“Une longue maladie semble être placée entre la vie et la mort, afin que la mort même devienne un soulagement et à ceux qui meurent et à ceux qui restent.” Cette phrase de La Bruyère nous semble bien situer le débat qui se déroule en ce moment au Parlement.
Selon un sondage pour France Info (5 Avril 2025), près d’un Français sur deux ignore les différences entre euthanasie, aide à mourir et suicide assisté. De toute évidence nous sommes l’une des sociétés occidentales pour qui, de par nos valeurs judéo-chrétiennes qui la sous-tendent, la mort est taboue.
Malgré les évolutions législatives intervenues depuis le début des années 2000, les questions liées à la fin de vie sont essentielles et n’ont pas toutes trouvé une réponse. L’ouvrage de l’écrivaine Anne Bert, qui est décédée le 2 octobre 2017 en Belgique euthanasiée à sa demande, ou la bataille judiciaire sur le cas de Vincent Lambert ont, par exemple, ravivé la controverse. Ce dernier cas étant certainement le plus marquant. On pourrait aussi citer celui du célèbre footballeur Jean-Pierre Adams. En 1982 l’international français plonge dans le coma après une anesthésie mal réalisée. Le cerveau subit des lésions cérébrales catastrophiques et irréversibles. Hospitalisé à domicile dans un état végétatif pendant de longues années, il décède à l’hôpital de Nîmes en 2021.
Les débats organisés en vue de l’élaboration de la loi de 2016 avaient déjà établi un constat du « mal mourir » en France. Il est confirmé par la députée Caroline Fiat dans un rapport de janvier 2018, deux ans après la mise en œuvre de la loi de 2016 (loi Claeys-Leonetti 2).
La législation encadrant la fin de vie est mal connue par les patients, et les directives anticipées sont rares.
Moins de 20 % de la population songent à en faire. Il est vrai que la communication assurée par les pouvoirs publics est, à tout le moins, lacunaire. Elle est également souvent mal connue des équipes de soignants et c’est peut-être là le plus grave. Pourtant « nul n’est censé ignorer la loi ».
L’accès aux soins palliatifs, s’il s’est amélioré, reste imparfait. Caroline Fiat cite l’avis citoyen, publié en décembre 2013 à l’issue de la conférence de citoyens sur la fin de vie, selon lequel « seules 20% des personnes qui devraient bénéficier des soins palliatifs y ont accès, avec en outre de lourdes inégalités territoriales qui existent en ce qui concerne les structures palliatives comme le nombre de lits dédiés en milieu hospitalier ». Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime dans un rapport consacré à la fin de vie en avril 2018 que les soins palliatifs souffrent d’un manque de gestion : « La formation en soins palliatifs est inexistante durant le premier cycle des études médicales (PCEM) et limitée à 5 heures au cours du deuxième cycle des études médicales (DCEM). » Il y a déjà la une réforme à faire qui consisterait à tripler, au minimum, les heures. En ne manquant pas d’insister sur les aspects psychologiques car on ne traite pas un patient en fin de vie comme un patient ordinaire.
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Le projet du gouvernement
D’abord rappelons que ce projet a été stoppé par la dissolution insensée de 2024. On ne peut que constater qu’il privilégie l’aide à mourir plutôt que les soins palliatifs. Or il nous parait naturel et même humain de dire qu’alléger les souffrances est préférable à provoquer la mort.
Ce projet de loi, annoncé par le chef de l’État, répondrait à une demande sociétale. Il a été précédé d’un avis du Comité consultatif national d’éthique qui s’est dit favorable en 2022 à une « aide active à mourir » strictement encadrée, à condition que soient parallèlement renforcés les soins palliatifs.
Cet avis a ouvert les débats de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’est prononcée en avril 2023 pour une ouverture conditionnée d’une aide active à mourir, et plus précisément à la fois du suicide assisté et de l’euthanasie. Les 184 citoyens de cette Convention ont considéré que le cadre législatif actuel était insuffisant. Ils ont également souhaité que soient proposés des soins palliatifs « pour toutes et tous et partout ». Selon nous ces conventions citoyennes, dont E. Macron aime s’enticher, ont le tort de se substituer au législateur, seul habilité en la matière. Et sous ce président, elles n’ont jamais débouché sur des données essentielles (ex : 45 règles reprises sur les 150 de celle sur le climat).
