l’indépendance pleine et entière de la justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les impasses et les demi-échecs rencontrés dans le passé »78. Dans cette perspective, il annonçait faire incarner « la séparation de l’exécutif et du judiciaire, en renforçant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature et en limitant l’intervention de l’exécutif dans les nominations des magistrats du parquet (…) ; [ce Conseil devant] à tout le moins donner un avis conforme pour toutes les nominations de ces magistrats »79. Les grands axes de la réforme, incluant le volet justice mais allant bien au-delà, ont alors été présentés par le Premier ministre le 4 avril dernier en Conseil des ministres, annonçant trois projets de loi (constitutionnel, organique et ordinaire) pour le Conseil des ministres du 9 mai 201880. Le Premier ministre indiquait alors que le projet de loi constitutionnelle devait notamment « conforter l’indépendance [des] juridictions avec le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination et l’exercice du pouvoir disciplinaire des magistrats du parquet »81. Le souhait de renforcer l’indépendance de l’autorité judiciaire est bien le même que sous le quinquennat précédent ; mais les modalités paraissent varier. L’actuel projet de révision semble en effet renoncer à la suppression du lien hiérarchique entre le parquet et le ministre de la Justice (le fameux « cordon ombilical » objet de toutes les crispations quand il s’agit de penser l’indépendance du parquet mais dont l’existence est justifiée par les articles 20 et 21 de la Constitution) et préfère envisager des garanties pour assurer l’indépendance du parquet. La nomination de ses membres ne pourra désormais intervenir sans l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature qui devrait aussi disposer d’un pouvoir de sanction à leur endroit, alignant ainsi les compétences des formations siège et parquet en matière de nomination et de discipline et consolidant ainsi l’unité de l’autorité judiciaire, réaffirmée de manière constante par le Conseil constitutionnel82.
Quant au renforcement de la légitimité de la branche constitutionnelle du pouvoir juridictionnel, elle passe par la suppression de la présence des membres de droit au Conseil constitutionnel, mettant ainsi fin à une anomalie constitutionnelle héritée des débuts de la Ve République (le général de Gaulle souhaitait ainsi remercier les anciens présidents de la IVe République qui l’avaient soutenu dans son accession au pouvoir) quand le Conseil constitutionnel était moins juge que régulateur de l’activité des pouvoirs publics ; et entérinant, en droit, une situation de fait aux termes de laquelle seul siège aujourd’hui, et de façon très aléatoire, Valéry Giscard d’Estaing83. Cette suppression avait été envisagée dans le projet de loi de révision constitutionnelle relatif aux incompatibilités applicables à l’exercice des fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel, adopté en Conseil des ministres le 13 mars 2013. Mais le projet, qui prévoyait une suppression de la catégorie pour l’avenir (à compter de la fin du mandat du résident Hollande) et sans remettre en cause la présence des membres de droit siégeant actuellement, ne fut pas adopté, renvoyant la composition du Conseil constitutionnel au statu quo ante.
Enfin, hors champ du pouvoir juridictionnel, mais jouant en faveur de la légitimité de ce dernier et de la confiance des citoyens dans la justice, le projet de révision constitutionnelle prévoit la suppression de la Cour de justice de la République, créée par la loi du 22 juillet 1993, car « (…) [les] concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception »84. Cinq procès seulement eurent lieu devant cette « juridiction politique ». Il importe donc de rechercher un équilibre entre quasi-immunité et responsabilisation à tout prix, les ministres devant rester « comptables de leurs actes »85 – c’est-à-dire des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions –, mais de telle sorte que cette responsabilité ne soit engagée qu’à bon escient. C’est ainsi que la responsabilité pénale des ministres ressortira à la compétence de la Cour d’appel de Paris avec probablement l’instauration d’un filtre des requêtes.
