En s’interrogeant devant le Congrès des maires de France sur la capacité du pays à « accepter de perdre ses enfants, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à la défense » le Général Mandon a déclenché une polémique utile. Il a permis de rappeler certaines ambiguïtés vis-à-vis de la Russie et d’insister sur la nécessité de définir les priorités du Budget 2026.
Les militaires détestent improviser. C’est pour éviter de gérer les situations de crise dans l’urgence qu’ils anticipent tous les scénarios possibles y compris les pires. La préparation d’un « conflit de haute intensité » contre la Russie en fait partie. Les armées s’y préparent. Mais tout ne dépend pas de ces professionnels. Les acteurs publics doivent aussi accompagner cette anticipation indispensable. Leur capacité à soutenir cette priorité doit aussi être visible. C’est ce qu’a rappelé le Général Mandon.
L’utilisation du terme « perdre ses enfants » a pu en choquer certains. Les souffrances et les sacrifices imposés aux militaires et aux civils par la guerre semblent désormais appartenir à un monde révolu ou lointain. Ainsi, LFI et le RN ont aussitôt mis en doute la légitimité du Chef d’état-major des armées à évoquer les menaces qui pèsent en Europe. La réticence qu’ont ces deux mouvements politiques à contester les ambitions de Vladimir Poutine n’est pas nouvelle. Ce qui les conduit notamment à se demander si le Général Mandon est bien dans son rôle quand il reprend l’avertissement du président de la République lancé en mars dernier sur cette « menace existentielle ». Poser la question revient à y répondre. Le « réarmement moral de la nation » a bien été fixé par la Revue nationale stratégique en juillet. Un mois auparavant, Emmanuel Macron louait précisément « l’esprit de sacrifice » des vétérans de l’opération Overlord 80 ans après leur débarquement en Normandie.
Les propos du Général Mandon rappellent également une autre priorité qui touche au Budget en discussion au Parlement. Le projet initial du gouvernement prévoit l’augmentation du budget des armées. Emmanuel Macron s’y est personnellement engagé le 13 juillet, décrivant « un moment de bascule » du fait de la situation au Moyen-Orient et en Afrique ainsi qu’en Europe dont la « liberté est mise en danger par l’invasion de l’Ukraine » et « l’incertitude causée par les États-Unis ». Le chef de l’État s’engageait sur un effort budgétaire car « nous, Européens, devons désormais assurer notre sécurité nous-mêmes » insistait-il.
Alors que les discussions budgétaires deviennent de plus en plus confuses aux yeux de l’opinion, le chef d’état-major des armées a raison de rappeler cette priorité supposée faire consensus. Car si le budget devait être adopté dans le cadre d’une loi spéciale – qui reconduit automatiquement les crédits de l’année précédente – le budget des armées ne progresserait pas. De cela aussi, les parlementaires et le gouvernement devraient s’expliquer devant des Français.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste












