Les 21 et 22 mars aura lieu la troisième édition du Printemps des technologies. Dans l’attente d’y retrouver Sophie Sidos Vicat, Présidente des CCE et de la Fondation Louis Vicat, qui interviendra à la table ronde « Les dirigeants et l’avenir », nous lui avons poser quelques questions.
Revue Politique et Parlementaire – Vous êtes vice-présidente de la holding du groupe Vicat et présidez, notamment, la Fondation Louis Vicat. Quel est votre rapport au temps ? En quoi un groupe familial permet-il de s’inscrire dans un temps long ?
Sophie Vidos Vicat – J’ai un double rapport au temps, l’un lié à notre société de l’immédiat et de la rapidité. L’autre me vient de mon histoire familiale.
Je suis une femme d’engagement, de travail et d’action. Je veux être en mouvement, je veux servir ma société, mon territoire de l’Isère et mon pays, à travers mes différentes responsabilités. Dans notre monde contemporain, l’actualité est en constante évolution, avec de la vitesse dans le déroulement des évènements et de l’incertitude. Au quotidien, cela se traduit par un agenda exigeant et une gestion agile de celui-ci. Mais ça n’a jamais été un problème pour moi. Mes journées défilent, s’enchaînent et il faut savoir jongler avec les fuseaux horaires.
Pour autant, je ne perds jamais de vue le long terme. Cet héritage me vient de mon histoire personnelle. J’appartiens à la 7e génération des descendants de Louis Vicat, l’inventeur du ciment moderne. Depuis plus deux cents ans, se poursuit et s’intensifie une aventure scientifique, humaine et entrepreneuriale formidable. Chaque génération a la charge de la faire fructifier pour la transmettre à nos enfants. Dans ces conditions, le temps long est une donnée que vous avez à l’esprit à chaque instant.
RPP – Dans le contexte actuel marqué par des crises et des radicalités, comment prenez-vous vos décisions ?
Sophie Vidos Vicat – L’erreur dans ce contexte serait de céder à la panique, à la déstabilisation et au manque de recul.
En premier lieu, je n’abandonne jamais mon optimisme et mon énergie. Nous vivons une époque passionnante. D’abord, il y a beaucoup de positif. En France, les Jeux olympiques de Paris 2024 ont été une réussite magistrale. La réouverture de Notre-Dame de Paris nous a collectivement enchantés. Au-delà de ce positif – qui est trop facilement oublié d’ailleurs – nous vivons des temps avec de multiples défis certes ; mais ils constituent surtout des occasions de se dépasser, d’aller chercher le meilleur de nous-mêmes et de faire bloc pour les surmonter. Enfin, les bonds technologiques et scientifiques que nous faisons – avec l’intelligence artificielle, le quantique, la fusion nucléaire – sont fascinants.
De l’optimisme et de l’énergie donc pour garder la tête froide. Je veille aussi à bien m’entourer pour prendre des décisions.
Aux Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCE), dès ma prise de fonction comme Présidente, j’ai consolidé mes équipes. Je consulte beaucoup mes collaborateurs et mes interlocuteurs. Par le dialogue et le travail, j’essaye de garder une hauteur de vue indispensable à la prise de décision. Bien sûr, ce n’est pas toujours possible, c’est humain, mais c’est une méthode à laquelle je m’astreins.
RPP – Vous êtes la présidente des Conseillers du Commerce Extérieurs de la France. De quelle façon, depuis que vous avez cette responsabilité, votre regard a-t-il évolué sur notre pays ?
Sophie Vidos Vicat – J’ai davantage pris conscience des forces et des faiblesses de la France et de la place à part que notre pays occupe ou suscite.
Nous sommes forts en France. Nous sommes capables d’accomplir de grandes choses. Je peux reprendre ici les exemples des Jeux olympiques et paralympiques ou de Notre-Dame. Mais pas seulement. Il existe un véritable génie français, dans la culture, dans les sciences et dans l’industrie. Nos mathématiciens sont débauchés à prix d’or dans le monde entier. Nos réalisateurs de cinéma sont primés. Nos entreprises sont reconnues. Le French Flair est une réalité au-delà du monde du rugby.
D’ailleurs grâce aux CCE, qui sont représentés par des dirigeants ou des responsables à l’international innovants, nous avons l’ambition de constituer de véritables champions du monde. La confrontation à la concurrence internationale est un défi olympique. Mais l’entrepreneuriat et l’export se révèlent être une école de la vie, qui oblige à innover et à améliorer la qualité de nos produits. Nous ne devons pas avoir peur de les faire rayonner dans le monde entier. Il existe 4.500 CCE à travers la planète qui agissent, chaque jour et ce depuis 127 ans, bénévolement pour les intérêts de la France. Je suis très fière d’y retrouver à chaque fois la France dans son excellence avec ses entrepreneurs.
Malheureusement, ce qui nous pénalise, c’est l’auto-flagellation. La France, c’est un paradis ignoré de ses propres habitants. Nous nous tirons une balle dans le pied avec des normes qui aujourd’hui nous contraignent, sont des boulets et ne nous permettent pas d’être compétitifs.
Nous avons encore beaucoup à faire pour que nos patrons fassent davantage le pari de l’international. Nous n’osons pas suffisamment la compétition mondiale. L’Etat et l’Europe ont un rôle à jouer là-dedans : ils doivent considérablement accroitre leur soutien aux entreprises si on veut se mesurer au reste du globe et remporter le défi de la décarbonation.
Sophie Sidos Vicat
Présidente des CCE
Présidente de la Fondation Louis Vicat
Propos recueillis par Mathilde Aubinaud