La voie de la consécration constitutionnelle du pouvoir juridictionnel est semée d’embûches. En effet, « transformer cet écosystème pernicieux n’est pas une mince affaire et il ne suffira pas d’accorder verbalement le pouvoir à la justice judiciaire, ni effectuer une énième réformette du [Conseil supérieur de la magistrature] pour que la justice devienne ce qu’elle devrait être, en théorie constitutionnelle »86. Le poids de l’histoire ne doit pas être oublié, mais ne doit pas être non plus surestimé. L’intention des constituants de 1958 doit être comprise, sans pour autant être décontextualisée.
Les résistances des deux autres pouvoirs constitutionnels aujourd’hui doivent être entendues, sans pour autant considérer qu’elles ne peuvent être surmontées.
La Ve République est du « droit vivant », pour emprunter l’expression de la Cour constitutionnelle italienne. Elle a maintes fois montré sa capacité d’adaptation institutionnelle, voire de résilience constitutionnelle. Le troisième pouvoir, celui de la justice, pourrait en être l’illustration à l’occasion du soixantième anniversaire de la Constitution.
Fabrice Hourquebie
Professeur de droit public, Université de Bordeaux
Directeur de l’École doctorale de droit
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- L’expression est employée par J. Verhoeven, « À propos de la fonction de juger en droit international public », in Ph. Gerard, M. van de Kerchove et F. Ost, Fonction de juger et pouvoir judiciaire, Facultés universitaires de Saint-Louis, Bruxelles, 1978. ↩
- D. Rousseau, « Le président peut-il être le “garant de l’indépendance” de l’autorité judiciaire ? », Après-demain, Journal trimestriel de documentation politique, Le pouvoir judiciaire, n°41, 2017, p. 18. ↩
- B. Mathieu, Justice et politique : la déchirure ?, LGDJ, 2015, pp. 142 et s. ↩
- Pour une opinion contraire voir I. Boucobza, « Un concept erroné : celui de l’existence d’un pouvoir judiciaire », Pouvoirs, n° 4, 2012, pp. 73-87. ↩
- J. Foyer, « La justice : histoire d’un pouvoir refusé », Pouvoirs, n°16, 1981, p. 17. ↩
- Les Parlements « s’étaient arrogé le droit d’enregistrer ou de refuser les ordonnances royales, ce qui, en cas de refus, équivalait à empêcher la promulgation de la loi », M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Sirey, 1929, p. 279. ↩
- Guy Canivet, Allocution lors de l’audience solennelle de janvier 2004 : « [Sous l’Ancien Régime ↩
- Certains auteurs ont montré que le droit d’enregistrement et de remontrance à l’égard des édits et ordonnances royaux pouvait s’apparenter à une forme de contrôle de constitutionnalité opéré par une Cour souveraine, P. Pasquino, in Y. Benhamou, « Réflexions sur le sentiment corporatiste dans la magistrature. Esquisse d’une approche sociologique et historique du corporatisme judiciaire », Gaz. Pal., août 2002, p. 10. ↩
- R. Badinter, « Une si longue défiance », Pouvoirs, n° 74, 1995, p. 8. ↩
- F. Hourquebie, Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Veme République, Bruylant, 2004, p. 6. ↩
- L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Précis Dalloz, 20e édition, 2018, p. 414. ↩
- Montesquieu, De l’Esprit des Lois, Livre XI, Chapitre VI, De la Constitution d’Angleterre, Folio Essais, Gallimard, 1995, Tome I. ↩
- Ibidem, p. 337. ↩
- Formule utilisée pour la première fois par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°86-224 DC du 23 janvier 1987, loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, (consid. 15), https://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1987/86-224-dc/decision-n-86-224-dc-du-23-janvier-1987.8331.html. ↩
- L. Duguit, « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 », Revue d’économie politique, 1893, pp. 567-568 et Traité de droit constitutionnel, 3e édition, Fontemoing, Tome 2, pp. 675 et s. ↩
- La loi des 16-24 août 1790 dispose que « les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Le décret du 16 fructidor an III précise que « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ». ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 12. ↩