Il s’avère que le projet a été repris par F. Bayrou mais, contre toute attente scindé en deux. Afin certainement de compliquer la destinée d’un texte que le catholique convaincu qu’il est ne peut vraiment priser. C’est une technique de gestion bien connue du maire de Pau. Cette scission opérera aussi une séparation dans l’esprit des citoyens. Un texte de synthèse eut été bien plus opportun.
Plusieurs pays occidentaux, dont certains voisins, ont déjà légiféré sur la question de la fin de vie (Belgique, Espagne, Autriche, Suisse, Pays-Bas, Luxembourg, Canada, certains États américains…). Ils autorisent l’euthanasie et/ou le suicide assisté. Certains en reviennent déjà (Pays-Bas par ex).
Nous ne le redirons pas assez, et au risque de choquer, dans euthanasie il est une partie du mot qui a des relents insupportables. Même encadré, l’euthanasie dans les mains d’un dictateur arrivé au pouvoir pourrait être plus que funeste.
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Soins d’accompagnement et directives anticipées
Le projet de loi rénove l’approche de la prise en charge de la douleur et de la fin de vie, en intégrant la notion de soins palliatifs définie par le code de la santé publique, dans celle plus englobante de « soins d’accompagnement ». Ces soins couvrent il est vrai d’autres soins que les soins palliatifs (prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychologique, musicothérapie, massage…) et plus globalement toutes les mesures mis en œuvre pour répondre aux besoins des malades et de leurs proches aidants. Car dans cette démarche d’accompagnement, il faut aussi penser aux aidants (famille) qui voient partir un proche. Le soutien psychologique est essentiel afin de supporters au mieux l’arrivée de cette mort inéluctable. Et dans la majorité des cas, celui qui part s’est plus ou moins fait à l’idée. Espérant même en général une issue rapide. Nous l’avons vécu personnellement voici quelques années.
Une nouvelle catégorie d’établissement médico-social, dénommée « maison d’accompagnement », est créée. Il s’agira de structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital qui accueilleront et accompagneront les personnes en fin de vie et leur entourage. Celles-ci pourront y être admises lorsque le retour à domicile, à la suite d’une hospitalisation, n’est pas possible, ou encore lorsque la prise en charge à domicile ou en établissement médico-social ne s’avère pas adaptée, afin d’éviter une hospitalisation. Ces maisons seront financées par l’Assurance maladie et par un forfait journalier à la charge des personnes accueillies. Ces maisons seront aussi mises en place en partenariat avec les associations et les collectivités locales. Une prise en charge par l’État doit assurer leur fonctionnement. Mme Vautrin, ministre de la Santé, a évoqué une expérimentation de ce système, « entre hôpital et domicile », en Bourgogne-Franche-Comté, qui aurait inspiré le gouvernement. « Elle a montré son intérêt et aussi ses difficultés de fonctionnement », a souligné la ministre. Ce concept a été lancé pour la première fois en France en 2011 à Besançon (Doubs), par Laure Hubidos (présidente du collectif National des maisons de vie), sous le nom de « maison de vie ». Le bilan semble positif.
D’ici 2027, 100 maisons d’accompagnement seront installées sur l’ensemble du territoire (20 en 2025, 30 en plus en 2026 et 50 supplémentaires en 2027), soit au moins 4 par région. A souligner que le gouffre budgétaire que connait notre pays ralentit considérablement la construction. On serait à peine à dix pour 2025…. « En l’état actuel des finances, c’est irréalisable » nous a confié un ancien membre d’une ARS.
Les patients, dans le cadre de l’annonce d’une maladie grave, pourront systématiquement bénéficier d’un temps d’échange sur l’anticipation, la coordination et le suivi de leur prise en charge globale et d’un plan personnalisé d’accompagnement. Annoncer une maladie grave voire incurable à un patient est une phase très difficile pour un soignant. Bien sûr ça l’est beaucoup moins que pour le malade. Pendant longtemps, on a reproché, avec raison, un manque de psychologie certain chez bon nombre de médecins notamment spécialistes. Que d’annonces de cancers faites de façon abrupte… Comme si une fois annoncé, « à l’arrache » trop souvent, l’essentiel était le démarrage des soins contre la maladie. Mais l’immense mystère qui s’impose à tous et contre lequel on ne peut rien est là, si bien résumé par Pascal : « Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter ». Après il y a celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas….
