Afin d’améliorer la prévention et la promotion de la santé le projet de loi vise à combattre l’image positive de l’ivresse chez les jeunes, à faire reculer le tabagisme, à enrayer l’obésité en diffusant une information nutritionnelle simplifiée.
Chaque enfant aura désormais la possibilité d’être suivi par un médecin traitant. Les usagers de drogues dures seront mieux accompagnés. Un institut de santé publique sera créé.
Le projet de loi généralise le tiers payant à compter de 2017, traduction d’une promesse de campagne du candidat François Hollande. Le patient bénéficiant du tiers payant partiel ne paye que la partie des honoraires non remboursée par l’Assurance-maladie, le ticket modérateur. Le tiers payant total permet de ne pas avancer de frais ; c’est alors la Sécurité sociale qui paye directement le professionnel de santé. Quasi généralisée à l’hôpital, la dispense d’avance de frais ne concerne actuellement que 30 % des consultations dans les cabinets médicaux de ville, c’est-à-dire les patients bénéficiaires de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et de l’aide médicale d’État. Le budget 2015 de la Sécurité sociale prévoit son extension aux bénéficiaires de l’ACS (aide à l’acquisition d’une complémentaire santé) à partir du 1er juillet. Le projet de loi dispose que les patients pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie pourront prétendre au tiers payant. Les médecins contestent la mise en œuvre technique du tiers payant généralisé craignant les lourdeurs administratives, le ralentissement des délais de paiement et une influence des mutuelles sur leurs prescriptions.
Pour les soins d’optique et de prothèses dentaires et auditives, la loi élargit l’application de tarifs sociaux à tous les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire santé (ACS), soit un million de foyers de plus qu’aujourd’hui. L’information du public sur la santé sera organisée dans le cadre d’un service public. Un numéro national unique d’appel à la permanence des soins de ville sera instauré. L’action de groupe permettra aux victimes d’accidents sériels de ne plus être isolées pour demander justice.
Le projet de loi rénove le service public hospitalier et généralise l’engagement des établissements dans des projets médicaux communs de territoire. Il crée un service territorial de santé au public. Le projet de loi crée le cadre d’un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales, permettant la reconnaissance des infirmières cliniciennes. Il organise un système national des données de santé (SNDS) permettant l’ouverture (open data) des données publiques et un accès compatible avec le secret des données personnelles pour des recherches, projets d’étude et d’évaluation d’intérêt public. Le système regroupe les données du système national inter-régime de l’Assurance maladie (SNIIRAM) et du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) des hôpitaux.
Rapporteurs à l’Assemblée nationale : M. Olivier Véran (SRC, Isère), titre I ; Mme Bernadette Laclais (SRC, Savoie), titre II ; M. Jean-Louis Touraine (SRC, Rhône), titre III ; Mme Hélène Geoffroy (SRC, Rhône), titre IV ; et M. Richard Ferrand (SRC, Finistère), titre V.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 avril 2015 par 311 voix contre 241 et 10 abstentions.
Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, a rappelé qu’ “à chaque fois que la gauche a gouverné, elle a pris ses responsabilités, elle a réformé notre système de santé dans le sens de la justice, de l’égalité. C’est avec la loi Évin de 1990 que la France s’est engagée en matière de prévention, dans la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ; c’est avec la loi Aubry de 1999 que la France a permis l’accès de tous aux soins grâce à la création de la couverture maladie universelle ; et c’est avec la loi Kouchner de 2002 que la France est entrée dans la démocratie sanitaire, qui a permis de reconnaître des droits aux patients dans notre système de santé. […] Moderniser notre système de santé, le faire entrer dans le XXIe siècle, c’est tout l’enjeu du projet de loi.”
M. Bernard Accoyer (Les Républicains, Haute-Savoie) a considéré qu’ “avec la généralisation du tiers payant”, la ministre des Affaires sociales veut “faire passer en force une disposition, au mépris du refus catégorique et unanime de la profession concernée. […] En réalité, l’argument (avancé par le gouvernement) selon lequel le reste à charge ou l’absence de tiers payant serait un frein à l’accès aux soins, ne tient pas. En effet, certains dispositifs existants – la couverture maladie universelle ou CMU, la CMU complémentaire, l’AME, l’aide pour une complémentaire santé ou ACS, le régime des affections de longue durée ou ALD – permettent d’appliquer le tiers payant intégral et d’assurer le libre accès aux soins pour tous. Et s’il faut, à titre exceptionnel, prendre un cas particulier en considération, les praticiens le font tous […].”
M. Jean-Louis Roumegas (Écologiste, Hérault) s’est déclaré favorable aux dispositions relatives à la “la généralisation du tiers payant, qui va dans le sens d’un meilleur accès au soin, à condition de ne pas dégrader le panier de soins.” Il a estimé nécessaire de prendre en compte les liens entre la santé et l’environnement, totalement absents de ce texte.
