Quand Jean-Jacques Goldman a choisi le silence, la France a perdu une voix qui incarnait son génie populaire, un phare discret et rassurant. Dans un autre registre, les entrepreneurs ont connu leur propre disparition : celle de Denis Payre, étoile filante du ciel économique français. Fondateur de Business Objects, première société française cotée au Nasdaq en 1994, il s’est vu confronté à une absurdité fiscale qui résonne encore aujourd’hui. En 1998, menacé de devoir vendre son entreprise pour payer l’Impôt de solidarité sur la fortune sur des titres non liquides, Payre fut contraint à l’exil, obligé de partir en Belgique pour éviter, vous lisez bien, « la faillite personnelle ». Le pays célébrait un succès technologique mais poussait son créateur vers la sortie. De cette blessure naquit Croissance Plus, association vouée à défendre les bâtisseurs d’avenir contre l’aveuglement d’une certaine classe politique prédatrice.
Un pays sans culture économique
Car la racine du mal est là : une ignorance collective. Ni les législateurs ni l’opinion publique n’ont jamais véritablement intégré les mécanismes de l’investissement, du risque et du capital. Quand le président de la commission des finances, Éric Coquerel, confond publiquement revenus et patrimoine sur le plateau de Hedwige Chevrillon, Bfm Business, ce n’est pas seulement un lapsus : c’est un symptôme. Celui d’un pays qui confond la terre labourée et la récolte, la graine et l’épi. Comment espérer élaborer une politique fiscale juste si les plus hauts responsables politiques manient les concepts comme des mirages ?
Les répliques du séisme Payre
Depuis cette première révolte, d’autres secousses ont ébranlé la scène entrepreneuriale. En 2003, le pacte Dutreil tenta de réparer l’iniquité en facilitant la transmission d’entreprises, évitant ainsi des ventes forcées qui brisaient les dynasties industrielles. Puis, en 2012, la colère des « Pigeons » éclata, portée par 75 000 entrepreneurs mobilisés en ligne contre un projet du candidat Hollande de taxation jugé confiscatoire des plus-values. Comme une nuée indignée, ils firent reculer un gouvernement persuadé d’avoir trouvé une martingale fiscale. Chaque fois, la même logique : des décisions conçues dans l’ignorance, qui criminalisaient la réussite comme si créer de la valeur était une faute, une déviance, presque un délit d’opinion économique.
Le spectre de la taxe Zucman
Et voilà qu’aujourd’hui revient l’ombre, sous le nom d’un économiste devenu bannière idéologique : la taxe Zucman. Derrière l’idée originelle de M. Zucman qui paye ses impôts aux USA d’un impôt mondial sur les grandes fortunes, avatar ressuscité de l’ISF français, repousse un rejet fiscal dans un jardin français encombré de la créativité fiscale de tous ceux qui n’ont pour seule réponse à la dette qui explose, le même psittacisme : « taxe, taxe, taxe » — un pur sketch des Inconnus dans le texte. Derrière le vernis de justice fiscale se cache la même tentation punitive : faire de la réussite une infraction, de la prospérité un crime, du patrimoine une preuve à charge. Comme si les entrepreneurs qui bâtissent leurs empires de technologie ou d’industrie avaient quelque chose à voir avec les kleptocrates qui pillent les fonds de développement en Afrique ou les oligarques qui détournent les richesses de leurs peuples. Confondre ces univers, c’est assimiler le chirurgien qui sauve des vies avec Mengele et Aribert Heim surnommé « Docteur la Mort ».
Leur combat culturel armé d’une langue déviante
Tous les discours politiques, du matin au soir, répètent la même antienne : il faut réindustrialiser la France, ramener les usines, produire à nouveau. Mais comment concilier cette ambition avec l’obsession de taxer jusqu’à l’os ceux qui seuls ont le courage de bâtir ? Qui viendra investir dans un pays où l’on traite l’entrepreneur comme un paria, où la richesse est un soupçon, où la réussite se vit comme une culpabilité à expier ? La sémantique des promoteurs de la taxe Zucman parle d’« évasion », de « fraude », de « captation » — vocabulaire judiciaire appliqué à des femmes et des hommes qui, pour la plupart, ne font qu’une chose : travailler, innover, créer.
Conclusion
La France ne manque pas de talents, elle manque de reconnaissance. À force de « criminaliser » la réussite, elle fabrique ses propres exilés. Denis Payre fut la première étoile à s’éteindre au-dessus de notre horizon économique, fort heureusement ses réussites économiques sont restées plus discrètes mais nombreuses. Le talent n’a pas été amputé par l’infection fiscale purulente. Qui convaincra notre idole JJ Goldman que son prochain album doit dénoncer l’idéologie fiscale et promouvoir la compréhension des processus économiques ? Une mission accessible, quoique ardue j’en conviens, pour l’auteur le plus talentueux de sa génération ; puisqu’avant la chanson il obtint un diplôme de la grande école de commerce lilloise : l’EDHEC.
Jacky ISABELLO
FONDATEUR DU CABINET PARLEZ-MOI D’IMPACT