Le nombre de terriens de plus de soixante ans est appelé à augmenter de manière significative dans les pays industrialisés en raison de la génération du baby-boom qui arrive à la retraite et de l’augmentation régulière de l’espérance de vie.
En 2100, notre planète comptera plus de trois milliards de terriens âgés de plus de soixante ans. En France plus particulièrement, un Français sur trois sera âgé de plus de soixante-cinq ans et en 2025, cela représentera plus de vingt millions de Français avec des territoires qui ont une démographie plus âgée que d’autres comme le département de la Creuse ou encore de la Martinique.
CONTEXTE DU LANCEMENT DE LA FILIÈRE SILVER ÉCONOMIE
C’est pour répondre à ce défi sociétal immense et unique, qu’une filière industrielle est née en 2013 sous l’impulsion d’Arnaud Montebourg et Michèle Delaunay. Le rapport de la Commission innovation 2030 présidée par Anne Lauvergeon, remis au président de la République en octobre 2013, précise que cette filière est l’une des sept filières industrielles d’avenir pour la France. Cette filière représente déjà plus de vingt milliards d’euros selon le Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
La Silver économie est la réponse économique à la transition démographique.
C’est une formidable opportunité pour redonner du dynamisme économique à nos territoires car pour bien vieillir nos ainés auront besoin de commerces, d’offres culturelles et de centres de soins de proximité. Sur les principes du « social business » fondé par le prix Nobel de l’économie Muhammad Yunus, la Silver économie va permettre de développer de nouvelles activités économiques en réponse à des besoins sociétaux nouveaux et provoqués par notre avancée en âge. C’est une opportunité pour que de nouvelles entreprises émergent et pour d’autres, parfois en perte de compétitivité, de diversifier leurs biens et leurs services pour répondre aux nouvelles attentes, envies et usages de leurs clients qui vieillissent. Le périmètre de la Silver économie est large, peut-être l’un des plus larges qu’une filière industrielle ait connu. Elle est transversale à tous les secteurs d’activité de notre économie. En effet, tous les secteurs qu’ils s’agissent des transports, de l’énergie, de l’automobile, de l’assurance, de la santé, de l’agroalimentaire, de la banque, de la distribution, de l’aéronautique… vont être confrontés au vieillissement de leurs clients et à l’impact de ce vieillissement sur leurs résultats.
Cette filière industrielle s’appuie maintenant sur un projet de société illustré par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement entrée en vigueur le 1er janvier 2016 et qui fixe un triple A : Accompagner, Anticiper et Adapter notre société au vieillissement de sa population. L’adaptation de notre société au vieillissement de ses citoyens suppose que nous allons devoir nous doter de bâtisseurs capables de tenir compte des exigences et de la singularité des seniors qui par définition ne sont pas une cible homogène. Les seniors ont une culture, des habitudes de consommation diverses et variées et une appétence aux technologies de l’information et de la communication grandissante. En effet, en fonction du type de seniors (actif, fragile, dépendant), de leur situation économique, de leur génération et de leur âge, les seniors ont des valeurs, des attentes et des comportements d’achat souvent très différents. Bien agir dans la Silver économie, adapter notre société au vieillissement, c’est également avoir une vision de l’innovation à 360°. Il nous faudra en effet innover sur le plan technologique (performances accrues et miniaturisation des accéléromètres d’un système de détection de chute), dans nos processus (coordination des professionnels de la santé et du médico-social), dans nos services (accessibilité du packaging des produits), dans l’usage des solutions (simplification des fonctionnalités d’un téléphone portable), dans nos organisations (nouveau canal de distribution, nouvelle organisation industrielle pour la production), dans notre modèle économique (viager) et dans notre approche du vieillissement en tentant de donner aux seniors plus de vie à leurs années plutôt que plus d’années à leur vie.
