Pour la première fois, Marine Le Pen n’est pas jugée la plus crédible en matière d’immigration. La chef de file du RN est devancée par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Un seul sondage ne traduit pas une tendance durable mais l’enquête Elabe BFM marque un signal intéressant. Bruno Retailleau peut se réjouir, 62 % des personnes interrogées estiment qu’il est un bon ministre de l’Intérieur. C’est la confirmation d’une tendance déclenchée assez rapidement par son activisme place Beauvau. La ventilation des jugements positifs par électorat est plus notable. S’il n’est pas surprenant que 87 % des électeurs LR apprécient l’un des leurs et que 70 % de ceux du RN soient sensibles à la fermeté du ministre, il est plus étonnant que 81 % des électeurs Ensemble et 54 % (une majorité donc) des électeurs PS le soient également. La dérive sécuritaire qui pousserait le ministre vers l’extrême droite selon certains responsables de ces partis ne correspond pas tout à fait à la perception de leur électorat. La sécurité et l’immigration sont bien des préoccupations sur lesquelles les Français attendent des réponses, qu’ils se situent à droite, à gauche ou au centre de l’échiquier politique.
C’est sur la question de l’immigration, rituellement associée au Rassemblement national, que ce sondage est éloquent. Pour la première fois, Marine Le Pen n’est pas la championne de la lutte contre l’immigration. Avec 41 % des personnes interrogées qui lui font confiance, un score identique à celui de Jordan Bardella, elle est devancée par Bruno Retailleau à 47 %. La chef de file du RN obtient le même score qu’en octobre dernier alors que le ministre de l’Intérieur a progressé de 20 points. Un résultat appréciable de son point de vue mais qui traduit davantage l’évolution de l’électorat sur la gauche de LR que sur sa droite. La grande majorité des électeurs du RN, soit 90 % d’entre eux, font confiance à leur future candidate à la présidentielle sur ce point.
Le Rassemblement national scrute avec attention la progression de Bruno Retailleau dans l’opinion. Preuve en est la succession de flèches décochées par les RN à son encontre comme Jordan Bardella qui répète à l’envi que le ministre doit « agir ou partir » ou Jean-Philippe Tanguy qui l’accuse de mentir et d’être soumis à Emmanuel Macron. Supposé parler sans parvenir à faire bouger les choses, le ministre a pourtant obtenu que François Bayrou fasse preuve de fermeté à l’issue du Comité interministériel sur le contrôle de l’immigration avec le feu vert du président de la République. Malgré cette avancée notable, vis-à-vis de l’Algérie, Bruno Retailleau ne peut se réjouir trop vite. Ce qui domine malgré tout sur cette question de l’immigration, c’est le doute des Français sur la capacité des politiques à résoudre leurs problèmes. Aucun responsable politique n’obtient la confiance d’une majorité de Français sur ce sujet.
A ce stade, le discours critique du RN n’est plus forcément le plus convaincant. Peut-être parce que ses promesses se répètent inlassablement. Bruno Retailleau a pris le risque de s’engager sur des actes et des résultats, non sans souligner régulièrement qu’il faudrait réviser la Constitution afin de pouvoir modifier un certain nombre de règles dans le droit français. La démarche plait aux Français. Elle leur donne le pouvoir de juger sur pièces.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste