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dans Libre opinion, N° 1077, Politique

Election présidentielle : les primaires dévoient-elles le suffrage universel ?

Eudes GirardParEudes Girard
23 décembre 2015
Election présidentielle et les primaires

Les primaires au sein de l'élection présidentielle

Les primaires ouvertes semblent être devenues la procédure de désignation par les partis de leur candidat à l’élection présidentielle. C’est ainsi que sera désigné en novembre 2016 le candidat des Républicains ou peut-être plus largement le candidat de la droite et du centre pour les élections présidentielles de 2017. Marquent-elles une avancée démocratique ou reniement de l’esprit de la Ve République ? 

Pourtant cette procédure à l’américaine n’est-elle pas en train de dévoyer et de subvertir définitivement l’élection présidentielle sous la Ve République ? Les candidats ainsi désignés sont-ils autre chose que les candidats victorieux d’un courant ou d’une fraction sur l’autre courant ou fraction au sein de leur propre parti ? Que reste-t-il de cette rencontre quasi mystique entre un homme et un peuple telle que l’avait voulue le Général de Gaulle lorsqu’il institua l’élection du président de la République au suffrage universel en octobre 1962 ? Qu’est-ce qui dans la donne politique contemporaine contraint aujourd’hui les partis à agir de la sorte ?

L’élection présidentielle, le moment où se noue un lien entre un homme et un peuple

Il ne s’agit pas ici de s’étendre sur les moments de ce combat politique homérique, un peu oublié aujourd’hui, que fut la réforme constitutionnelle d’octobre 1962 instituant l’élection du président de la République au suffrage universel : de Gaulle alors seul contre tous, y compris contre ses propres alliés centristes ; le vote de censure de l’Assemblée contre le gouvernement (la seule censure de la Ve République qui fut jamais adoptée), le Parti communiste qui dénonçait à travers cette réforme le risque de l’établissement d’un pouvoir personnel, l’hostilité du Sénat et de son président Gaston Monnerville… et finalement la surprise du 28 octobre 1962 où un peu plus de 62 % des électeurs approuvèrent le projet. Incontestablement l’action politique du Général de Gaulle restera attachée à cette réforme qui correspond, une fois la question algérienne réglée dans la douleur, à une sorte de refondation de la Ve République. Pour de Gaulle, l’élection présidentielle doit rester la rencontre entre un homme et un peuple, une rencontre d’abord spirituelle autour d’un projet et d’une vision que doit porter le candidat, mais une rencontre métaphoriquement presque charnelle puisque ce même candidat doit se faire le représentant de l’histoire de la nation et de ses provinces. L’on sait à quel point le Général de Gaulle une fois élu en septembre 1958 multiplia justement les voyages en province pour asseoir sa légitimité qui, pensait-il, ne lui avait été qu’en partie donnée par une élection présidentielle alors réduite à un collège de grands électeurs. En somme le moment de l’élection présidentielle tel qu’il fut conçu et vécu à l’origine est en quelque sorte le moment privilégié où l’on voit un destin singulier incarner et guider un destin collectif, le candidat victorieux, s’élevant au dessus des partis, pour devenir “l’homme de la nation”.

À chaque moment de nos élections présidentielles les candidats qui l’ont emporté ont en effet  représenté quelque chose qui les dépassait.

De Gaulle, l’affirmation et l’indépendance de la nation face aux deux grands de l’époque dans un contexte de guerre froide ; Pompidou, l’ouverture au monde et à l’aventure industrielle assumée ; Giscard, une modernité sociétale portée par une jeunesse de plus en plus diplômée ; Mitterrand, l’espérance de la réduction des inégalités.

François Mitterrand affirmait au 77e con­grès des maires de France le 17 novembre 1994 “Il faut que le chef de l’État aime les Français et il faut que les Français sentent qu’il les aime”. Tout n’est-il pas dit ?