Rappelons que la majorité des retraités est en bonne santé et constitue un relai de croissance pour notre pays. Ce sont eux qui assurent, en effet, plus de la moitié des dépenses de consommation en France, comme l’indique une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie de mai 2010. Alors que les plus de cinquante ans représentent 39 % de la population, ils assureront la majorité des dépenses (54 %) sur les différents marchés à compter de 2015, dont 64 % en santé, 60 % en alimentation, 58 % en équipement du foyer, 57 % en loisirs, 56 % en assurance, 51 % en transport et logement, 49 % en communication et 43 % en hôtels et logement. De plus, les seniors continueront de bénéficier d’une situation financière en moyenne plus favorable que le reste de la population puisque leurs revenus sont 30 % supérieurs à ceux du reste de la population. En France, ils détiennent également 60 % du patrimoine des ménages et 75 % du portefeuille boursier. Ceci pourra être amené à évoluer si le niveau des retraites diminue. L’ambition portée par la France est donc de combiner une logique de marché et une logique sociale afin de développer une filière industrielle, créatrice de valeurs et de richesses pour nos territoires et nos citoyens – ceux qui utiliseront les produits et ceux qui les produiront et les commercialiseront.
Aussi, vieillir est un processus naturel complexe, lent et progressif qui peut entraîner des pertes biopsychosociales irréversibles, sources d’incapacités, qui bouleversent nos habitudes de vie. Ces incapacités conduisent progressivement ou brutalement à une perte de l’autonomie du senior. La prise en charge de l’autonomie des seniors est devenue un enjeu délicat et prioritaire puisque cette situation interroge nos modèles actuels de financement de la solidarité. En France, la prise en charge des seniors dépendants est d’autant plus délicate qu’elle est inscrite dans un contexte marqué par une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur hospitalier et par de fortes contraintes budgétaires pour les pouvoirs publics. En 2050, il n’y aurait plus que 1,4 actif pour 1 inactif de plus de soixante ans, contre 2,2 en 2005 si l’âge de départ à la retraire reste inchangé. Les seniors, en particulier ceux en situation de perte d’autonomie, ont donc besoin d’accompagnement, d’assistance et de soins adaptés à leur situation pour rester actifs et en bonne santé.
Selon le rapport « La Silver économie, une opportunité de croissance pour la France » publié en décembre 2013 par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, dans un tel contexte démographique et économique les structures d’aide à domicile actuelles (auxiliaires de vie, soins infirmiers, etc.) et les structures institutionnelles susceptibles d’accueillir ces personnes (soins de longue durée et maisons de retraite) sont saturées et risquent d’être mal adaptées par un manque de ressources humaines et de moyens financiers patents.
Qu’on ne se méprenne pas, au-delà de l’apparente hétérogénéité des solutions proposées, ce secteur économique à part entière est sur le point de trouver son point d’équilibre, avec ses modèles économiques, sa logique industrielle, ses modalités de distribution et bien entendu ses créations d’emplois qui dans leur majorité ne sont pas délocalisables. Tout comme le secteur du numérique qui a connu des tâtonnements à ses débuts, l’offre et les comportements d’achat sont aujourd’hui en pleine maturation. La voie n’a pas été simple pour ces jeunes entreprises innovantes qui ont très souvent connu des débuts difficiles, même si certaines entreprises sont devenues des championnes internationales grâce notamment à un écosystème local, national et même européen d’aide à l’innovation au travers de subventions et de la création de clusters d’innovation implantés sur nos territoires comme l’association Silver Valley.
STRUCTURATION DE LA FILIÈRE SUR LES TERRITOIRES : CAS DE SILVER VALLEY
Le contrat de filière prévoyait le développement des comités stratégiques régionaux de filière pour diffuser et déployer les actions du contrat aux spécificités locales, en fonction des besoins des populations, des orientations des collectivités territoriales, en particulier celles des pôles de compétitivité ou des clusters.
Les régions sont effectivement l’échelon pertinent d’installation de filières locales, portées par les conseils régionaux, les agences régionales de développement ou tout autre acteur qui y serait étroitement lié. Elles ont vocation à développer un écosystème favorable au développement des entreprises de leur territoire. La région est le territoire d’élaboration et de structuration de l’offre.
Les départements sont quant à eux le territoire de la demande, où se structure la politique de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie, en lien étroit avec les politiques conduites par les conseils départementaux et les conférences de financeurs de la perte d’autonomie. Le département est le territoire de structuration de la demande.
La rencontre de l’offre et de la demande dépend pour partie de la rencontre de ces écosystèmes, animés à des échelons territoriaux différents. Pour ces entreprises, l’enjeu est donc de mieux appréhender les attentes des consommateurs, actuels et futurs, en les rencontrant dans des écosystèmes spécialisés dans la création des conditions propices à l’innovation et localisées sur nos territoires (Autonomlab de la Nouvelle Aquitaine, Clubster santé du Nord, Gérontopôle des Pays de la Loire, Silver Valley en Île-de-France, Pôle de gérontologie de Bourgogne et Franche-Comté,…). Notons que ces organisations échangent leurs bonnes pratiques au travers de l’organisation nationale qui les fédère France Silver Eco.
