A travers la mise en place d’un service national volontaire, le président de la République ne vise pas seulement à augmenter le nombre de soldats à la disposition de l’armée, mais aussi à réveiller chez les Français un sentiment patriotique… et à reprendre la main sur la scène politique intérieure.
En annonçant solennellement jeudi la mise en place progressive d’un service national, Emmanuel Macron tente de faire d’une pierre trois, voire quatre coups. Le président, chef des armées, veut d’abord répondre aux besoins de l’armée en cas de conflit à nos frontières, besoins encore plus pressants depuis l’agression de Vladimir Poutine en Ukraine, même si l’hypothèse d’une guerre de la Russie contre la France à court terme paraît improbable aux yeux de beaucoup.
Pour autant, le chef de l’Etat estime qu’il faut se préparer à toutes les éventualités, meilleur moyen de dissuader l’adversaire, selon l’adage fameux de Sun Tzu dans l’Art de la guerre. Position cohérente : prenant acte de la volonté de désengagement des Etats-Unis sur le sol européen, Macron défend cette ligne depuis 2017. Lors de sa première campagne présidentielle, bien avant l’affaire ukrainienne, il préconisait déjà un renforcement de la défense européenne et une politique de défense commune.
Avec ce nouveau service national, il s’agit ensuite de rappeler au pays, et notamment aux jeunes, anesthésiés par 80 ans de tranquillité après la Seconde Guerre mondiale, qu’une situation de paix n’est jamais éternelle. Donc de préparer les esprits. Et pour ce faire, de retisser un lien, aujourd’hui distendu, entre les jeunes Français et l’armée, réhabiliter les notions de patrie et de nation, souvent jugées désuètes, voire réac. Et, par là-même, tenter de retrouver une forme de cohésion sociale et nationale dans un pays déboussolé dont la jeunesse – dont « la formation devra être consolidée », a dit Macron – est souvent en mal de repères.
Certes, ce service national qui débutera début janvier, ne sera que volontaire et ne concernerait que 3 000 jeunes en 2026. Certes, sa mise en place sera progressive, le temps de trouver les infrastructures et les encadrants nécessaires. Certes encore, l’objectif annoncé d’atteindre 45 000 hommes en 2035 apparaît bien loin aux yeux des chefs militaires pressés d’élargir la réserve de l’armée au-delà des 47 000 réservistes actuels. Certes enfin, la solde sera maigre (900 euros par mois) et, surtout, il faudra financer ce nouvel effort (2,3 milliards d’euros), sans compter l’augmentation de 3 milliards déjà prévue dans la loi de programmation militaire et de la « surmarche » de 3,5 milliards supplémentaires voulue par le chef de l’Etat.
Et si c’était là un autre objectif, moins avoué, d’Emmanuel Macron ? Se servir de la popularité de cette annonce sur la création du service national, plébiscitée par 80 % des Français, pour influer sur les parlementaires ? Pour, au fond, jouer l’opinion contre les postures partisanes et parvenir à faire adopter un Budget ? Faire le constat d’un monde plus dangereux et ne pas voter un budget en conséquence « ne serait pas cohérent », a récemment déclaré le général Mandon auditionné par le Sénat…
Sans doute… Mais il n’est pas certain pourtant que cet argument suffise à faire émerger un consensus entre les différents groupes politiques sur le projet de loi de finances. En attendant, Emmanuel Macron aura au moins eu la satisfaction de voir l’une de ses initiatives enfin approuvée par une majorité de Français. C’est assez rare pour être savouré.
Carole Barjon
Editorialiste politique












