La patronne du RN a du mal à sortir de l’ambiguïté sur le dossier ukrainien. Voyant que la situation internationale légitime la fonction présidentielle d’Emmanuel Macron, celle qui prétend lui succéder n’hésite pas à l’accuser de jouer avec les peurs, ce dont elle ne se prive pas elle-même.
Visiblement, Marine le Pen ne sait pas comment se comporter face à la méthode Trump. Alors que d’autres leaders d’extrême droite sont allés saluer l’élection du président américain, elle est restée à Paris. Jordan Bardella a été envoyé en émissaire après coup, pour revenir prématurément, par crainte d’une polémique autour d’un salut nazi de Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump. Mal à l’aise pour arbitrer entre l’Europe et le mépris américain, peu rompue à l’exercice des relations internationales, elle n’a pas compris la portée du guet-apens américain monté contre le président Zelensky. Alors que l’indignation était unanime face au traitement humiliant et brutal infligé au leader du pays agressé, elle a fait comme si ce genre de procédé faisait partie des coutumes internationales, inventant au passage le concept de télé-diplomatie. Ce qui supposerait que l’incident relèverait d’une méthode diplomatique et non d’un comportement propre à la personnalité du président américain.
Pendant ce temps-là, le président de la République retrouve ses prérogatives de chef de la diplomatie française, terrain sur lequel, par sa fonction, il a au moins le mérite de l’expérience. Les Français en sont conscients et en témoignent dans les enquêtes d’opinion. La guerre ou la fin de la guerre en Ukraine stabilisent la position d’Emmanuel Macron à l’Élysée. De quoi agacer Marine Le Pen qui, il n’y a pas si longtemps, comptait pouvoir acculer le chef de l’État à la démission.
Mal à l’aise sur les dossiers internationaux, contrariée par le regain de forme du président, Marine Le Pen s’emploie donc à le rabaisser au niveau de la polémique franco-française avec une accusation qu’elle connait bien. « Emmanuel Macron joue sur les peurs » affirme-t-elle, alors que le FN puis le RN ne prospèrent précisément qu’en nourrissant les peurs et les colères des Français. Marine Le Pen n’entend d’ailleurs pas modifier sa pratique. A peine a-t-elle porté cette accusation qu’elle se dépêche de reprendre ses couplets habituels sur les dangers du fondamentalisme islamisme qui a « fait des morts », alors que « pour l’instant, la Russie n’a pas attaqué la France », comme si la préparation de cette éventualité n’était pas un des moyens de parvenir à la paix. Toujours dans le registre de la peur, de la mort, et de la guerre, la chef de file RN agite d’autres épouvantails. L’Europe serait « largement allemande ». Faire entrer l’Ukraine dans l’UE signifierait « la mort de l’agriculture française ». Enfin, si l’Europe de la Défense avait existé, « nos soldats seraient déjà en Ukraine », comprenez en train de mourir pour un autre pays que le leur. L’argumentation n’a pas pour but de rassurer ou de proposer une autre issue.
Bien que dénonçant la diplomatie de l’émotion, Marine Le Pen ne s‘appuie sur son émotion personnelle pour justifier ses accusations : « j’ai cru qu’il [Macron] allait annoncer la guerre ». La mise en avant de l’émotion et uniquement de l’émotion, cela s’appelle jouer avec les peurs.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste