Quand j’ai lu les propos tenus par Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur, j’ai d’abord cru à une maladresse. Mais non : c’est bien d’un renoncement qu’il s’agit. D’un renoncement à voir, à nommer, à agir. D’un renoncement qui trahit non seulement la lucidité, mais surtout le courage politique dont notre époque a cruellement besoin.
Je ne peux pas laisser dire que « l’islamo-gauchisme » ne serait qu’un « amalgame », qu’il ne « serait pas bien défini », qu’il ne relèverait pas de la réalité. Ceux qui prétendent cela — et ils sont nombreux dans certaines sphères politiques ou universitaires — refusent de voir ce que beaucoup d’entre nous vivent, documentent, affrontent chaque jour : un noyautage idéologique, une infiltration stratégique, une mise au pas de la pensée critique au nom d’un pseudo-antiracisme devenu cache-sexe de l’islamisme.
J’apporte mon soutien total à Jean-Michel Blanquer, dont la constance, la lucidité et la parole ont su briser le silence complice de tant de responsables. Oui, l’islamo-gauchisme est un fait social. Oui, il s’infiltre dans nos universités, dans les départements de sciences humaines, dans les conseils étudiants, dans certains syndicats, jusque dans des programmes de recherche qui ne sont plus que des pamphlets idéologiques déguisés en science.
Ce ne sont pas des fantasmes. Ce sont des faits.
Quand on empêche un enseignant de parler de laïcité ou de lire un texte de Charb sous prétexte qu’il pourrait « offenser », quand on intimide des professeurs accusés d’ « islamophobie »
Et j’irai plus loin : il n’y a pas que des « abus », comme le dit pudiquement le ministre. Il y a une stratégie. Une volonté d’imposer une vision du monde qui essentialise les identités, qui fracture le commun, qui minore les Lumières pour mieux flatter les passions obscurantistes. Cette idéologie ne tolère ni la nuance, ni la contradiction. Elle s’habille des oripeaux du progressisme mais elle travaille à rebours des principes d’émancipation et d’universalisme.
Philippe Baptiste affirme que « les tensions à l’université ont toujours existé ». C’est exact. Mais jamais elles n’ont été si profondément nourries par des influences théologico-politiques aussi dangereuses pour la République. L’entrisme frériste n’est pas une vue de l’esprit : c’est une méthode éprouvée, bien documentée, qui cherche à faire des universités des laboratoires de propagande et de recrutement.
Ne pas le voir, c’est fermer les yeux sur une mécanique implacable.
En niant l’existence de l’islamo-gauchisme, le ministre tourne le dos à ceux qui, dans les salles de classe, dans les laboratoires, dans les amphis, se battent pour préserver un espace de liberté intellectuelle. Il fragilise les enseignants courageux, comme Fabrice Balanche, qu’on a tenté de faire taire. Il désavoue celles et ceux qui refusent l’intimidation et qui veulent encore croire que l’université est un lieu de pensée, pas un champ de bataille idéologique.
Je n’attends pas d’un ministre de l’Enseignement supérieur qu’il joue les équilibristes sémantiques. J’attends qu’il protège les libertés académiques, qu’il soutienne les enseignants attaqués, qu’il nomme les périls.
La neutralité molle, le vernis technocratique et le déni organisé ne sont plus tenables. Il faut choisir.
Alors je le dis sans détour : je me tiens aux côtés de Jean-Michel Blanquer, de Frédérique Vidal, de tous ceux qui ont osé affronter le réel au lieu de s’en abstraire. Je choisis la République. Je choisis la vérité. Je choisis le courage. Parce que l’histoire ne pardonnera pas à ceux qui, par lâcheté ou par aveuglement, auront laissé prospérer l’ennemi au cœur même de nos institutions.
Kamel Bencheikh