Il s’ensuit qu’il existe de meilleurs candidats que d’autres, sans doute plus aptes à faire vibrer les foules et à ressentir ce lien avec les populations rencontrées pendant la campagne présidentielle. L’histoire des élections présidentielles permet ainsi de mettre en évidence des candidats médiocres incapables de “fendre l’armure” et de montrer une véritable empathie avec l’électorat et, ce qui est plus gênant pour eux, avec leur propre électorat. Édouard Balladur en campagne au début de l’année 1995 en est un exemple bien connu, presque devenu un cas d’école ; Éva Joly en 2012, si l’on compare son score à celui d’Antoine Waechter en 1988 ou Dominique Voynet en 1995, en fournit un autre.

À l’inverse certains “bons candidats” télégéniques, vifs, maniant la rhétorique avec habileté, et qui animent de bonne campagne, font prospérer leur parti à l’élection présidentielle. En la matière la candidature de Jean Lecanuet en 1965 qui obtient, contre toute attente, un peu plus de 15 % des voix en constitue un exemple célèbre. Plus proche de nous il est évident qu’Olivier Besancenot qui permit au NPA d’obtenir plus de 4 % des suffrages aux élections présidentielles de 2002 et 2007 n’est pas Philippe Poutou qui ne collecta que 1,15 % en 2012, et inversement. Le ton mitterrandien et la gestuelle mitterrandienne adoptée par François Hollande pendant sa campagne présidentielle, sa combativité sans agressivité de mauvais aloi lors du débat présidentielle du 2 mai 2012, a également ravivé la flamme des anciens militants et l’espoir des nouveaux. Comme on le voit ici avec ces exemples le score d’un parti aux élections présidentielles ne dépend pas seulement de l’audience des idées qu’il véhicule mais aussi de la prestation du candidat qui les incarne pendant la campagne.

Mais ce lien tant recherché au moment de la campagne entre un homme et un peuple est aussi et surtout une affaire de communication et de construction.

Un lien largement construit

Le documentaire de Raymond Depardon sur la campagne de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, Une partie de campagne, démontre et démonte subtilement ces mécanismes de construction de ce lien. L’élection de 1974 se singularise tout d’abord par un record de participation : seconde plus forte participation au premier tour (84,23 %) et plus forte participation au second tour de toutes les élections présidentielles sous la Ve République (87,33 %), elle fut également l’élection la plus serrée puisque le candidat vainqueur ne l’emporta qu’avec 50,8 % des votes exprimés. Raymond Depardon suivit donc Valéry Giscard d’Estaing pendant toute sa campagne d’avril 1974. Le candidat qui parcourt la France au sein d’un petit avion pour aller à la rencontre des Français dans différentes régions y apparaît entouré de sa famille, serrant chaleureusement les mains des militants, ou prenant dans ses bras une petite fille alsacienne précisément habillée à l’alsacienne. Tout cela est bien sûr construit et ces moments sont destinés à être diffusés dans les médias et les journaux locaux pour montrer le visage d’un candidat de son temps  “naturellement” en empathie avec la population. À l’époque, au sein d’un monde médiatique moins dense et moins instantané que le nôtre, les candidats peu­vent encore espérer contrôler l’image qu’ils comptent renvoyer d’eux-mêmes.

Pourtant le regard froidement objectif et presque clinicien que porte Depardon sur Giscard en campagne, et qui en fait un documentaire tout à fait novateur, dresse le portrait d’un professionnel de la politique, calculant ses postures, choisissant ses lieux de meeting en fonction d’objectifs purement politiques et nullement véritablement animé d’un besoin de rencontre des Français. Une partie de campagne dresse aussi en creux le portrait de la France de 1974 encore en partie paysanne et provinciale, mais dont on sent déjà qu’elle comporte également une jeunesse urbaine plus diplômée dont une partie fournira le gros des troupes du mouvement des jeunes giscardiens qui contribueront à porter “Giscard à la barre”. C’est le portrait de cette France composée de visages anonymes qui s’avère finalement le plus chaleureux, le plus authentique et le plus sincère comme si rien de tel ne pouvait émaner du portrait du candidat. Parce que Valéry Giscard d’Estaing comprit que sa propre image, de par la force du documentaire de Depardon, lui échappait, et parce que le fait de l’avoir financé intégralement lui donnait, pensait-il, certains droits sur l’œuvre, il en bloqua la diffusion à la télévision et au cinéma pendant près de trente ans.