Tous ces entrepreneurs peuvent s’appuyer sur ces organisations pour tester une solution et/ou un modèle économique avec des futurs clients, rencontrer des partenaires commerciaux, académiques ou financiers et avoir accès à de l’expertise pour se structurer et grandir. Ces organisations territoriales leur apprennent la culture du risque et l’apprentissage par l’action (ils ne cherchent pas à inventer une solution idéale, ils développent des solutions qui apportent de la valeur en lien avec le client final).
Ainsi, en analogie avec la Silicon Valley développée aux États-Unis, en Californie, l’association Silver Valley (270 structures adhérentes) souhaite mettre à disposition des acteurs de la filière de la Silver économie d’Île-de-France un territoire visible à l’international propice à l’innovation et à l’implantation géographique, offrant un foncier attractif, des infrastructures de qualité, un accès simplifié à la recherche et, somme toute, un écosystème propice à l’innovation, l’échange et l’obtention de financements. Le cœur de cette vallée est localisé à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Cette collectivité proche de Paris dispose d’un foncier, attractif et disponible, et d’une plateforme immobilière, Silver innov’, inaugurée à l’été 2014, qui accueille déjà, sur une surface de 4 000 m², une pépinière et un hôtel d’entreprises, un showroom, un espace de formation et des laboratoires de recherche dédiés à la Silver économie. Des startups y ont d’ores et déjà élu domicile, comme Ubiquid (qui propose une solution commercialisée en Ehpad d’optimisation du rangement et suivi du linge) ou Co-assist (un bracelet connecté de téléassistance utilisant le réseau Sigfox) ou encore la Compagnie des aidants (Le bon coin et le Facebook réunis pour les aidants naturels).
DIX EXEMPLES DE STARTUPS DE LA SILVER ÉCONOMIE LOCALISÉES SUR NOS TERRITOIRES
Les pionniers sont nombreux à s’être mis à la recherche du bon filon, de l’océan bleu, dans le nouveau continent économique formé par la récente filière de la Silver économie. Vaste territoire, où il est encore périlleux de s’aventurer, et pourtant, l’horizon semble s’éclaircir, des pépites encore à l’état brut ont été découvertes au travers de la Bourse Charles Foix pilotée par Silver Valley. Ces pépites répondent à la diversité des situations d’usages et des besoins des seniors, elles participent au développement de biens et services utiles pour les seniors, innovants, profitables, faisables techniquement et industriellement. Encore assez peu connues du grand public, ces nouvelles offres de valeur sont en passe de révolutionner la qualité et le confort de vie des seniors à domicile ou en institution. Elles se développent partout en France ! Elles méritent que nous leur réservions un bon accueil, de les faire plus connaître et de soutenir leur développement.
Spartime innovations, ou entrer chez soi n’a jamais été aussi simple et sécurisé !
Terminer les pertes ou gestion maladroites des clés, les difficultés à pénétrer dans le domicile d’un senior alors qu’une situation peut venir perturber son autonomie, la jeune entreprise Spartime innovations, dirigée par Patrick Say, à Nantes, a conçu un dispositif pour faciliter l’accès au domicile tout en préservant la sécurité du senior. Les acteurs du service à la personne trouveront avec ce dispositif innovant un moyen de répondre à la problématique souvent lourde et coûteuse de gestion des clés.
Happytal : la conciergerie du futur en établissement !
Cette startup parisienne, fondée par Romain Revellat, Pierre Lassarat et Irwin Lan Hing Wah, apporte des services directement en chambre, pour faciliter et agrémenter le séjour des patients ou résidents. Happytal permet aux proches de témoigner leur affection au quotidien au travers de petites attentions à distance (bouquet de fleurs). Happytal propose une véritable conciergerie pour faciliter la vie de tous les personnels. De nombreuses ouvertures sont prévues en 2016, en Île-de-France et en province sur des CH et CHU. Happytal a créé vingt-quatre CDI en 2015 et compte doubler ses effectifs en 2016 pour atteindre quatre-vingts salariés avec un peu plus de quatre millions d’euros de chiffre d’affaires.
