Tom Benoit livre, pour la Revue Politique et Parlementaire, son dernier article sur la gestion de la dette extérieure de la France et les implications de la dégradation de notre note par S&P. Pourquoi le gouvernement doit réaliser un audit complet dès maintenant ?
Dans son tout dernier verdict nous concernant, l’agence de notation S&P informe qu’elle abaisse la note de la France de AA à AA-. Comprenons en premier lieu que si la nouvelle note est inférieure à la précédente, le palier dans lequel se trouve l’hexagone reste inchangé.
C’est avec une nouvelle dégradation l’année prochaine, par exemple, que la France baisserait d’un étage, et que ses taux d’emprunt seraient sérieusement affectés.
À partir de cet élément, Bruno Le Maire s’expose depuis ce samedi matin en répandant le sophisme suivant :
“Il n’y aura pas d’impact sur le quotidien des Français” ; c’est faux !
L’actuel ministre de l’Économie flirte avec une ambiguïté, et il le sait très certainement.
Les conséquences de la mauvaise gestion budgétaire et du gouffre de la dette publique dans lequel nous sommes maintenus sont dors et déjà financées par les concitoyens.
S&P n’a d’ailleurs pas caché d’avoir apprécié que le gouvernement Macron ait su réformer le système de retraites, entre autres… Notez bien que si les finances publiques étaient saines, le système de retraite comme l’assurance-chômage ne devraient pas être réformés. En outre, la météo inflationniste dans laquelle la zone euro est plongée revêt des aspects acides ; en effet, cette inflation, terrible pour l’investissement productif comme pour la qualité de vie de la nation, permet parallèlement à l’État de constater un apaisement artificiel de sa dette.
Que peut-il bien se produire au cours de pareille situation dans l’esprit de dirigeants qui doivent, avant toute chose, sauver le fonctionnement de l’État avant de protéger l’épargne et la propriété des Français ? La question laisse un goût amer – davantage encore lorsque l’on entend déclarer, d’abord Emmanuel Macron, qu’il n’y a pas de dérapage des dépenses publiques, et ensuite, ce dernier, conjointement avec Bruno Le Maire, qu’il faut mobiliser l’épargne privée.
Depuis plusieurs semaines, avant même que Fitch ne se prononce sur la dette française, j’ai rappelé que la note de la France ne pouvait pas être considérablement abaissée. Pour une raison simple, le pays regorge de biens publics et sa population dispose d’une épargne financière et immobilière notable. Malheureusement pour le peuple, S&P, Fitch, ou les autres… ne prennent pas en compte la dimension sordide des nouveaux impôts qui devront être mis en place par les gouvernements pour rembourser leurs emprunts ; l’élément majeur, pour ces agences, est de savoir reconnaître un pays qui dispose de ressources.
Bruno Le Maire, le sait. Alors, pour celui qui depuis quelques jours, ne cesse de préciser qu’il n’a jamais menti durant ses fonctions à Bercy, il convient de rappeler que la frontière est mince entre sophisme et mensonge. Les États ne font pas faillite comme les sociétés se dirigent vers le dépôt de bilan. Pour les pays, les couperets sont limités en nombre, et ils tombent d’un seul coup.
Pour résumer, les notes rendues par les agences précédemment citées correspondent généralement aux constats des dégâts observés. Avant la crise éponyme, les crédits subprimes étaient notés AAA par Standard & Poor’ s (actuel S&P). Il y a plus d’un an, sur un plateau de télévision, j’ai demandé à Bruno Le Maire des informations exactes concernant l’origine des prêteurs étrangers qui détiennent la dette de la France. Ce dernier m’a répondu par… un sophisme. Depuis, j’ai insisté auprès d’autres personnalités politiques en fonction pour qu’un audit soit réalisé à ce propos. Personne n’a accepté de me répondre favorablement. Cet hiver, lors d’une audition du directeur de l’agence France trésor (qui gère la dette de la France) un sénateur à même souligné l’importance de ma question posée au ministre de l’Économie et des Finances. Là aussi, les retours ont été flous et improductifs.
Mes récents travaux me permettent de conclure que seule la société Euroclear pourrait participer à l’élaboration d’un audit sur l’origine des prêteurs étrangers.
Il reviendrait à un gouvernement intègre d’entamer de telles démarches au plus vite – car oui, la ponction de la propriété privée – par l’inflation, la modification des régimes de retraite ou de chômage, l’augmentation potentielle du barème sur l’IFI, la taxation des rentes… – va s’accroître concomitant au dérapage des finances publiques, sans que les notes des agences ne nous apportent de claires et précises indications.
Le gouvernement doit rendre des comptes ; qui détient notre dette extérieure ? Quelles sont les origines exactes de ces prêteurs auxquels nous devons tant ? et qui pourraient bien, un jour ou l’autre, se payer sur la bête ; se payer sur la France, comme la Chine l’a récemment fait au Sri-Lanka par exemple, ou encore, comme l’Occident le fait depuis longtemps sur l’Afrique.
Tom Benoit,
Essayiste et entrepreneur
Directeur de la rédaction de Géostratégie magazine
Source photo : Piotr Swat / Shutterstock.com