Le livre de Sarah Wynn-Williams sur Facebook, Careless People, révèle que le silence imposé dans les accords de séparation entre un collaborateur et une entreprise peut être contraire à l’intérêt général.
Il manque une catégorie d’ouvrages dans les librairies et les bibliothèques à côté de celles des mémoires des anciens ministres. Celles des cadres licenciés d’une grande entreprise avec une obligation de silence.
Acheter le silence convient aux deux parties.
Le silence d’un salarié coûte à l’entreprise de quelques mois à plusieurs années de salaires. Combien de voyages lointains, de résidences secondaires, de gîtes ruraux, de fonds de commerce sont chaque année financés par la clause de silence ?
L’entreprise peut craindre d’un salarié mécontent qu’il utilise sa crédibilité et ses connaissances pour dénigrer son ancien employeur. L’ entreprise qui veut cacher des fraudes fiscales, sociales, des pratiques illégales, immorales ou toutes sortes de turpitudes préfère acheter le silence que d’assumer le risque de sanction et d’image.
La clause de silence est une affaire de droit: les avocats des puissants font taire les faibles.
Les démocraties acceptent une restriction exorbitante à la liberté d’expression.
La lecture de Careless People montre que la loi du silence est contraire à l’intérêt général. Sarah Wynn-Williams, ancienne directrice des politiques publiques chez Facebook (désormais Meta), décrit l’irresponsabilité du fondateur. Des hommes d’Etat lui demandent en vain d’être sérieux. Des états lui demandent de payer des impôts ou des outils de surveillance des populations. Des factions utilisent Facebook pour des campagnes haineuses ou pour fausser les élections. Des politiciens préfèrent de l’argent ou la martingale de la réélection via les réseaux sociaux. Les services marketing ciblent les plus faibles. Qu’aura-t-il fait entre 2011 et 2016?
Un livre sur la gouvernance d’un groupe américain, aux 3 milliards d’utilisateurs, qui réalise 165 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 62 milliards de bénéfices est exceptionnel.
En France aussi, aucun livre ne porte sur les affaires publiques des champions du CAC 40 sur cette période : le mystère est entier sur LVMH, Orange, EDF, Total, BNP, Leclerc, sur les ravages des fonds d’investissements prédateurs, sur les cabinets de consultants et orfèvres des plans sociaux.
Les affaires publiques sont vitales pour La Poste, Orange, la SNCF, entreprises à la fois héritières de missions de service public et sommées de réaliser des profits.
L’existence et le contenu de ce livre invitent à remettre en cause le silence qui conduit deux parties privées à s’entendre au détriment de l’intérêt général.
Quand des entreprises disposent des informations essentielles concernant la stabilité mentale, sociale, économique et politique de la nation, le silence ne devrait pas être absolu. Il en est ainsi du secret bancaire.
Il existe des secrets d’Etat visant à assurer la défense d’un pays ou l’unité nationale mais quelques personnes sont habilitées à les connaître.
Tout accord de séparation professionnelle imposant le silence ne devrait-il pas être accessible à ces personnes autorisées ?
Mr Emile Zola, combien voulez-vous pour ne jamais publier vos romans ?
Pascal Perez