Le projet de loi vise à réformer le dialogue social au sein de l’entreprise.
Le gouvernement constate que la vitalité de la négociation au niveau interprofessionnel, avec la signature de plusieurs accords transposés dans la loi depuis 2012, ainsi qu’à l’échelon de la branche, n’est plus à démontrer, le dialogue social se noue aussi dans l’entreprise. Sa qualité constitue à la fois un impératif démocratique et un levier de compétitivité. Or, ce dialogue est marqué, avec le temps, par une stratification qui le rend trop souvent formel.
C’est pourquoi le projet de loi vise à simplifier et hiérarchiser les obligations d’information, de consultation et de négociation dans l’entreprise, afin que le dialogue social y soit plus vivant. Il vise à adapter les institutions représentatives du personnel à la diversité des entreprises et à clarifier leur rôle respectif. Le dialogue social concernera les questions relatives à la qualité de vie au travail et aux conditions de travail. Le projet de loi introduit également un droit universel à la représentation pour les 4,6 millions de salariés des très petites entreprises, au moyen des commissions paritaires régionales. Il accorde de nouveaux droits aux représentants des salariés, et reconnaît l’expérience qu’ils ont acquise pendant l’exercice de leur mandat. Enfin, il oblige à une représentation équilibrée des femmes et des hommes lors des élections professionnelles.
Le projet de loi reconnaît, conformément aux engagements du gouvernement, l’existence dans la loi du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Il permettra désormais d’associer pleinement les partenaires sociaux des professions concernées à la négociation de ce régime.
Le projet de loi prévoit, dans un titre spécifique, la création de la prime d’activité, en vue de soutenir l’activité et le pouvoir d’achat des travailleurs, qui ont des emplois faiblement rémunérés ou précaires. La prime d’activité a pour objectif d’éviter que la reprise d’activité ou le passage du temps partiel au temps plein en coûte plus qu’il ne rapporte. Elle sera versée chaque mois sous condition de ressources du foyer. Son montant dépendra des revenus d’activité des bénéficiaires : elle se déclenchera dès le premier euro de revenu d’activité et concernera tous les travailleurs de plus de 18 ans. La prime d’activité sera ouverte à tous les salariés de 18 à 25 ans, alors que le RSA activité jeunes ne bénéficiait qu’à 5 000 jeunes. Au total, plus de 5,6 millions d’actifs dont plus d’un million de jeunes seraient éligibles à ce nouveau droit social, dans 4 millions de ménages comprenant 11 millions de personnes (parents et enfants).
Le projet de loi crée un compte personnel d’activité, rassemblant les principaux droits sociaux attachés à l’exercice d’une activité, notamment, le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité. L’objectif du compte est de consolider la logique des droits individuels portables.
Le gouvernement annonce l’engagement avant la fin de l’année d’une concertation avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives à l’échelon national et interprofessionnel.
Rapporteur à l’Assemblée nationale : M. Christophe Sirugue (SRC, Saône-et-Loire) et rapporteur pour avis MM. Jean-Patrick Gille (SRC, Indre-et-Loire) et Dominique Lefebvre (SRC, Val-d’Oise).
Le texte adopté par la commission des affaires sociales modifie le projet de loi initial. Un amendement du gouvernement vise à élargir l’accès à la prime d’activité afin que certains étudiants ou apprentis puissent en bénéficier. Les étudiants et les apprentis pourront bénéficier de la prime d’activité lorsque leurs revenus dépassent, pendant au moins trois mois, un seuil fixé à 0,78 % le SMIC net. Le seuil ouvre le bénéfice de la prime d’activité aux apprentis en fin de formation.
Un autre amendement du gouvernement tend à autoriser celui-ci à prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour procéder à la création d’un établissement public industriel et commercial exerçant les missions de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
La commission a adopté un amendement du rapporteur M. Christophe Sirugue relatif à l’information de l’État par le Pôle emploi “des inscriptions des bénéficiaires de la prime d’activité sur la liste des demandeurs d’emploi et de leur radiation de cette liste”.
Le texte de la commission précise les mesures d’égalité professionnelle dans les entreprises. Un amendement du gouvernement a pour objet l’ajout d’une rubrique relative à l’égalité professionnelle à la base de données unique permettant aux entreprises de partager des informations avec les représentants du personnel ; celle-ci comprend “l’ensemble des items du rapport de situation comparée”. L’obligation de négociation relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes se réfère à ces données ; à défaut d’accord est proposé un plan d’action unilatéral. Les entreprises qui ne se conforment pas à ces obligations restent soumises à une pénalité de 1 % de la masse salariale.
La commission a adopté des amendements de Mme Catherine Coutelle (SRC, Vienne) et Sandrine Mazetier (SRC, Paris) tendant à ce que les organisations professionnelles d’employeurs respectent la parité des sièges des commissions paritaires régionales. Aux termes d’un amendement du rapporteur, les listes électorales devront être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe, jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
Un amendement du rapporteur vise à permettre l’accès des représentants des salariés des très petites entreprises (TPE) aux locaux de ces entreprises sur autorisation de l’employeur. Le texte de la commission modifie le projet initial en confiant aux commissions paritaires régionales un rôle de médiation entre les employeurs et les salariés afin d’éviter les conflits individuels et collectifs, si l’on y fait appel. Les commissions paritaires régionales pourront proposer des activités à caractère social ou culturel.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 2 juin 2015.