Mais même si ce lien est en partie cons­truit, ce qu’avait peut-être sous estimé le Général de Gaulle dont l’histoire personnelle et son rôle durant la guerre faisaient qu’il n’avait pas, quant à lui, besoin de rechercher des artifices pour être en adéquation avec la majorité des Français,  il n’en demeure pas moins que l’élection présidentielle au suffrage universel reste la rencontre d’un homme au destin singulier et d’un peuple. Pourtant le mécanisme des primaires, qui semble désormais se reproduire à chaque élection présidentielle désormais, ne prive t-il pas justement les Français de ce lien ?

Les primaires marquent le retour des partis dans le jeu présidentiel

Aujourd’hui les primaires représentent au sein d’un parti la victoire d’un clan sur un autre, une victoire où le rôle des ralliements lors du second tour en faveur de celui qui semble mécaniquement l’emporter compte davantage que le lien véritable entre un homme et un peuple. On se souvient en effet des ralliements successifs, en faveur de François Hollande arrivé en tête lors de la primaire ouverte d’octobre 2011, d’Emmanuel Valls, de Jean-Michel Baylet, de Ségolène Royal puis “à titre exclusivement personnel” d’Arnaud Montebourg dont on aurait pourtant pu penser que les orientations politiques le rapprochaient de Martine Aubry. Le départ forcé du gouvernement d’Arnaud Montebourg au cours du quinquennat de François Hollande fin août 2014 tend à montrer que cette alliance était finalement une alliance de pure circonstance qui n’a pas résisté longtemps à la pratique du pouvoir. Les primaires apparaissent donc comme le moment des combines, des alliances politiciennes sans lendemain et tout cela nous éloigne singulièrement de l’esprit de la Ve République, mais nous ramène à celui de la IVe République.

Les primaires ouvertes constituent également une précampagne au sein de son propre camp avant de passer à une échelle plus globale. Elles encouragent un marketing politique qui découpe l’électorat en segments de marché à conquérir et poussent, encore plus que cela n’existe déjà, les candidats à faire des discours à géométrie variable en fonction de ce que veulent entendre les électeurs potentiels. La rencontre initiale avec la population, le cheminement au sein des régions françaises et des terroirs, la dynamique qui se crée ou non, sont remplacés par la présentation d’un candidat au discours savamment étudié qui doit séduire des sympathisants acquis à sa cause, et non plus des électeurs qui pourraient basculer dans l’autre camp. Le discours politique se fait plus politicien et le souci des intérêts catégoriels des uns et des autres risque de devenir plus important que l’expression d’une vision et d’un projet de société nourris de multiples rencontres sur le terrain. Alors que de Gaulle et Mitterrand en campagne se faisaient l’incarnation d’une certaine culture régionale et populaire, les primaires contribuent en définitive à forger le profil de candidats “en apesanteur” coupés des régions et de la réalité d’un électorat fortement diversifié. Le langage politique en se professionnalisant risque de perdre de sa spontanéité et de sa verve, en un mot, de s’appauvrir.

Les primaires réintroduisent surtout le rôle des partis politiques dans le processus de contrôle de l’élection présidentielle. Ce sont effectivement les partis qui valident et au final désignent dans un premier temps les candidats jugés aptes à concourir ; l’on se souvient de la candidature avortée de Christian Pierret alors député-maire de Saint-Dié-des-Vosges lors de la primaire socialiste en 2011. De même, les partis décident du nombre de débats entre les candidats, du tempo de la campagne des primaires et de sa durée, et finalement valident l’intégralité du processus en désignant leur unique candidat à l’élection présidentielle. En ce sens l’on s’éloigne fortement de l’esprit de la Ve République et de son fondateur qui se refusait précisément à être l’homme d’un parti et qui ne réduisait pas la campagne à un moment de marketing politique.

Pour les états-majors des partis, l’organisation de primaires ouvertes qui attirent le plus de participants possible, même si le résultat en est plus incertain, constitue également l’occasion de donner un élan à la précampagne au cours de l’automne qui précède l’élection présidentielle ; elle confère également, selon eux, un avantage pour le candidat légitimement désigné par cette “ordalie des temps modernes”.