Aux dires d’étudiants ou de jeunes médecins que l’on peut côtoyer, il s’avère que les heures de psychologie sont encore quantité assez négligeable dans les facultés de médecine. C’est fort dommage et ça gagnerait vraiment à être réformé. Chaque année devrait en contenir. Ce qui n’est pas le cas.
A titre personnel encore, en 2017, nous avons vécu l’incurie d’un urologue vichyssois qui se refusait à annoncer à notre maman des tumeurs cancéreuses. Elles flambaient au dernier rein qui lui restait et se propageaient inéluctablement ailleurs. Nous nous souvenons encore ma femme et moi de son lâche « dites-le lui vous (ndlr : qu’elle a des tumeurs et non des kystes) », asséné dans son cabinet (maman étant présente mais malentendante). Malgré des rayons de confort, elle décédait moins de deux mois après.
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Les directives anticipées
C’est une déclaration écrite qu’un malade écrit pour préciser ses souhaits liés à la fin de sa vie. Ainsi il exprime par avance sa volonté de poursuivre, limiter, arrêter ou refuser des traitements ou actes médicaux. Ce document aide les médecins, le moment venu, à prendre leurs décisions sur les soins à donner si on ne peut plus exprimer ses volontés (exemple : une maladie grave vous privant de vos facultés mentales). Là encore, sur nos conseils, notre maman avait formulé ses directives de non acharnement. De façon simple par un écrit de quelques lignes signé de sa main que j’ai montré au service de soins palliatifs et qui a été exécuté sans aucun souci.
Les conditions dans lesquelles les directives anticipées peuvent être formulées se sont améliorées. Les bénéficiaires d’un plan personnalisé d’accompagnement pourront l’annexer à leurs directives anticipées. Toute personne pourra, en outre, enregistrer ses directives anticipées dans l’espace numérique de santé et accorder un accès à un proche aidant. Beaucoup de gens ne le savent pas voire n’y pensent pas.
Rappelons que la loi Claeys-Léonetti 2 propose depuis 2016 de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Les directives anticipées sont revalorisées, elles n’ont plus de condition de durée et elles deviennent contraignantes pour le médecin, sauf cas exceptionnel. Cette loi va plus loin que la loi de 2005, puisqu’elle interdit l’obstination déraisonnable. La loi du 22 avril 2005 lui permettait seulement de diminuer ou d’arrêter son traitement. Celle de 2016 vient renforcer les droits des malades et personnes en fin de vie en permettant notamment la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Avec l’accord bien entendu des patients ou de leurs représentants. Nous l’avons vécu. Ce fut un départ tranquille vers l’au-delà. En aucune façon nous n’aurions imaginé un seul instant injecter la mort à sa propre mère. Même s’il lui était arrivé de l’évoquer.
Les soins palliatifs reposent sur 4 grands piliers : autonomie de la personne en soins terminaux, humanité dans le soin palliatif, proportion du traitement palliatif selon l’état de santé du patient, renoncement à l’acharnement thérapeutique.
Il n’est pas un service de soins palliatifs en France pour dire que cette loi de 2016 n’est pas une bonne loi, équilibrée et de mise en œuvre assez « facile ». Le problème majeur que chacun souligne c’est, comme le plus souvent dans l’hôpital public, le manque criant de moyens. Selon l’Association Fin de Vie à l’échelle nationale, il y a 168 Unités de Soins Palliatifs (USP), soit 3 de moins qu’en 2021, pour 1960 lits, 20 de moins par rapport aux données de 2021. On compte 909 établissements qui possèdent des Lits Identifiés de Soins Palliatifs (LISP) soit 5 de plus qu’en 2021, avec un total de 5551 lits, 5 de moins par rapport aux données de 2021. Le Sénat a commandé un rapport qui donne environ les mêmes chiffres. Enfin, on compte désormais 424 Equipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP), soit 4 de plus qu’en 2021. Nous en avons connu une pour la prise en mains de notre maman à Vichy et n’avons que du bien à en dire (données 2023). Il y a incontestablement des progrès à faire pour une meilleure prise en charge (y compris en secteur pédiatrique). Cela passe avant tout par la création et le développement d’unités de soins. Trop d’hôpitaux en sont encore dépourvus (une vingtaine à peu près en France). Cela passe aussi par une communication digne de ce nom du gouvernement.
