Le gouvernement annonce une croissance très limitée (+0,4 % en 2014) pour la troisième année consécutive, et seulement une accélération progressive en 2015 (+1 %). L’inflation est encore plus basse qu’attendue (+0,6 % en 2014, et même +0,5 % hors tabac) et ne devrait retrouver sa cible proche de 2 % qu’à l’horizon 2017.
Pour autant, le gouvernement entend maintenir son cap et déclare que l’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, la compétitivité et l’emploi seront intégralement mises en œuvre selon le calendrier prévu. Le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité et de solidarité représenteront à l’horizon 2017 une baisse de prélèvement sur les entreprises de plus de 40 milliards d’euros. Dans le même temps, la baisse de l’impôt des ménages à revenus modestes et moyens sera poursuivie et amplifiée.
L’effort de maîtrise de la dépense sera intégralement respecté, avec un plan de 50 milliards d’euros d’économies sur 2015-2017, dont 21 milliards d’euros en 2015. La dépense publique progressera à un rythme équivalent à celui prévu au printemps : de 1,4 % en valeur en 2014, puis 1,1 % en 2015, contre plus de 3 % par an en moyenne entre 2002 et 2012. Ceci permet de réduire le poids de la dépense publique dans la richesse nationale.
Ces choix stratégiques sont mis en œuvre à travers les économies du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale :
- sur l’État et ses agences, 19 milliards d’euros en trois ans, dont 7,7 dès 2015. Les dépenses des ministères diminueront ainsi de 1,8 milliard d’euros par rapport au dernier budget 2014 ;
- sur les collectivités locales, 3,7 milliards d’euros par an pour un total de 11 milliards ;
- sur l’assurance-maladie, 10 milliards d’euros, dont 3,2 milliards dès 2015 ;
- les autres organismes de protection sociale apporteront le solde des économies.
S’agissant de l’État et de ses agences, ces économies seront obtenues par des efforts sur :
- la masse salariale, pour 1,4 milliard d’euros, s’appuyant notamment sur la stabilisation des effectifs ;
- les dépenses, essentiellement de fonctionnement, pour 2,1 milliards d’euros, avec par exemple la rationalisation des achats et de la politique immobilière de l’État ;
- les interventions, pour 2,4 milliards d’euros, en mettant en œuvre un ensemble de réformes en profondeur de l’action de l’État ;
- les agences et opérateurs, pour 1,9 milliard d’euros.
La prévision de recettes fiscales nettes est fixée à 278,9 milliards d’euros, en hausse de 5,7 milliards d’euros par rapport à 2014. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, la prévision de recettes a été fixée sur une base prudente.
Pour la première fois depuis cinq ans, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale devrait baisser en 2015 ce qui devrait permettre de restituer du pouvoir d’achat aux ménages disposant de revenus modestes et moyens, dans le prolongement de la réduction d’impôt exceptionnelle pour 2014. Une réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu entraînera des baisses d’impôt sur le revenu pour plus de 6 millions de ménages. Au total, la réduction d’impôts représente un effort de 3,2 milliards d’euros, bénéficiera à 9 millions de foyers fiscaux, dont 3 millions éviteront d’être imposés ou cesseront de l’être.
Le projet de loi de finances traduit aussi les engagements du gouvernement, d’une part pour relancer la construction en mobilisant l’ensemble des leviers fiscaux nécessaires afin de libérer le foncier et d’inciter à la production de logements diversifiés, d’autre part pour mettre en œuvre la transition énergétique.
Au total, le projet de loi de finances prévoit un déficit budgétaire pour l’État de 75,7 milliards d’euros en 2015, soit une baisse de près de moitié du déficit de 148,8 milliards d’euros constaté en 2010.
Adoption de la première partie du projet de loi de finances le 21 octobre 2014 par 266 voix contre 245.
S’agissant de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu les députés du Front de gauche ont estimé que les ménages les plus pauvres non imposables n’en profiteront pas et qu’il aurait été préférable d’augmenter les prestations sociales au nom de la justice fiscale. Les députés UMP et UDI ont regretté un transfert de l’effort fiscal vers les classes moyennes.
M. Henri Emmanuelli (DRC, Landes) a critiqué la mesure d’extension aux descendants et ascendants du dispositif fiscal Pinel, allouant des avantages fiscaux à ceux qui achètent un logement pour le louer, adoptée grâce aux voix de l’opposition.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement présenté par M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, relatif à une aide de 423 millions d’euros aux investissements des collectivités liés à la transition énergétique ainsi qu’à ceux effectués par les communes urbaines et rurales les plus pauvres.
La baisse des dotations aux collectivités locales a suscité une vive opposition des députés socialistes frondeurs, du Front de gauche, de l’UMP et de l’UDI.
L’Assemblée n’a pas adopté la mesure adoptée en commission des finances d’assujettissement des œuvres d’art à l’impôt de solidarité sur la fortune.
L’Assemblée a rejeté les amendements d’aménagement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) déposés par les députés socialistes frondeurs, du Front de gauche et écologistes. À ces députés observant aussi que le crédit d’impôt recherche est devenu un instrument d’optimisation fiscale des grandes entreprises, M. Christian Eckert a déclaré : “Le crédit d’impôt recherche est le principal facteur d’attractivité de notre pays auprès des investissements étrangers. Le gouvernement ne souhaite pas bouger pour des raisons de signal politique.”
L’Assemblée a maintenu la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) initialement supprimée.