- V. G. Vedel, « La loi des 16-24 août 1790 : Texte ? Prétexte ? Contexte ? », RFDA, Numéro spécial Bicentenaire de la loi des 16-24 août 1790, 1990, p. 709, cité in F. Hourquebie préc., p. 12. ↩
- J.-L. Halpérin, « Cours suprêmes », Droits, n° 34, 2001, pp. 53-55. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 14. ↩
- J.-L. Halpérin, « 1789-1815 : Un quart de siècle décisif pour les relations entre la Justice et le pouvoir en France », Justices, n°3, 1996, p.16. ↩
- A. Marongiu, « La place du pouvoir judiciaire dans les Constitutions françaises du XVIIIeme au XIXeme siècles », in Études d’histoire du droit à l’époque contemporaine (XIXeme-XXeme siècles), Journées internationales de la Société d’histoire du droit, Poitiers et La Rochelle, 1-4 juin 1983, Publications de la Faculté de droit et de sciences sociales de Poitiers, 1984, p. 180. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 15. ↩
- Ibid. ↩
- Ibid. ↩
- M. Troper, « La question du pouvoir judiciaire en l’an III », in O. Cayla et M.-F. Renoux-Zagamé (Études rassemblées par), L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Publications de l’Université de Rouen, n° 298, LGDJ, 2001, p. 119. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 15. ↩
- J. Foyer, « La justice, histoire d’un pouvoir refusé », Pouvoirs, n° 16, 1981, p. 21. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 16. ↩
- L. Cadiet et S. Guinchard, « La justice à l’épreuve des pouvoirs, les pouvoirs à l’épreuve de la justice », Justices, n° 3, 1996, p.2. ↩
- R. Badinter, « Une si longue défiance », Pouvoirs, n° 74, 1995, p. 9. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 17. ↩
- La longue élaboration du concept d’énergie – Roger Balian – mars 2013 – Académie des Sciences. ↩
- Ibid., p. 18. ↩
- Pour une analyse approfondie de la place du pouvoir judiciaire sous la IIIe République, voir J.-P. Machelon, « La question du pouvoir judiciaire dans les débuts de la IIIème République », in Justice et État, actes du colloque international d’Aix-en-Provence, septembre 2017, Association française des historiens des idées politiques, PUAM, 2014, pp. 369-377. ↩
- L’article 83 de ce titre se réfère à la composition du Conseil supérieur de la magistrature et à la profession judiciaire quand l’article 84 renvoie à l’organisation des tribunaux et à l’administration judiciaire, tout en énonçant le principe d’indépendance des magistrats et consacrant leur inamovibilité. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 19. ↩
- Rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000692.pdf, p. 121. Pour preuve, l’article 17 de la Constitution qui donne au président de la République le droit de grâce ; ou encore l’article 64 de la Constitution qui dispose que le président de la République, assisté du Conseil supérieur de la magistrature, est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. ↩
- D. Maus (Documents rassemblés par), Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, La Documentation française, Vol. I, 2001, pp. 425, 438, 467, 489, 513. ↩
- La longue élaboration du concept d’énergie – Roger Balian – mars 2013 – Académie des Sciences. ↩
- La longue élaboration du concept d’énergie – Roger Balian – mars 2013 – Académie des Sciences. ↩
- Voir notamment les propos du Président Latournerie, du Rapporteur Martin et de M. Landron à l’occasion de la séance des 27-28 août 1958, in D. Maus (Documents rassemblés par), Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, Vol. II, op. cit., pp. 379-380. ↩
- Ibid., p. 380, cité in F. Hourquebie, préc., p. 33. Pour une analyse détaillée, voir aussi Th. Renoux, « L’autorité judiciaire L’écriture de la République », in L’écriture de la Constitution de 1958, Actes du colloque du XXXème anniversaire de la constitution, Aix-en-Provence, septembre 1988, publié par D. Maus, L. Favoreu et J.-L. Parodi (dir.), Economica-PUAM, 1992, pp. 680-711. ↩
- https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000091.pdf, p. 51. ↩