Mme Jacqueline Fraysse s’est déclarée gênée “par les amendements importants du gouvernement, qui ont bousculé des pans entiers du texte et qui, de ce fait, ont rendu caducs de nombreux amendements déposés par les députés.” Elle a souhaité une remise en cause “avec plus de détermination des dépassements d’honoraires qui représentent encore aujourd’hui 7 milliards d’euros”.
Mme Martine Pinville (SRC, Charente) a en revanche considéré qu’ “il s’agit d’une réforme de structure qui organise une politique publique visant à corriger les manques et à lutter contre les gaspillages de notre système de santé.”
L’Assemblée nationale a adopté par 23 voix contre 12 avec des modifications la généralisation progressive du tiers dont la généralisation par étapes permettant de ne plus avancer les frais d’une consultation en médecine de ville, une des principales dispositions du projet de loi.
L’article discuté en séance publique avait précédemment été modifié en commission des affaires sociales par un amendement du gouvernement. A l’issue de la concertation tenue au cours du premier trimestre 2015 avec les professionnels de santé et les organismes d’assurance maladie obligatoire et complémentaire, le gouvernement a décidé de préciser les modalités d’extension du tiers payant par un amendement tendant à substituer de nouvelles dispositions à celles prévues initialement à l’article 18 du projet de loi. Le nouveau texte fixe les étapes du déploiement du tiers payant instaurant tout d’abord une phase volontaire pour les patients pris en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire (ALD et maternité) à compter du 1er juillet 2016 avant de devenir un droit pour les patients au 31 décembre 2016. Dans un second temps, s’appliquera un tiers payant sur la base du volontariat à l’ensemble des assurés à compter du 1er janvier 2017 sur la base des solutions techniques dégagées par le rapport demandé à l’assurance maladie et aux organismes complémentaires pour le dernier trimestre 2015 dans l’objectif de devenir un droit au 30 novembre 2017. L’amendement tend aussi à fixer les garanties de paiement dans des délais rapides pour les professionnels de santé et les conditions de bénéfice du tiers-payant pour les assurés. La nouvelle rédaction vise à adapter les textes relatifs notamment à la prise en charge et au remboursement des dépenses par les caisses de Sécurité sociale et au recouvrement des franchises et les participations forfaitaires à la pratique du tiers payant par les professionnels de santé. Elle simplifie les procédures relatives aux renouvellements et aux modifications des droits des assurés afin de faciliter leur continuité et réaffirme le rôle majeur de l’assurance maladie dans la gestion des dispositifs de prise en charge des bénéficiaires de l’assurance et lui confie la mission générale de pilotage d’ensemble du tiers payant.
Les députés de l’opposition ont critiqué une “déresponsabilisation des patients” et “une bureaucratisation des médecins”, bientôt confrontés à “un décuplement de la paperasserie au détriment du temps consacré aux soins”. “Il n’y a pas de problème d’accès aux soins en France en dehors des prothèses dentaires, auditives et des lunettes », selon M. Bernard Accoyer. Rappelant que “les médecins sont allés dans la rue », ce qui est “rare”. M. Bernard Debré (Les Républicains, Paris) a fait observer que les médecins voulaient s’opposer à un mécanisme qui va rendre “leur métier plus difficile”. “Je suis certaine que, dans dix ans, on ne parlera plus du tiers payant parce qu’il sera devenu une banalité, une norme, une simplicité” et qu’il permet de lutter contre le renoncement aux soins pour raisons financières, a déclaré Mme Marisol Touraine. Celle-ci a également affirmé qu’elle souhaitait “une gouvernance coordonnée » entre l’assurance maladie et les organismes complémentaires dans la mise en place du tiers payant. L’Assemblée a adopté un amendement visant à introduire la création d’un comité de pilotage, qui devra assister l’assurance maladie dans sa “mission générale de pilotage du déploiement et de l’application du tiers payant”. Composée de l’ensemble des acteurs concernés, parmi lesquels des représentants d’organismes complémentaires, des professionnels de santé et des usagers du système de santé, cet organe devra identifier les difficultés rencontrées par les professionnels de santé et recommander, le cas échéant, des améliorations. Selon M. Julien Aubert (Les Républicains, Vaucluse), il s’agit, au mieux, d’une instance de concertation qui permettra un tour de table avec trente ou quarante personnes.
L’Assemblée nationale a adopté, l’expérimentation de salles de consommation de drogue à moindre risque, dites “salles de shoot”, pendant six ans maximum. Elle a rejeté les amendements de suppression, les députés de l’opposition ayant dénoncé ces salles comme impropres à diminuer le nombre de toxicomanes ou à les extraire de leur addiction. Ceux-ci ont considéré l’ouverture de ces salles comme une légalisation de “paradis artificiels officiels” et “une première marche vers la dépénalisation” de la drogue, avec des risques possibles d’overdoses à l’intérieur et de “zones de non droit” à l’extérieur.