Elles sont par ailleurs devenues nécessaires pour des raisons internes à l’histoire récente des partis. La suspicion des fraudes lors de la désignation des présidents de partis que cela soit pour le parti socialiste en mai 2011 entre Martine Aubry et Ségolène Royal, ou en novembre 2012 entre Jean-François Copé et François Fillon, a rendu impossible la désignation du candidat par les simples militants. La moindre contestation affaiblirait d’emblée le candidat vainqueur et la primaire au lieu de lui conférer un avantage le chargerait d’un handicap. Seul le recours à un vote élargi aux sympathisants avec plusieurs millions de participants et non quelques milliers, rendant les fraudes dérisoires et donc plus improbables, fournit la garantie de la vérité des résultats. Vérité parfois douloureuse si l’on se souvient des larmes de Ségolène Royal à l’issu du premier tour de la primaire socialiste en octobre 2011.

Cependant d’autres raisons plus profondes poussent également à l’adoption des primaires.

Les états-majors politiques de droite comme de gauche ont en effet pleinement intégré qu’avec un FN aussi haut un duel au premier tour serait suicidaire et empêcherait les protagonistes d’accéder au second tour de l’élection présidentielle. Les primaires ouvertes deviennent par conséquent un filtre nécessaire pour soumettre une minorité à une majorité et ne présenter obligatoirement qu’un candidat puisque les candidats battus aux primaires s’engagent à soutenir le vainqueur.

La situation de 1995 qui vit un duel fratricide au sein de la droite entre Balladur et Chirac était encore sans risque à l’époque avec un FN à 15 %. Vingt ans plus tard, avec un FN à 25 % aux dernières élections européennes ou départementales, la conjoncture a radicalement changé. Cette ombre du FN qui plane sur les prochaines élections de 2017 pourrait même poser la question de la nécessité d’une candidature UDI et écologiste qui affaibliront inutilement ou dangereusement leur camp respectif auquel ils comptent de toute façon se rallier au second tour.

1981 ouvrent l’ère de l’alternance systématique…

Enfin il n’est pas exclu qu’il faille rechercher dans le balancement politique droite/gauche et gauche/droite qui marque la vie politique depuis 1981 l’origine profonde des primaires.

Lorsque l’on observe objectivement la vie politique depuis 1981 force est de constater que les élections législatives qui se sont succédé ont toujours été remportées par les forces d’opposition comme si l’alternance depuis 1981 était finalement la règle, non écrite, que suivaient nos concitoyens. C’est cette loi d’airain, tant elle semble implacable, qui amène aux situations de cohabitation de 1986, 1993 et 1997. Certes les élections législatives de 2007 semblent faire exception à cette règle. Elles suivent cependant une présidentielle très ouverte, disputée entre autre par Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou, et qui connût un regain d’intérêt de l’électorat si l’on en juge par le taux de participation du premier tour (83,77 %), le troisième taux le plus élevé de la Ve République, juste après les élections de 1965 et de 1974. La victoire de Nicolas Sarkozy induisit d’une certaine façon les résultats des élections législatives en 2007 car l’électorat n’est pas bipolaire ou schizophrène à moins de refuser de donner les moyens d’agir au président de la République qu’il vient juste d’élire. D’une manière générale les élections législatives qui suivent immédiatement les élections présidentielles confirment donc, ou amplifient parfois mais pas toujours, le sens des résultats de l’élection présidentielle qui les précédent.

D’une certaine manière l’on peut aussi considérer que depuis 1981 les élections présidentielles suivent également cette loi de l’alternance systématique. Bien sûr deux contre-exemples de taille viennent immédiatement à l’esprit : la réélection de François Mitterrand en 1988 et celle de Jacques Chirac en 2002. Mais à y regarder de plus près, n’est ce pas deux exceptions qui confirment la règle ? Tous les observateurs politiques reconnaissent que c’est incontestablement François Mitter­rand qui tira les bénéfices politiques de la première cohabitation (1986-1988) en pouvant se représenter comme un rassembleur au-dessus de la mêlée tout en n’étant pas comptable du bilan de son Premier ministre. Si l’élection présidentielle avait eu lieu en 1986, il est peu probable qu’il s’en soit sorti victorieux. La droite reconnaît aujourd’hui que la cohabitation a fonctionné comme un piège pour Jacques Chirac en 1986, piège auquel il ne se fera pas prendre deux fois en 1993, ce qui posa néanmoins d’autres problèmes puisque l’exercice du pouvoir donna des ailes à Édouard Balladur pour vouloir aller plus loin…