L’essentiel des mesures destinées à renforcer les soins palliatifs et d’accompagnement figure dans une nouvelle stratégie décennale. Ces mesures s’inspirent des préconisations du rapport « Vers un modèle français des soins d’accompagnement » remis par le Professeur Chauvin en décembre 2023 à Mme Borne alors à Matignon. . Le rapport propose une stratégie décennale relative aux soins palliatifs, à la prise en charge de la douleur et à l’accompagnement de la fin de vie. Parmi les quinze mesures phare présentées dans le rapport figurent notamment :
- la création de cent maisons d’accompagnement d’ici dix ans, pour héberger les malades en fin de vie et lieu de répit temporaire pour les aidants,
- la création d’un congé de 120 heures par an pour faire du bénévolat,
- créer et mettre en œuvre un plan personnalisé d’accompagnement permettant d’accompagner les personnes dans l’exercice de leurs droits,
- mobiliser les équipes de santé de proximité en les formant et en valorisant leurs interventions pour favoriser le maintien à domicile pour réaliser les soins d’accompagnement,
- renforcer le soutien aux aidants,
- réer une spécialité de médecine.
Il conviendrait de se référer à ce texte très exhaustif et unanimement apprécié pour adopter la loi. Il n’y est pas question de l’aide active à mourir. Espérons que le Parlement s’y référera.
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L’aide active à mourir
Rappelons tout de même ce que contient le serment d’Hippocrate entre autres prescriptions : « Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion ».Alors on nous rétorquera que ce serment n’a pas de valeur juridique. Il a peut-être mieux encore. Une valeur morale. Il date probablement du IV è siècle avant Jésus Christ. Cela fait donc des siècles qu’il fait référence, qu’il lie chaque nouveau médecin. Il est considéré comme l’un des textes fondateurs de la déontologie médicale.
Alors que le texte est revenu à l’Assemblée ce mardi, un collectif de personnalités, où figurent trois anciens ministres et d’illustres scientifiques, a tiré tire la sonnette d’alarme sur ses dangers et ses dérives (Le Figaro, 8 Avril 25). Ils dénoncent une procédure «expéditive», des critères «flous et subjectifs»… Il y est dénoncé un choix de société majeur, l’ouverture d’un droit à provoquer la mort ne supportant ni les « incohérences et approximations » ni « l’insuffisance des protections et des garanties ».
Ce document d’une trentaine de pages alerte sur le risque de voter une « loi d’autodétermination » qui pourrait concerner des milliers de patients et non une loi « d’exception » ou de dernier recours pour répondre à des situations épineuses de fin de vie. Autrement dit, ce texte ne respecterait pas la promesse d’Emmanuel Macron d’instaurer une aide à mourir « sous certaines conditions strictes ». Et pourrait aboutir à un accès « quasiment sans limite » au suicide assisté et à l’euthanasie. Sa portée serait ainsi bien plus sociétale que médicale.
Parmi les signataires de cet avis, François Braun, ex-ministre de la Santé, exprime plusieurs préoccupations majeures concernant le projet de loi. Selon lui, l’une des premières erreurs réside dans la responsabilité donnée à un seul médecin pour valider une demande d’aide à mourir, sans la consultation d’autres confrères. « C’est problématique. La loi actuelle Claeys-Leonetti, qui encadre la sédation profonde et continue, exige une décision collective prise par deux médecins. Je pense que le fait de confier cette décision à un seul médecin me semble compliqué », explique-t-il au micro d’Europe 1 (9 Avril 25). On ne peut que souscrire aux propos de l’ex-ministre quand il estime que le texte devrait être entièrement revu. Avant d’éventuellement autoriser l’aide à mourir, il juge nécessaire de voter une loi visant à améliorer l’accès aux soins palliatifs, pour garantir aux patients une prise en charge optimale en fin de vie. Cette proposition pourrait ainsi avoir des conséquences importantes sur la manière dont la fin de vie est traitée en France, mais elle nécessite une réflexion approfondie et des garanties supplémentaires pour éviter des dérives.
Cette aide active à mourir c’est ce qu’on appelle aussi le suicide assisté. Rappelons d’abord que le suicide est l’acte délibéré de mettre fin à sa propre vie. À l’échelle mondiale, plus de 800 000 personnes se suicident chaque année, dont environ 3 sur 10 par ingestion intentionnelle de médicaments ou pesticides. La question cruciale qui se pose alors est de savoir si un Etat peut proposer à ses concitoyens une telle solution. Nous opinons par la négative. Une peine de mort, même consentie, n’a plus lieu d’être en France depuis 1981.
