L’échec du conclave sur la réforme des retraites est inéluctable. Une réforme de la réforme parait impossible. Après le départ de FO, de la CGT, la CFDT et le Médef veulent poser leur propre méthode de travail. Cette situation révèle l’impasse dans laquelle se trouvent les partenaires sociaux à l’image du système politique, tiraillé par le même clivage entre les adeptes de la radicalité et ceux qui s’inscrivent dans une démarche de compromis.
« Quadrature du cercle », au moins le terme utilisé par Patrick Martin, le patron du Médef pourrait faire l’unanimité au sein des participants à ce conclave, mais c’est bien le seul. A la question de savoir comment revenir sur l’âge de départ à 62 ans sans allonger la durée de cotisation, sans toucher au montant des allocations, sans alourdir les impôts, aucun des participants n’a apporté le début d’un commencement de réponse. François Bayrou a fini lui-même par éventer ce secret de Polichinelle. Cet objectif est impossible à atteindre.
Pourquoi alors s’offusquer de la franchise du Premier ministre ? Parce qu’en faisant semblant de vouloir y réfléchir, chacun a cru pouvoir tirer son épingle du jeu. Ceux qui pensent comme la CFDT qu’il vaut mieux négocier, parce qu’on obtient toujours des avancées, comme ceux qui, comme la CGT, pensent que participer dans un premier temps aux discussions permet d’établir un meilleur rapport de force quand on en sort, quitte à claquer la porte d’entrée de jeu comme FO. Deux lignes s’opposent donc clairement. Il y a ceux qui cherchent les meilleurs compromis possibles, dans le cadre du contexte politique actuel, et ceux qui veulent renverser la table, un peu plus tard, en obligeant le gouvernement à céder par la mobilisation sociale et politique, ou en le renversant, ou encore en obtenant des élections anticipées.
La question de la méthode rejoint cette distinction. Pour les uns, la négociation est une fin en soi, pour les autres, elle est un moyen de pression. Ce n’est pas une découverte, mais François Bayrou est pourtant fragilisé par le retour de cette évidence. Tout à sa volonté de valoriser la légitimité des partenaires sociaux, il a donné le sentiment de ne plus voir ce clivage qui existe aussi bien dans le monde syndical que politique.
Cette ligne de fracture divise pourtant clairement le pays, entre ceux qui s’inscrivent dans le système institutionnel et ceux qui ne croient qu’à la radicalité. Il y a des forces syndicales de négociation comme il y a des partis de gouvernement. Cependant, le conclave en passe d’être raté peut encore être sauvé, à condition que les partenaires sociaux qui croient à la négociation parviennent à s’entendre sur une méthode de négociation commune. Ils redonneraient toute sa force au dialogue social. Pour atteindre cet objectif, il serait sans doute plus sage de les laisser en décider librement, à l’abri des enjeux politiques. Même si l’aboutissement de ce processus rendrait, au final, un fier service à nos institutions.
Marie-Eve Malouines
Éditorialiste