L’auteur, Michel Monier, dénonce les problèmes des agriculteurs français tels que les revenus insuffisants, les normes contradictoires et les contrôles excessifs. Il critique l’administration et l’industrie agro-alimentaire, appelant à soutenir le mouvement des agriculteurs comme une opportunité de réforme.
Revenu insuffisant, trop de normes – parfois contradictoires, trop de contrôles. Il n’y a là rien qui relève d’une revendication spécifiquement paysanne. C’est le mal français qui est dénoncé.
Il n’y a dans cette révolte paysanne rien qui soit un mal dont souffrirait seul le monde agricole (si ce n’est, peut-être, un ministre de l’agriculture et la bien-pensance qui accuse le monde paysan de conservatisme …). Elle est révélatrice de l’insuffisance de l’Administration qui explique savamment aujourd’hui pourquoi la crise est advenue … sans l’avoir vu venir !
Payer une taxe qui, sous la condition de remplir des paperasses, est ensuite remboursée : fallait-il ces manifestations pour que l’on se rende compte de l’absurdité de la chose ? Quatorze réglementations pour les haies ! Fallait-il ces manifestations pour débusquer l’absurdité du système ? Asymétrie des termes du libre-échange : faut-il le seul bon sens paysan pour en comprendre les conséquences ?
Un revenu insuffisant ? Le sujet n’est pas propre au monde agricole mais il faut le regarder sous cet angle-là. Souvenons-nous que pendant le premier confinement sanitaire un PDG de la grande distribution trouvait opportun de dire « nous sommes le service public de l’alimentation ». Souvenons-nous des déclarations de ces patrons de la grande distribution qui font du pouvoir d’achat leur raison d’être. Ils sont, à ce moment de révolte des agriculteurs, bien silencieux. À surfer sur la vague de la défense du pouvoir d’achat, soutenant ainsi nos politiques publiques, ils oublient, avec l’État, ce que nous disait François Quesnay 1 « Qu’on ne croie pas que le bon marché des denrées est profitable au menu peuple. Le bas prix des denrées fait baisser le salaire, diminue (son) aisance, procure moins de travail et d’occupations lucratives et anéantit les revenus de la nation ».
Il faut soutenir ce mouvement des agriculteurs parce qu’il est le révélateur du mal français : une administration qui a perdu le sens commun, qui entretient, et trouve le relai, d’une industrie, pas seulement agro-alimentaire, habituée aux aides et subventions. L’une et l’autre agitent le danger d’une boucle salaires-prix sans voir l’appauvrissement qui en résulte, non pas seulement des individus, mais de la nation. La course à la compétitivité-coût, subventionnée par les finances publiques, a fini par rendre l’État obèse et par saper l’outil de production national, qu’il soit industriel ou agricole.
Espérons que cette révolte des agriculteurs se présente pour l’exécutif comme une formidable opportunité de faire un salutaire en même temps avec des réponses ciblées pour le monde agricole et un vaste programme de simplification réelle. Ce programme, fédérateur, pourrait être nommé « arrêtons, vraiment, d’emmerder les Français ».
Michel Monier
Membre du Cercle de recherche et d’analyse de la protection sociale -Think tank CRAPS-
Ancien DGA de l’Unédic
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- François Quesnay, cité in « L’échec politique d’une théorie économique : la physiocratie » – Yves Charbit dans la revue « Population », 2020/6 ↩