De plus, ce même Jacques Chirac doit sa brillante réélection en 2002 (82 %) au rejet massif dans l’opinion que suscita son adversaire Jean-Marie Le Pen. Et s’il l’avait finalement emporté face à Lionel Jospin (ce qui reste à démontrer mais que l’on ne saura jamais) en cas de présence de celui-ci au second tour, c’est aussi parce qu’il aurait bénéficié d’une longue période de cohabitation… Comme si le président en retrait forcé de l’action politique de par la cohabitation apparaissait comme un candidat neuf qui échappait à la sentence de l’alternance. Dans des circonstances politiques autres, n’ayant pu bénéficier d’un quelconque retrait pour retrouver l’adhésion de l’électorat, Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy ont été balayés par la dure loi de l’alternance. Rétrospectivement l’on peut d’ailleurs se dire que le tort de Valéry Giscard d’Estaing est d’avoir tout fait pour que son camp gagne les élections législatives de 1978. Une défaite aux législatives de 1978, comme l’annonçaient d’ailleurs les résultats du premier tour, et une cohabitation avec François Mitterrand comme Premier ministre, eurent été peut-être sa seule chance d’être réélu en 1981.

Cette loi d’airain de l’alternance systématique semble en même temps souligner l’impuissance des politiques quel que soit leur camp à régler durablement les problèmes et à apporter des solutions fédératrices pour nos concitoyens. Elle souligne ainsi que gouverner et entreprendre des réformes nécessaires, c’est finalement déplaire plus ou moins rapidement à une majorité et se retrouver par conséquent minoritaire. Parallèlement c’est aussi cette lassitude qui alimente la progression constante du Front national, autre donnée fondamentale de notre vie politique depuis 1984. Apparu en 1972, le Front national représentait encore moins de 1 % de l’électorat aux présidentielles de 1974 et ne s’inscrivit véritablement dans le paysage politique national qu’à partir des élections européennes de juin 1984 où le parti réalise pour la première fois plus de 10 % des voix. L’ascension progressive du Front national, entrecoupée de quelques déconvenues comme aux européennes de 1999 et lors des élections présidentielles de 2007, est bien l’autre versant de ce même désarroi de l’électorat qui ne cesse de pratiquer l’alternance entre la droite et la gauche.

Les primaires trouvent aussi leur logique dans ce grand mouvement de l’alternance systématique 

Si l’on fait un peu de prospective à court terme, il n’est pas hasardeux d’annoncer que cette loi de l’alternance politique profite incontestablement aujourd’hui à la droite pour les prochaines élections présidentielles, et ce ne sont pas les résultats économiques du quinquennat de François Hollande qui sont de nature à la remettre en cause.

Même si le chômage aujourd’hui très haut  commençait à baisser comme le prévoit l’Unedic à partir de 2016 (et comme semble l’annoncer les derniers chiffres publiés), l’on sait maintenant à moins de deux ans de l’échéance présidentielle de 2017 qu’il resterait à des taux élevés et cette baisse serait de toute façon insuffisante pour se traduire en termes de bénéfice politique substantielle pour François Hollande, un peu comme en 1988 où la légère baisse effective du chômage par rapport à 1986 ne profita guère à Jacques Chirac.

