Lorsque l’on mesure le PIB, tout le débat politique se concentre sur la croissance. L’enjeu de ce qui est mesuré et commenté est donc important. Eloi Laurent, économiste senior à l’OFCE et Jacques Le Cacheux, professeur d’économie à l’université de Pau et l’un des rapporteurs de la commission Stiglitz, nous expliquent dans leur ouvrage qu’il existe bien d’autres indicateurs qui mériteraient débat.
Perfectionner le PIB et les indicateurs conventionnels suffira-t-il à donner un sens au monde économique du XXIe siècle ? Ne devrait-on pas appréhender des dimensions tout aussi essentielles du bien-être telles que la santé, l’éducation, la compatibilité du développement humain avec les défis écologiques pour ranimer une confiance perdue entre les citoyens et leurs gouvernements ?
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux expliquent comment les indicateurs de bien-être et de soutenabilité peuvent orienter de nouvelles politiques et éviter le “divorce démocratique”. Car “l’écart entre le discours politique et l’expérience quotidienne des citoyens est un poison pour la démocratie”.
Pour mieux comprendre les indicateurs de bien-être, il conviendrait de saisir la différence entre PIB et revenu qui constituent deux visions du développement économique, de démontrer que le lien entre croissance du PIB et emploi ne va pas de soi “Les questions centrales du nouveau monde économique ouvrent un univers de complexité féconde : quelle croissance (comment, pour qui et avec quelles conséquences,). Et quel emploi ?”
Les auteurs élargissent par la suite la compréhension du bien-être en intégrant des indicateurs de développement humain objectifs et subjectifs (santé, éducation bonheur, usage du temps) et ménagent une place à la confiance et aux institutions ayant évolué du bien-être individuel vers le bien-être collectif. Ils mettent enfin le bien-être en mouvement, en vue de montrer à quelles conditions écologiques il peut se perpétuer.
Les différents indicateurs de bien-être ou de soutenabilité sont présentés et expliqués, par ordre croissant de complexité, en insistant à chaque fois sur ce qu’ils apportent de plus que les indicateurs économiques standards et sur les relations qu’ils entretiennent avec eux (par exemple la relation entre le bonheur et le revenu).
À partir d’exemples concrets, les auteurs montrent comment passer des indicateurs aux politiques, en se concentrant sur trois enjeux majeurs : le rapport entre les mesures et les valeurs, le recours à la pluralité de la démocratie pour engager les citoyens dans la transition du bien-être et de la soutenabilité et enfin sur le rôle central des territoires. C’est un ouvrage d’une actualité poignante.
L’ouvrage d’éloi Laurent et Jacques Le Cacheux a le mérite d’élargir les horizons de la science économique en procédant à un agencement judicieux entre indicateurs économiques classiques et indicateurs du développement humain. Ils ouvrent ainsi un débat constructif et utile pour clarifier et enrichir les notions de croissance et d’emploi.
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Un nouveau monde économique. Mesurer le bien-être et la soutenabilité au XXIe siècle
Odile Jacob, 2015
205 p. – 22,90 €