Dans cette tribune, Bernard Attali exprime sa préoccupation au sujet de la nomination de l’Iran par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à la présidence de l’un de ses forums, soulignant l’implication présumée de ce pays dans les conflits régionaux, son soutien au terrorisme et la poursuite de son escalade nucléaire. Bernard Attali appelle à une action internationale urgente pour isoler l’Iran.
Le 2 et 3 novembre dernier le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a confié la présidence d’un de ses forums au représentant de la République islamiste d’Iran. Avec le vote du représentant de l’Union européenne. Une honte.
Les Iraniens ne se cachent même pas. Ils envoient des missiles sur Israël à partir du Yémen et ils viennent d’attaquer Haïfa par l’intermédiaire du Hezbollah au sud du Liban.
Jusqu’à quand allons-nous faire semblant de ne pas voir la responsabilité iranienne dans la tragédie actuelle du Moyen Orient ?
On sait maintenant qu’ils ont incité le Hamas à attaquer à la frontière de Gaza avec l’espoir de briser l’élan qui commençait à se construire autour des accords d’Abraham. Objectifs : faire oublier leur ambition régionale et mobiliser la rue contre les gouvernements arabes, trop complaisants à l’égard de l’Occident… Avec le soutien sournois de la Russie et de la Chine cette stratégie diabolique est en passe de réussir.
De leur côté les démocraties continuent à promouvoir au Moyen Orient une « solution à deux États ». Mais dans le vide. Bien sûr la politique de colonisation est condamnable en ce qu’elle méconnait les droits des Palestiniens.
Mais si les États arabes – l’Iran en tête – avaient voulu deux États ils auraient saisi la proposition de l’ONU en 1948 ou fait prospérer les accords d’Oslo en 1993.
Le peuple palestinien avait le talent nécessaire pour réussir à Gaza et en Cisjordanie ce qu’ont réussi les Israéliens chez eux.
L’Iran est un enfer pavé de mauvaises intentions. Son régime obscurantiste impose une Charia rétrograde. Réprime toute manifestation dans le sang. Tue les jeunes femmes sans voile. Finance les organisations terroristes. Envoie ses milices attaquer les bases américaines en Syrie et en Irak. Soutient la Russie contre l’Ukraine. Flirte avec la Chine et lui vend du pétrole pour contourner les sanctions occidentales.
Et se dote patiemment de l’arme atomique.
Faut-il que l’Occident soit bien lâche pour avoir laissé une telle menace prospérer sans vraiment réagir ? Notre pusillanimité – américaine notamment – à l’égard de l’Iran est juste incompréhensible. Comme si, en doublant son budget de la Défense et les moyens des Gardiens de la Révolution l’Iran n’avait pas clairement démontré ses intentions belliqueuses. Combien d’attentats, combien de victimes faudra-t-il dénombrer pour réaliser que ce régime est une bombe à fragmentation aux frontières de l’Europe ? Je sais que les interventions militaires en Irak et en Afghanistan ne furent guère des succès. Est-ce une raison pour attendre que le ciel nous tombe sur la tête ? Il faut apprendre de nos erreurs passées, sans se laisser paralyser par elles. Pour le coup ce régime mortifère va bientôt disposer d’une arme de dissuasion massive ! La pire.
Je me méfie de ceux qui nous parlent des Perses et de leur immense culture. Et qui en concluent que ce peuple a trop d’histoire pour mal se conduire. Comme si le passé garantissait le présent. Le pays de Goethe et Schiller fut autre fois coupable des pires atrocités. Quand ils planifient des pogroms les gardiens de la révolution se moquent bien des Achéménides et de Cyrus le Grand.
Parfois nos dirigeants me font penser aux malheureux inconscients qui sont allés danser à portée de fusil à la frontière de Gaza !
Cette relative mansuétude à l’égard de l’Iran est le symptôme d’une longue maladie. L’Occident s’est à la fois égaré et endormi.
Côté américain, il s’est égaré dans les aventures irakiennes ou afghane. Et côté européen nous nous sommes assoupis en troquant nos valeurs pour un confort trompeur. Ensemble nous avons cru que l’histoire s’arrêterait parce que, fatigués, nous espérions en sortir sans bruit. Seulement voilà l’Iran et d’autres, pour soigner leur propre frustration, ne nous reprochent pas ce que nous faisons ; ils rejettent ce que nous sommes.
Quand son pays fut obligé de réagir par les armes à une attaque arabe Golda Meir a dit un jour : « Je préfère les condamnations aux condoléances ». On ne choisit pas plus ses ennemis qu’on les attendrit avec des ours en peluches et des bougies. Certes le respect du droit de l’homme et le principe d’humanité doivent rester notre ADN. Mais précisément ces valeurs mériteraient que l’on se défende contre la barbarie avec autre chose que des bons sentiments. N’est-il pas étrange que de Kiev à Jérusalem les démocraties ne se battent que par personnes interposées ?
Ce qui vient de se passer à l’ONU déshonore l’organisation internationale et ne devrait plus se reproduire.
Il devient urgent de mettre réellement l’Iran au banc de la communauté internationale. Est-il acceptable, par exemple, qu’en dépit de tout ce qui précède, l’Unesco accepte encore ses dirigeants enturbannés parmi ses membres ? Moi, je plaide pour une idée plus large : traiter en pestiféré tout pays ne respectant pas la Charte Universelle des Droits de l’Homme.
Arrêtons de tergiverser : il nous faut aujourd’hui repenser le défi des régimes qui, comme l’Iran, ne sont animés que par des pulsions de mort. En Ukraine comme en Israël c’est nous qui sommes attaqués.
Bernard Attali
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