M. François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, présentant le projet de loi a déclaré qu’il “s’adresse […] aux millions de travailleurs modestes, qui verront leur pouvoir d’achat renforcé et leur activité encouragée grâce à l’instauration de la prime d’activité. […]. Il prévoit de rénover profondément le dialogue social dans l’entreprise afin d’en faire un levier de performance économique et sociale et de mieux répondre aux préoccupations des salariés. Il valorise également l’engagement des 600 000 élus ou représentants syndicaux qui le font vivre au quotidien et, pour la première fois, il accroît la place des femmes parmi ces élus. Il renforce en outre la lutte contre le chômage avec une AFPA rénovée – l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – et de nouvelles dispositions favorisant la formation des demandeurs d’emploi de longue durée.”
Selon Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, “la prime d’activité exercera son plein effet au profit de ceux de nos concitoyens qui perçoivent une rémunération comprise entre 900 et 1 300 euros par mois.”
M. Jean-Frédéric Poisson (Les Républicains, Yvelines) a déploré “la piètre qualité rédactionnelle du texte […] encore truffé de fautes de grammaire et de français. Jugeons-en au nombre d’amendements rédactionnels que le rapporteur a choisi de déposer, qui ne visent pas tous à apporter des précisions sémantiques ! Je m’interroge quand même sur le respect que l’on témoigne au Parlement en produisant et en déposant sur son bureau des textes d’une telle qualité”, a-t-il déclaré. Il a douté de “la mission novatrice des commissions paritaires régionales […]. S’il s’agit de désigner dix représentants des salariés, dix représentants des employeurs pour faire de l’information sociale sur des milliers de kilomètres carrés, en l’absence de moyens renforcés et de mission précise, avec une organisation qui n’est pas définie, je ne vois pas comment ces commissions paritaires régionales pourront simplement remplir la mission” qui leur est confiée. Il a regretté la modestie de la réforme des seuils dont la seule mesure “consiste à faire passer de 200 salariés à 300 salariés le seuil au-delà duquel on ne peut recourir à la délégation unique du personnel”.
Mme Jacqueline Fraysse (GDR, Hauts-de-Seine) a jugé que le projet de loi “aboutit en réalité, sous couvert de modernisation, à réduire les droits des représentants des salariés.” “Concernant l’extension de la délégation unique du personnel – DUP – aux entreprises comprenant jusqu’à 300 salariés et plus lorsqu’un accord collectif le prévoit, force est de constater que cette disposition aboutit à une baisse du nombre d’élus et du nombre d’heures de délégation, avec finalement une importante centralisation des instances, laissant certains établissements sans aucune représentation et conduisant à affadir la pluralité de l’expression syndicale, surtout si cette délégation inclut désormais, comme le prévoit le texte dans sa rédaction actuelle, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT”.
M. Gérard Cherpion (Les Républicains, Vosges) a critiqué l’absence de règlement du régime intermittent “déficitaire de plus d’un milliard d’euros pour 100 000 bénéficiaires” et le flou de la nouvelle prime d’activité et le déséquilibre du texte issu de la commission.
L’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement relatif à l’incessibilité et l’insaisissabilité de la prime d’activité afin d’en garantir le versement à son bénéficiaire.
Elle a adopté des modifications de simplification du compte pénibilité conformément aux recommandations du rapport des missions confiées par le gouvernement à MM. Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville. À l’obligation de l’employeur d’établir et de transmettre aux salariés des fiches individuelles a été substituée celle de déclarer sous forme dématérialisée en fin d’année à la caisse de retraite les salariés exposés. Il appartiendra à la caisse de retraite d’informer les salariés de leur exposition et des points dont ils bénéficient. Les entreprises pourront appliquer un référentiel défini par leur branche professionnelle et identifiant les postes, métiers et situations de travail exposés aux facteurs de pénibilité.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement relatif à l’abaissement de trois à deux ans du délai de prescription de l’action individuelle du salarié ainsi qu’un amendement du gouvernement prévoyant que l’employeur ne peut être mis en cause pour non respect de ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail du seul fait qu’il déclare l’exposition d’un travailleur au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Elle a adopté des modifications à l’article relatif à la pérennisation du régime spécifique d’assurance chômage des intermittents du spectacle et notamment la composition du comité d’expertise.
Elle a adopté un amendement relatif à l’ouverture d’une négociation, avant fin 2016, entre organisations professionnelles représentatives de salariés et d’employeurs sur les conditions de recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU), avant le réexamen des listes d’emplois pouvant être pourvus par des contrats de cette nature.
Un amendement adopté vise aussi à supprimer le caractère obligatoire du CV anonyme.
En revanche les amendements de M. Benoît Hamon (SRC, Yvelines) relatifs au burn-out ont été jugés irrecevables.
Le projet de loi a été adopté par 301 voix contre 238 et 13 abstentions.
Les députés des groupes députés écologistes ont voté pour et 9 se sont abstenus SRC (socialistes) – sauf Mme Delphine Batho qui a voté contre – et RRDP (radicaux) ont voté pour. Les députés des groupes Les Républicains, UDI et GDR ont voté contre.
Jean Lalloy, chroniqueur