Puisque le bilan économique sur le front du chômage restera sans doute globalement mauvais, la seule véritable chance de réélection de François Hollande est d’apparaître au second tour comme un rempart contre Marine Le Pen, mais cela supposerait l’élimination du candidat de droite au premier tour. Or, dans l’histoire des élections présidentielles sous la Ve République, c’est le candidat de la gauche qui par deux fois, en 1969 et 2002, n’a pas été présent au second tour, jamais le candidat de la droite. Certes l’on pourrait imaginer un instant qu’une candidature de l’UDI (mais à ce stade on ne voit pas très bien laquelle ?) – après tout chaque parti a vocation à présenter un candidat à l’élection présidentielle – pourrait gêner le candidat issu des primaires des Républicains. À y regarder de plus près là encore le succès incontestable et inattendu de François Bayrou en 2007 s’est nourri de la faiblesse de la candidature de Ségolène Royal et n’a pas empêché le candidat de l’UMP de l’époque, en l’occurrence Nicolas Sarkozy, de faire plus de 30 % au premier tour, ce qui constituait déjà un très bon résultat de premier tour pour une élection présidentielle. Et si Nicolas Sarkozy l’a emporté en 2007 au cours d’une élection très ouverte qui aurait pu, qui aurait dû si l’on se réfère au mouvement de balancier défini plus haut, voir un candidat de gauche accéder au pouvoir, c’est parce qu’il réussit à se présenter, notamment en brouillant subtilement les cartes politiques en pratiquant une forme de triangulation politique (dont le changement récent de nom du parti de droite est encore un exemple), comme la meilleure alternance possible… à l’immobilisme du quinquennat de Jacques Chirac.

Ainsi l’on comprend mieux l’extrême importance des primaires de novembre 2016 pour les candidats de droite : le candidat qui en sortira vainqueur aura toutes les chances d’accéder à la présidence de la République en 2017. Il en a d’ailleurs été symétriquement de même en 2011 puisque le candidat qui en fut issu au sein du Parti socialiste accéda effectivement à la fonction suprême en réalisant, grâce à une campagne sans fausse note, ce qu’avaient prévu tous les sondages (plus de 400) depuis un an : battre le président sortant. La sphère médiatique crée et entretient le suspens politique en feignant de croire que la réélection du président actuel est toujours probable. Il s’agirait alors de la première réélection d’un président de la République, depuis 1981, en dehors d’un contexte de cohabitation… et le bilan économique du quinquennat, comme nous l’avons vu précédemment, plaide fort peu en faveur de cette hypothèse. Mais maintenir le jeu (artificiellement) ouvert renvoie, par essence, au mode de fonctionnement de la sphère médiatique dont la finalité est bien de faire vendre du papier ou capter de l’audience. Dans le passé, les médias ont toujours entretenu de faux suspens : le duel Villepin/Sarkozy pour les élections de 2007 (alors que l’on sait que Dominique de Villepin, ce “météore tragique” selon l’expression d’Alain Duhamel, n’avait aucune réelle assise politique et guère de relais dans le parti), la candidature de Borloo à l’élection présidentielle de 2012 (alors que l’on sait qu’une campagne présidentielle à plein temps est aussi une épreuve physique que le candidat n’aurait sans doute pas la force d’aborder), le retour de Giscard au devant de la scène politique dans les années 90… (comme si Giscard, sonné par sa défaite de 1981, ayant échoué dans sa conquête de Clermont-Ferrand en 1995 face à Roger Quilliot, pouvait encore faire de l’ombre à Chirac le leader incontesté de la droite de l’époque).

Aujourd’hui cette alternance prévisible avive ainsi considérablement la compétition et les ambitions au sein du camp destiné à l’emporter. Les primaires,  qui promettent par conséquent d’être assez âpres au sein des Républicains, ne sont donc pas seulement une préparation de la campagne électorale, elles marquent surtout une anticipation de la victoire probable, une captation du processus électoral pour faire triompher un clan sur un autre, une tendance sur une autre.