Cette aide consistera donc à autoriser et à accompagner la mise à disposition à une personne qui le demande d’une substance létale, pour qu’elle se l’administre elle-même ou, si elle n’en est pas capable, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier, un proche ou une personne volontaire de son choix.
Les personnes qui pourront demander cette aide devront être :
- majeures ;
- françaises ou résidents étrangers réguliers et stables en France ;
- aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée ;
- atteintes d’une maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme victimes de souffrances réfractaires (qu’on ne peut pas soulager) ou insupportables.
Le texte prévoit que les demandeurs devront être capables de prendre leur décision en ayant conscience de la portée et des conséquences de leur choix, ce qui exclut les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique qui altère leur discernement au moment de la démarche. Quant à la notion de court terme ou moyen terme, l’exposé des motifs du gouvernement précise que selon la Haute autorité de santé, « on parle de pronostic vital engagé à court terme lorsque le décès du patient est attendu dans quelques heures à quelques jours ». Le moyen terme se compte, quant à lui, en semaine ou mois. Peut-on vraiment décider de sa vie en quelques heures et même en quelques jours ? Lorsqu’elle est consciente et physiquement capable, la personne condamnée est aussi en capacité de recourir elle-même au suicide sans être assistée. Malheureusement cela arrive tous les jours. On le sait. C’est alors un choix personnel qui se respecte. Et selon nous les pouvoirs publics n’y ont en aucun cas leur place. Seules certaines religions prohibent le suicide.
Le projet de loi définit ensuite l’ensemble de la procédure de l’aide à mourir (demande, examen, décisions du médecin, délais, renoncement) et les droits de la personne (date de la mort, droit de mourir accompagné et hors de son domicile). Elle est expéditive et ne repose plus sur un collectif médical. Or on est plus intelligent à plusieurs que seul. L’aide à mourir sera prise en charge par l’Assurance maladie. Là aussi c’est à nos yeux une horreur. L’Etat paiera donc des patients pour partir… Hippocrate reviens, ils sont devenus fous !
Une clause de conscience est instituée pour les professionnels de santé qui refuseraient de participer à la procédure d’aide à mourir. Ils devront renvoyer la personne vers un confrère.
Les professionnels qui seraient volontaires pour participer à l’aide à mourir pourront se déclarer auprès d’une nouvelle commission, qui centralisera leurs coordonnées. Cette commission, placée auprès du ministre chargé de la santé, devra contrôler et évaluer le dispositif d’accompagnement à l’aide à mourir. La Haute autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) seront chargées d’évaluer les substances létales qui seront utilisées pour l’aide à mourir.
Enfin, le texte obligera les contrats d’assurance décès, y compris en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi, à couvrir le risque de décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir. Il s’agit de prévenir toute exclusion de couverture de l’aide à mourir, notamment liée à une éventuelle assimilation au suicide. Que d’incertitudes, que d’approximations pour un domaine essentiel. Vital.
Rien n’est vraiment clair dans le projet du gouvernement. Or “quand la médecine manque de clarté, il faut surveiller les médecins.” (Daniel Pennac). Espérons que les parlementaires retrouveront le cap et privilégieront les soins palliatifs.
Pour conclure il faut répéter que seule la vie est essentielle. Que la médecine doit avoir comme seul objectif de la conserver ou d’accompagner celui qui va la quitter. Désolé de le rappeler mais dans des temps pas si éloignés que cela, dans quelques contrées de Pologne ou d’Allemagne, on injectait des produits pour tuer ou faire quelques expériences mortelles. La France ne peut rejoindre le clan des pays européens qui pratiquent l’euthanasie (180 cas en 2022). Il est même quatre de ces pays – les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et récemment l’Espagne – dans lesquels la procédure est autorisée pour les personnes souffrant de maladies mentales, telles que la dépression, l’anxiété ou les troubles de la personnalité. Vous avez bien lu ! Même si cela y concerne environ 1,5 % des patients, on imagine en France, pays le plus consommateurs de médicaments antidépresseurs et anxiolytiques, quel risque il y aurait ?…
Il faut que la France renforce encore ses soins palliatifs. On attend des représentants du peuple qu’ils aillent en ce sens.
« J’ai appris qu’une vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie » (André Malraux)
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public des Universités.
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