La re-nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre, malgré l’échec de sa mission après une folle semaine de consultations en tout genre et d’éclatement du bloc central, signe la volonté du chef de l’Etat de garder la main. Coûte que coûte.
On pouvait s’en douter. Emmanuel Macron ne lâche jamais rien. 5 jours après avoir accepté la démission de Sébastien Lecornu, lundi 6 octobre, le président de la République le nomme à nouveau. Comme si de rien n’était. Comme si le lâchage des macronistes de la première heure n’avait pas existé. Comme s’il n’avait pas entendu les appels à sa démission, à commencer par celle d’Edouard Philippe, son premier chef de gouvernement. Comme s’il n’avait pas lu les sondages qui en font le président le plus impopulaire de la Vème République, 14 % de popularité à égalité avec François Hollande. Comme si, enfin, Sébastien Lecornu avait réussi l’ultime mission dont il l’avait chargé de proposer un projet de budget ou de de négocier un accord de non-censure avec les forces politiques qu’il a reçues au long de la semaine.
Or, à en juger par les propos du Premier ministre au journal de 20h de France 2 mercredi soir, on avait compris qu’il n’en était rien. Ce soir-là, il affirme être convaincu qu’il existe « un chemin » pour vers un compromis pour élaborer le budget de la France ? Mais quel chemin ? Mystère. Ce chemin appartient désormais au Parlement dont c’est la « responsabilité ». Sur une éventuelle suspension réforme des retraites, il n’est pas plus précis. Il faudra là encore « trouver un chemin pour que le débat ait lieu »… Bref, Lecornu dresse alors lui-même le constat de son échec et « considère que (sa) mission est terminée ».
Partir pour mieux revenir… Dans un subtil jeu de rôle sur France 2, le Premier ministre démissionnaire n’avait, de fait, pas entièrement fermé la porte à l’hypothèse de sa re-nomination à Matignon. Tout en expliquant qu’il ne courrait pas « après le job », il s’était tout de même défini comme un « moine-soldat »… Autrement dit, il restait à la disposition d’Emmanuel Macron, son seul maître.
Pour le président de la République qui entend rester décisionnaire en tout, personne d’autre que le fidèle Lecornu ne pouvait faire l’affaire. Mais il faudrait aussi que les conditions soient réunies pour qu’il ne soit pas censuré à la première occasion…Manifestement, dans l’esprit de Macron, elles le sont. Et c’était sans doute la mission cachée du Premier ministre démissionnaire : s’assurer, comme il l’a expliqué à la télévision, qu’à part, le Rassemblement national, aucun parti, aucun groupe parlementaire ne veut d’une dissolution. Malgré son impopularité record et l’éclatement du bloc central, Macron en a donc tiré la conclusion que les députés y regarderaient à deux fois avant de voter une censure…et qu’il aurait davantage de marge de manœuvre.
Il n’empêche. L’épine est toujours dans le pied d’Emmanuel Macron. Moine-soldat ou pas à Matignon, c’est désormais à lui, et à lui seul, qu’il revient de dessiner le fameux « chemin ». S’il existe.
Carole Barjon
Editorialiste politique