Le gouvernement a demandé le 20 octobre 2015 la réserve sur le vote de 300 amendements après l’adoption d’un amendement déposés par des députés RRDP (radicaux) visant à augmenter de 10 millions d’euros les crédits du Fonds de solidarité du développement.
A été adopté un amendement de M. Laurent Grandguillaume (SRC, Côte-d’Or) tendant à limiter la part de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) dont le produit abonde les ressources des chambres de commerce et d’industrie.
La première partie du projet de loi de finances a été adoptée à une courte majorité. 39 députés socialistes frondeurs se sont abstenus ainsi que 14 députés écologistes. M. Christophe Cavard (écologiste, Gard) a déclaré que son groupe voulait “faire entendre que la ligne économique et sociale suivie par le gouvernement n’est pas la bonne.” M. François de Rugy (écologiste, Loire-Atlantique) a considéré que la hausse de 4 centimes du prix du diesel pour compenser l’abandon de l’écotaxe poids lourd était “un pis-aller”.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2014.
Rapporteur général au Sénat M. Albéric de Montgolfier (UMP, Eure-et-Loir).
Adoption en première lecture par le Sénat le 9 décembre 2014.
Le Sénat a supprimé l’article 6 relatif aux exonérations de donations de terrains à bâtir. M. Albéric de Montgolfier, rapporteur, a estimé qu’il s’agissait de limiter les risques de contentieux. M. Thierry Foucaud (CRC, Seine-Maritime) a déclaré que l’introduction de nouveaux abattements n’est “ni juste ni opportune puisqu’elle s’adresse aux détenteurs de patrimoines importants et au bénéfice de leurs ayants cause”.
Il a adopté deux amendements identiques, l’un socialiste et l’autre UDI-UC, tendant à amplifier la prise en compte de l’amortissement dégressif des investissements dans le calcul du bénéfice imposable des PME.
Il a adopté un amendement du rapporteur général, contre l’avis du gouvernement, tendant à élever le plafond du quotient familial de 1 720 à 1 870 euros, alors qu’il avait été abaissé de 2 000 à 1 500 par demi-part dans la loi de finances pour 2014. Afin de neutraliser l’impact de la hausse du plafond du quotient familial sur le solde du budget de l’Etat, l’amendement du rapporteur général vise à réduire les seuils des deux nouvelles décotes d’environ 8 %.
Il a adopté un amendement de sénateurs d’outre-mer d’élargissement du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) aux équipements destinés au rafraîchissement des locaux.
Le Sénat a adopté la première partie modifiée du projet de loi de finances le 26 novembre 2015 par 190 voix contre 154.
Pour M. Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis) “il ne sera possible de diminuer les recettes que lorsqu’on aura diminué les dépenses par des réformes structurelles”.
Le Sénat a prorogé jusqu’au 31 décembre 2017 la réduction d’impôt sur les SOFICA.
Il a prorogé le crédit d’impôt sur le revenu pour les dépenses d’équipement de l’habitation principale en faveur de l’aide aux personnes pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 2015.
Il a modifié le plafond du crédit d’impôt pour les dépenses prescrites par un plan de prévention des risques technologiques.
Il a supprimé les dispositions relatives aux informations sur l’utilisation du crédit d’impôt sur la compétitivité figurant en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes des entreprises.
Le Sénat a adopté l’ensemble du projet de loi de finances avec de nombreuses modifications par 190 voix contre 152.
“Ce projet porte la marque du Sénat et de sa nouvelle majorité” a déclaré M. Albéric de Montgolfier.
Échec de la commission mixte paritaire réunie le 11 décembre 2014.
Adoption en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2014 par 257 voix contre 222 et 54 abstentions.
35 députés socialistes frondeurs se sont abstenus, dont les anciens ministres Mme Aurélie Filipetti et M. Benoît Hamon, de même qu’une majorité de députés écologistes. Les députés de l’UMP, de l’UDI et du Front de gauche ont voté contre.
L’Assemblée nationale a rétabli la plupart des dispositions qu’elle avait adoptées en première lecture.
Rejet en nouvelle lecture par le Sénat le 17 décembre 2014.
Adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale, le 16 décembre 2014.
Le déficit est finalement de 74,4 milliards d’euros avec 22 milliards de recettes votées et 296 milliards de dépenses. Le déficit des administrations publiques est de 4,1 % du PIB, le gouvernement ayant l’intention de le réduire de 3,6 milliards supplémentaires.
Décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2014 relative à loi de finances pour 2015
Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution l’article 79, qui visait à réprimer la personne ayant, par son aide, facilité l’évasion et la fraude fiscales. Cependant, selon le Conseil, la rédaction retenue ne permettait pas de déterminer si l’infraction fiscale ainsi créée était constituée en raison de l’existence d’un abus de droit commis par le contribuable conseillé ou si l’infraction était constituée par le seul fait qu’une majoration pour abus de droit était prononcée. La rédaction de l’article ne permettait pas non plus de savoir si le taux de 5 % devait être appliqué au chiffre d’affaires ou aux recettes brutes que la personne poursuivie a permis au contribuable de réaliser ou que la personne poursuivie a elle-même réalisé. Le Conseil a donc considéré que le principe de légalité des délits et des peines, qui oblige à définir les infractions et les peines encourues en termes suffisamment clairs et précis, était méconnu. Il a par ailleurs censuré deux articles qui n’avaient pas leur place en loi de finances.
Jean Lalloy, chroniqueur