L’Assemblée a adopté une nouvelle définition du service public hospitalier et de ses missions. Les établissements privés ne pourront y participer qu’en renonçant à des dépassements d’honoraires. Elle a adopté la création des groupements hospitaliers de territoire, “instrument puissant dans la lutte contre la désertification médicale” selon Mme Marisol Touraine, alors que Mme Jacqueline Fraysse (GDR, Hauts-de-Seine) a considéré que ces nouveaux établissements conduisaient à une “fermeture de services, des suppressions de personnels et des réductions budgétaires drastiques”.
L’Assemblée nationale a adopté un renforcement du contrôle des finances des cliniques avec un amendement du gouvernement tendant à obliger la transmission des comptes des établissements de santé aux agences régionales de santé (ARS). L’Ars devra procéder à la récupération des sommes indûment déléguées. Un autre amendement adopté vise à étendre les missions de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes aux établissements de santé privés. A aussi été adoptée l’interdiction du recours par les hôpitaux publics aux emprunts toxiques, disposition introduite en commission par un amendement de M. Pierre Morange (Les Républicains, Yvelines).
L’Assemblée a adopté des amendements du gouvernement visant à accroître la transparence des liens entre les laboratoires et les professionnels de santé en ce qui concerne les études et publications au moyen de la publication en ligne des contrats. Les principales agences et autorités sanitaires devront se doter d’un déontologue qui contrôlera chaque année les déclarations d’intérêts des personnes sous leur autorité.
L’Assemblée a adopté un amendement de Mme Hélène Geoffroy relatif à la création d’un droit d’alerte des associations de patients auprès de la Haute autorité de santé.
Elle a adopté un amendement visant à encadrer les médecins pratiquant l’exercice libéral en établissement public de santé. La durée du contrat entre le praticien et l’hôpital sera de cinq ans et le renouvellement ne sera pas automatique. En cas de départ temporaire ou définitif de l’hôpital, l’installation en secteur libéral sera soumise à des clauses restrictives fondées sur des critères de délai et de périmètre géographique. En cas de non-respect de ces obligations par le praticien, celui-ci devra verser une indemnité compensatrice.
L’Assemblée nationale a modifié les dispositions de création d’un système national des données de santé (SNDS) par un amendement du gouvernement visant à répondre aux inquiétudes d’exclusion exprimées par des “organismes de presse”. “Aujourd’hui, du reste, a déclaré Mme Marisol Touraine, ceux-ci utilisent déjà ces données, par exemple lorsqu’ils réalisent des palmarès de santé sur les hôpitaux ou les cliniques dans les hebdomadaires ou dans la presse quotidienne […]. Il s’agit simplement de s’assurer que l’objectif est un objectif d’intérêt général – on voit bien en effet comment d’autres titres de presse pourraient vouloir accéder à des données de santé qu’ils utiliseraient de manière plus nominative, ce qu’on ne peut pas faire.”
Lors des explications de vote, le 14 avril 2015, M. Jean-Pierre Door (Les Républicains, Loiret) a dénoncé un projet de loi long et touffu d’étatisation du système de santé.
M. Arnaud Richard, au nom de l’UDI, a critiqué l’absence de contenu du lancement d’un programme national de lutte contre les déserts médicaux, acte de décès de l’engagement du candidat Hollande, qui entendait “fixer un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence.” Il a estimé que le projet de loi “se caractérise par une faute majeure : la suppression du délai de réflexion (de sept jours) concernant l’interruption volontaire de grossesse, qui remet en cause une législation protectrice et un consensus vieux de quarante ans.”
Lors des questions au gouvernement Mme Marisol Touraine avait souligné les avantages de la réforme de l’aide à la complémentaire santé (ACS). “L’aide à la complémentaire santé, c’est un chèque, pouvant aller jusqu’à 550 euros, […] versé aux personnes dont le revenu est supérieur à celui qui donne droit à la CMU mais inférieur, pour une personne seule, à 1 000 euros environ par mois. Grâce à ce chèque, […] des salariés modestes, des petits retraités, des étudiants peuvent se procurer une complémentaire santé, une mutuelle. […] Les contrats qui seront proposés seront moins chers, ils coûteront jusqu’à 300 euros de moins pour une personne seule âgée de plus de soixante ans, et ils permettront d’avoir une meilleure couverture. À partir du 1er juillet de cette année, ces nouveaux contrats seront proposés à nos concitoyens modestes.”
Jean Lalloy, chroniqueur