- Ibid. ↩
- https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/074000697.pdf, p. 78. ↩
- https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000596.pdf, pp. 66 et s. ↩
- https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000692.pdf, p. 117. ↩
- « Tandis qu’on parle d’un “pouvoir” exécutif ou législatif, le titre VIII de la Constitution de 1958 ne se réfère encore, pour la justice, qu’à une “autorité” », ibid. ↩
- Ibid., pp. 127 et 133. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 34. ↩
- Ibid. ↩
- D. Salas, Le tiers-pouvoir : vers une autre justice, Hachette, Littératures, 1998. ↩
- B. Mathieu et M. Verpeaux (dir.), Le statut constitutionnel du parquet, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2012. ↩
- La place de l’autorité judiciaire dans les institutions (sous l’égide de la Cour de cassation), Dalloz, Thèmes et commentaires, 2016 (actes du colloque organisé par la Cour de cassation le 25 mai 2016 à l’Assemblée nationale et le jeudi 26 mai 2016 au Sénat) ; voir notamment la partie deux sur la mission constitutionnelle de l’autorité judiciaire et les tables rondes sur l’autorité judiciaire et le service public de la justice ; et l’autorité judiciaire et les fondements de l’indépendance. ↩
- Renforcer l’indépendance des hautes juridictions par leur autonomie budgétaire, Colloque de l’Association des hautes juridictions francophones de cassations, Bruxelles, 10 octobre 2017, https://www.ahjucaf.org/+Fichiers-a-telecharger-Colloque-de-l-AHJUCAF-Bruxelles-le-10-octobre-2017+.html. ↩
- Voir notamment les discours du premier président de la Cour de cassation et du procureur général à l’occasion des audiences solennelles ; voir aussi les autres prises de parole du premier président, notamment « Quelle indépendance financière pour l’autorité judiciaire ? », (https://www.courdecassation.fr/publications_26/prises_ parole_2039/discours_2202/premier_president_ 7084/financiere_autorite_37853.html) ; « L’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle ou des libertés individuelles ? », (https://www.courdecassation.fr/publications_26/prises_
parole_2039/discours_2202/premier_president_ 7084/gardienne_liberte_33544.html) ; « Autorité judiciaire ou service public de la justice ? », (https://www.courdecassation.fr/publications_26/prises_parole_2039/discours_2202/premier_president_7084/discours_2015_7547/service_public_33269.html). Voir aussi les prises de parole du procureur général, notamment « L’autorité judiciaire dans l’État. L’indépendance statutaire du parquet (…) », (https://www.
courdecassation.fr/publications_26/prises_parole_2039/discours_2202/marin_procureur_ 7116/tat_independance_37657.html ) ; « La mission constitutionnelle de l’autorité judiciaire », (https://www.courdecassation.fr/publications_26/prises_parole_2039/discours_2202/marin_procureur_7116/autorite_judiciaire_34349.html) ; « Audition devant le Sénat : projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société », (https://www.courdecassation.fr/publications_26/prises_parole_2039/discours_2202/marin_procureur_7116/senat_ projet_32769.html). Voir enfin les discours et prises de parole du vice-président du Conseil d’État, notamment « Dialogue entre les deux ordres de juridictions », (https://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/Dialogue-entre-les-deux-ordres-de-juridiction) ; « La protection des libertés et des droits fondamentaux dans le contexte de la menace terroriste », (https://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/La-protection-des-libertes-et-des-droits-fondamentaux-dans-le-contexte-de-la-menace-terroriste) ; de R. Keller, « La mission constitutionnelle de l’autorité judiciaire », (https://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/La-mission-constitutionnelle- de-l-autorite-judiciaire). ↩ - Bertrand Mathieu parle quant à lui de « la prise en compte implicite de l’existence d’un pouvoir juridictionnel », in « Transformer la Vème République sans la trahir », AJDA, 13 octobre 2008, pp. 1863 et s. ↩
