Le président de la République n’entend pas se cantonner à l’international, son domaine réservé. Ses recommandations ou ses déplacements en France visent à montrer qu’il s’intéresse aussi à la protection des Français. Pour mieux faire oublier le détricotage de son bilan ?
C’est assez rare pour être souligné : pour la première fois depuis longtemps, une intervention d’Emmanuel Macron dans le débat public ne tombe pas à côté de la plaque ou ne vise pas à gêner un adversaire politique. En déclarant en conseil des ministres, dans une formule délibérément provocante pour marquer l’opinion, que « Ce sont parfois les bourgeois des villes qui financent les narcotrafiquants ; qu’ « On ne peut pas déplorer d’un côté les morts, et de l’autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail », le président de la République a voulu souligner la responsabilité des consommateurs de drogue.
A juste titre. Comme aurait dit monsieur de la Palisse, s’il n’y avait pas d’acheteurs, il n’y aurait pas de marché. Pour autant, il n’a pas suggéré de les pénaliser davantage qu’ils ne le sont déjà, le plus souvent par une amende. Macron sait bien que la pénalisation des consommateurs n’est qu’une goutte d’eau sans véritable effet dans la guerre à mener contre le narcotrafic.
Il faut donc comprendre la petite phrase de Macron comme celle d’un président qui ne se contente pas d’exister sur la scène internationale mais qui tente de reprendre pied sur la scène nationale. D’où aussi les rencontres à Toulouse et à Arras sur la question des réseaux sociaux. Sans pour autant proposer de nouvelles mesures. Que pouvait-il dire d’autre en effet sur le narcotrafic ? La loi contre le narcotrafic a été votée en juin dernier, le nouveau Parquet dédié, sur le modèle du Parquet anti-terroriste, sera mis en place début janvier, et elle contient la mesure-phare d’un statut de « repenti » destiné à identifier les gros bonnets, comme l’avait fait l’Italie dans sa lutte sans merci contre la Mafia.
Même remarque concernant sa recommandation sur « la nécessité d’avoir une approche interministérielle du très local à l’international », comme il l’a encore fait au cours de cette réunion. L’ « approche » en question est déjà en cours, puisque Gérald Darmanin s’est rendu dans les Emirats arabes unis, avec la ferme intention de « taper les narcotrafiquants au portefeuille ». Le ministre de la Justice a en effet demandé l’extradition d’une quinzaine de narcotrafiquants signalés et a transmis aux autorités émiraties une liste de plusieurs dizaines de millions d’euros de patrimoine, achetés en cash ou en cryptomonnaies. Du reste la réunion interministérielle qu’Emmanuel Macron a convoquée mardi, avant le conseil des ministres, visait à faire le point sur la mise en œuvre de cette loi, et non à élaborer de nouvelles mesures.
Qu’importe ! Pour le président, il s’agit de montrer que lui aussi prend en compte les préoccupations des Français, notamment dans le domaine de la sécurité. Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard s’il a mis sur la table le sujet de la responsabilité des consommateurs dans le développement croissant du narcotrafic. En février dernier, Bruno Retailleau, alors ministre de l’Intérieur, avait lancé une « campagne de culpabilisation » à l’adresse des usagers… Macron sur les traces de Retailleau ?
Est-ce pour faire oublier que l’Assemblée est en train détricoter son bilan ? En tout cas, il veut rester présent à sa manière dans le débat national et endosser, pour les 18 derniers mois de son mandat, les habits d’un président protecteur. Macron, président du quotidien ? Jupiter dans le costume des Lares, dieux romains du foyer ? Pari hasardeux pour celui qui n’est plus soutenu que par 11% de Français.
Carole Barjon
Editorialiste politique













