« Panem et circenses » du pain et des jeux : c’était déjà la préoccupation de la Rome antique, ça l’est toujours. Pour ce qui est du Panem je laisse le soin à Michel Edouard Leclerc le soin de ferrailler sur le prix de la baguette avec les boulangers. Pour ce qui est des « Circenses » en revanche, j’ai un mot à dire.
A propos d’un point pas si marginal que ça. Je suis d’ailleurs loin d’être le seul concerné. Les médias commencent à s’en faire sérieusement l’écho : l’organisation de sortes de Rave-party par des Municipalités en plein centre-ville commence à poser de réels problèmes : aux Riverains. Ce n’est pas la fête en elle-même qui pose des problèmes. C’est la musique qui l’accompagne.
« De la musique avant toute chose » demandait Verlaine. D’accord, mais on corrigera parce autre adage « Doucement les basses ». Car, voila bien le problème précisément ciblé : en centre-ville, les basses ont cette particularité que, poussées jusqu’à un certain niveau de décibels, elles se font un plaisir, on dirait même un devoir, de se jouer des murs volets et vitres pour aller bombarder les oreilles des résidents. Passe encore s’il s’agit d’une seule soirée.
Mais lorsque chaque année, une fête s’installe pour quinze jours d’affilée, et dix ou douze heures par jour, autorise un diffuseur à dispenser en continu un même thème qui a toute la suavité d’un canon à activité permanente ou d’un grondement de tonnerre sans fin, alors vous avouerez qu’il y a problème. C’est ce qui survient chaque année à Brive Corrèze et semble laisser de marbre les édiles municipaux.
Et pourtant, tous les spécialistes de la lutte anti-bruit vous le diront : un martèlement ininterrompu est l’équivalent du supplice chinois de la goutte d’eau qui tombe régulièrement : il rend fou.
On tremble alors en se remémorant ces vers de Baudelaire : « il me semble bercé par ce choc monotone, qu’on cloue en toute hâte un cercueil quelque part ».
On doit se demander à qui est destiné le cercueil : au riverain qui décide de mettre fin à ses jours ? Ou à la victime d’un riverain devenu fou ? Ce n’est pas une plaisanterie.
Les médias rapportent chaque jour de pareils drames. Le problème de fond est celui de la lutte anti-bruit. J’ai siégé pendant quelques mois au sein d’une Commission nationale du Débat Public qui se demandait comment installer de nouvelles pistes à Roissy ou construire un nouvel aéroport à Chartes ou à l’Est de Paris. Ce fut du sport. Et à chaque réunion le Président Zemor et nous-mêmes, membres de la Commission, avions à affronter des réunions houleuses où ne manquaient ni les insultes, ni le jet d’œufs pourris.
Des majestueux Airbus ou Boeing personne ne voulait.
Et c’est à cette occasion que je créais l’expression « Malheur riverain ». En cause : le bruit lancinant et répétitif.
Une riveraine contant ses malheurs disait : « La Ministre dit qu’un avion qui décolle ne fait pas plus de bruit qu’un enfant qui pleure » et elle poursuivait : « d’accord mais un enfant qui pleure toutes les trente secondes, ça devient vite insupportable » Depuis les nuisances sonores occasionnées par les avions ont beaucoup baissé en intensité. Tel n’est pas le cas de émissions sonores d’un Manège de Brive la Gaillarde. Il serait du plus haut intérêt de faire une étude sérieuse pour évaluer les désordres cardio-vasculaires et psychosomatiques engendrés dans la zone impactée. Quinze jours de stress continu, ça laisse toujours de traces.
Le problème devrait être hyper-simple à régler : Intimer un « Doucement les Basses » à un pollueur sonore identifié, ce ne devrait pas être compliqué.
Mais le problème est : à qui s’adresser ? Et surtout, peut-on espérer un effet immédiat. Peut-être y a-t-il une autre solution à proposer : puisque les édiles considèrent que la fête, c’est la fête, il n’y a qu’à les prendre à leur propre jeu. Par exemple en assurant la retransmission en live de la-dite fête, par haut-parleur, dans la cour de la Mairie et au domicile des édiles concernés.
Tout compte fait, c’est la bonne solution… Et elle a cet avantage qu’elle aurait sans doute un effet immédiat. Charité bien ordonnée commence par soi-même !
J’en ris, j’en pleure. Car le fait divers ici rapporté a une signification générale. Les citoyennes et Citoyens en ont plus qu’assez pour ce qui concerne es choses de la vie ordinaire de ne pas trouver à qui s’adresser. On peut à la campagne faire un procès à un coq trop matinal ou à des grenouilles trop croassantes !
Mais à Brive on ne peut pas faire de procès à la musique qui rend fou. Que fait la Police ? Mais sans doute demain les choses iront-elles mieux.
Une Intelligence Artificielle saura faire régner l’Ordre. Espérons mais en attendant gémissons et subissons. En se disant qu’il faut bien que Jeunesse se passe et que Haschich se vende ? Ce serait un propos bien amer. Finalement la recommandation en forme de vœu sera « Riverains de tous les pays unissez-vous !» « Et aussi « Fermez le ban » locution verbale qui désigne l’ordre donné à un clairon de jouer un morceau spécifique afin de signifier la fin d’une célébration…
Jean-Paul Escande