- Selon l’expression du même auteur, utilisée dans un autre champ. ↩
- F. Luchaire, « Le Conseil constitutionnel et la protection des droits et des libertés des citoyens », Mélanges en l’honneur de Marcel Waline, Le juge et le droit public, LGDJ, 1974, t. 2, p. 568, rappelé dans les Grandes décisions du Conseil constitutionnel (Dalloz) sous la décision du 22 juillet 1980. ↩
- https://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1980/80-119-dc/decision-n-80-119-dc-du-22-juillet- 1980.7775.html. ↩
- https://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1987/86-224-dc/decision-n-86-224-dc-du-23-janvier- 1987.8331.html. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 46. ↩
- L. Favoreu et L. Philip (et alii), Les Grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 15e édition, 2009, p. 331. ↩
- F. Hourquebie, préc., p. 46. ↩
- Ibid. ↩
- F. Hourquebie, Le pouvoir juridictionnel en France, LGDJ, coll. Systèmes, 2010. ↩
- A. Roblot-Troizier, « La QPC, Le Conseil d’État et la Cour de cassation », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°40, 2013, https://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/ francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-40/la-qpc-le-conseil-d-etat-et-la-cour-de-cassation.137429.html. ↩
- Th. Renoux, M. de Villiers et X. Magnon, Code constitutionnel, Litec, 2017, p. 1099. ↩
- Un amendement proposé par Robert Badinter au Sénat en 2008 lors de la discussion sur le projet de révision constitutionnelle visait à dénommer le Conseil constitutionnel « Cour constitutionnelle », pour le rapprocher de ses homologues européens et acter d’une véritable juridictionnalisation d’une institution, inéluctable avec l’entrée en vigueur de la QPC (article additionnel 24 ter adopté lors de la séance du 24 juin 2008). Suivant l’avis du gouvernement, l’amendement fut repoussé par l’Assemblée nationale au motif que « la mission juridictionnelle du Conseil constitutionnel n’était ignorée par personne et qu’un changement de désignation n’apporterait rien ». ↩
- Un amendement (n° 521) avait été déposé en ce sens mais rejeté à l’Assemblée nationale. ↩
- Assemblée nationale, 29 mai 2008, 2e séance. F. Hourquebie, « Le pouvoir juridictionnel et la Vème République. Quelques observations sur la révision du 23 juillet 2008 », Politeia, n°15, 2009, pp. 455-464. ↩
- Ibid. ↩
- J. Gicquel, « Le Conseil supérieur de la magistrature, une création continue de la République », in Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges en l’honneur de Philippe Ardant, Montchrestien, 1999, pp ; 289-304. ↩
- Th. Renoux, « Le Président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire », Justices, n° 3, 1996, pp. 97-112. ↩
- L’alignement des compétences des formations du siège et du parquet en matière disciplinaire, souhaité par la commission des lois du Sénat, sera repoussé en discussion publique à l’Assemblée nationale. ↩
- « Je constate aussi qu’une partie de l’opposition est hostile à toute révision constitutionnelle, qu’elle porte sur l’état d’urgence ou même sur l’indépendance de la magistrature, je déplore profondément cette attitude », François Hollande, Déclaration solennelle à l’Elysée. ↩
- https://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-reuni-en-congres/. ↩
- Ibid. ↩
- https://www.vie-publique.fr/focus/trois-projets-loi-pour-reforme-institutions.html. ↩
- https://www.gouvernement.fr/partage/ 10083-reforme-des-institutions. ↩
- Pour un rappel des principales décisions du Conseil constitutionnel sur l’unité du corps de la magistrature, voir Th. Renoux et alii., Code constitutionnel, préc., p. 1107. ↩
- Jacques Chirac ne siège plus. Nicolas Sarkozy ne siège plus depuis le rejet de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel en 2012. Quant à François Hollande, il s’était engagé à ne pas siéger. ↩
- https://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-reuni-en-congres/ ↩
- Ibid. ↩
- O. Beaud, « Les mots pour le dire : autorité, pouvoir, dans le débat actuel », Après-demain, préc. p. 4. ↩