Serinov, l’accès aux soins du corps facilité !
Jeune entreprise innovante, Serinov, installée à Paris et fondée par Laurent Maréchal et Anne-Marie Beauliet, a développé un mobilier de coiffure pour les seniors à mobilité réduite. Cette offre de services rend plus agréable l’activité de coiffure auprès des seniors tant pour le coiffeur que pour le coiffé. Terminées les douleurs vertébrales, les gênes respiratoires, les risques et les situations d’inconfort, comme le dos mouillé durant le shampoing, un siège modulaire et mobile vous attend.
Verdurable, jardiner à tout âge !
Jardiner pour certains seniors est parfois une activité hédonique qui s’arrête brutalement suite à un aléa de la vie. Pourtant jardiner, pour de nombreux seniors, est une activité quotidienne importante pour se maintenir en forme et en santé. C’est sur ce socle de valeurs, que la société Verdurable, fondée par Qi Wu à Paris, un brillant designer de l’Ensad, a développé la solution Garden Age, gamme de produits adaptée aux usages des seniors. Le jardinage est facilité par ces solutions innovantes intégrées à un mobilier modulaire : des bacs de jardinage réglables en hauteur permettant la pratique du jardinage par tous. Les outils désignés permettent une utilisation même en cas de perte forte de facultés de préhension.
Alogia : le spécialiste de l’aménagement du lieu de vie des seniors !
Alexandre Petit, domicilié à Bordeaux, a fondé la société Alogia qui intervient dans le diagnostic et l’aménagement de l’habitat des personnes âgées. Alogia référence des solutions technologiques après les avoir testées en conditions réelles de vie puis les propose à des bailleurs dans les nouvelles constructions ou celles à réhabiliter.
Xamance : le génie de la paperasse !
Xamance, dirigée par Thomas Henry, domiciliée à Paris, révolutionne la gestion du courrier et des documents papiers des seniors. Grâce à un outil très simple au domicile du senior, il devient très facile de retrouver simplement sur un serveur sécurisé et personnalisé une feuille d’impôt ou une ordonnance médicale.
Famileo où comment la famille entre par les télécommunications en Ehpad
Jeune entreprise innovante, Famileo, installée à Saint Malo, fondée par Armel de Lesquen et Tanguy de Gelis, a développé une application disponible sur tablette et smartphone pour envoyer des photos et des messages à son proche résidant en Ehpad. L’innovation d’usage de leur solution porte sur un système qui agrège l’ensemble des éléments provenant des tablettes ou smartphones des membres de la famille imprimé en format gazette et apporté dans la chambre au chevet du résident chaque semaine.
Nutriculture, l’art de redonner le goût de cuisiner et de manger !
François Berger, avec ses associés, a développé à Limoges un texturant permettant aux seniors en institution ou à domicile de continuer à manger des aliments malgré des troubles dentaires. En développant ce texturant, François Berger propose de retrouver du plaisir en mangeant, sans dénaturer les apports nutritifs des aliments, juste en modifiant sa forme. Cette solution est actuellement produite et commercialisée en Ehpad par Nutriculture.
Cityzen Mobilité, se déplacer autrement et avec plus de services ajoutés !
Guillaume Mathieu a eu le nez fin en développant une offre de taxi partagé pour les seniors qu’il commercialise au travers de Citizen Mobility. Le chauffeur de taxi ne s’arrête pas seulement devant chez vous, il vient vous chercher et prendre vos bagages si vous décidez de partir en voyage et vous accompagne dans le train. L’offre de service est moins onéreuse qu’une course de taxi classique car Guillaume Mathieu a développé un algorithme permettant de géolocaliser plusieurs demandes de même type en même temps sur un territoire comme un département.
Génération Plume, une gamme de slips pour gérer les incontinences !
Après avoir lancé sur le marché des couches éco-conçues pour les nourrissons, Florence Hallouin et Clémence Ossent, fondatrices de Génération Plume à Paris, ont diversifié leur solution et l’ont adaptée aux usages des seniors ayant des troubles modérés de l’incontinence. Cette solution, Filigram, entièrement produite en France, est disponible sur le marché avec des coloris pour les hommes et les femmes.
Benjamin Zimmer
Directeur de Silver Valley