C’est dire l’importance que sont en train de prendre les primaires dans notre vie politique qui s’américanise peu à peu. Américanisation dont le nouveau nom du principal parti de la droite est encore un indice. Aux États-Unis elles tiennent déjà en haleine depuis longtemps les analystes et les commentateurs et il est probable qu’elles gagneront bientôt en France une couverture médiatique plus conséquente. L’intense médiatisation des primaires américaines pour la campagne de 2008 dans les journaux français, vendues comme un feuilleton à suspens, et qui ont vu une candidate attendue en la personne d’Hillary Clinton être finalement battue par un outsider Barack Obama, a sans doute indirectement popularisé et accrédité le processus des primaires au sein de l’opinion publique française. On peut y voir là sans doute une convergence des sociétés occidentales portée par l’intensification des échanges d’idées et de relations, en un mot par la mondialisation culturelle. Les États-nations avec leur logique propre et leur système politique singulier laissent la place à un monde sans frontière où chacun s’inspire des expériences et du modèle des autres : l’introduction d’un embryon d’État-providence avec l’Obamacare, certes limité aux revenus annuels inférieurs à 35 000 dollars aux États-Unis, et l’introduction de la généralisation des primaires au sein de la société française illustrent ce processus que le sociologue allemand Ulrich Beck, à la suite des travaux de John Urry, atteste en parlant de “l’émergence d’un horizon cosmopolitique”.

Dans le domaine politique cette influence réciproque s’observe encore chez certains éditorialistes américains comme James Poulos pour le Foreign Policy pour qui l’ascension politique d’un “nouveau Front national”, dirigé par Marine Le Pen depuis le congrès de Tours de janvier 2011,  pourrait inspirer les Républicains américains dans leur propre stratégie électorale de reconquête du pouvoir.  “Les Républicains devraient utiliser le temps qui leur reste dans l’opposition pour écouter ce que Marine Le Pen a à leur dire sur un populisme capable d’unir les électeurs et de l’emporter” écrivait-il dans le Foreign Policy en février 2014.

Enfin reste à parier que les moyens financiers engagés par les candidats lors des primaires seront sans doute à l’avenir accrus puisque finalement, dans une époque où l’alternance est la règle, c’est là où “tout” se jouera.

Dans un essai politique intitulé La fête des fous, et paru il y a bientôt dix ans en 2006, Marie-France Garaud se demandait en sous-titre “Qui a tué la Ve République ?”. Pour elle, les cohabitations à répétition, le quinquennat qui se veut un moyen d’échapper à ces cohabitations mais qui renforce en fait le poids du régime parlementaire, et l’Europe qui fait que près d’un tiers des dispositions votées par le Parlement (voire davantage dans certains domaines) sont des transpositions des directives européennes, ont eu un rôle majeur dans l’affaiblissement de la Ve République telle que l’avait conçue le Général de Gaulle. Il est par ailleurs incontestable que les 28 révisions de la Constitution depuis 1958 nous éloignent, de fait, de la constitution originelle.

Aujourd’hui l’organisation des primaires adoptées par le Parti socialiste en 2011 et par l’UMP, alias les Républicains, pour 2016 constitue un nouvel élément qui nous éloigne encore davantage de l’esprit de la Ve République au sein de laquelle l’élection présidentielle se devait d’être le moment privilégié de la rencontre entre un homme et un peuple et non une affaire laissée exclusivement aux mains des partis.

Certes l’on pourrait avancer l’hypothèse que les élections de 2012 ou 2017 ne préfigurent en rien celles qui suivront. À vrai dire la chose est peu probable car maintenant que les partis ont introduit des primaires ouvertes pour désigner leur candidat, il existera toujours des voix et des candidats pour les réclamer, le leur refuser apparaîtra alors comme suspect et affaiblira le camp qui se refusera de les pratiquer alors qu’une candidature déjà portée par des centaines de milliers d’électeurs serait au contraire “boostée”.

Par les primaires instituées et généralisées, notamment pour le principal parti d’opposition, l’élection présidentielle au suffrage universel, clé de voûte du système électoral de la Ve République, est cependant quelque peu dévoyée. Des voix s’élèvent périodiquement pour défendre les acquis du Conseil National de la Résistance, en partie retranscrits dans la Constitution de la IVe République (l’égalité homme-femme, les droits sociaux). En revanche rares sont les voix, comme celle d’Henri Guaino, qui s’élèvent pour défendre les acquis de la Ve République et la conception de l’élection présidentielle telle que cette constitution l’avait initialement prévue. L’UMP (alias les Républicains), elle-même, pourtant héritière du mouvement gaulliste, s’est ralliée à l’organisation d’une primaire pour désigner son candidat en 2017. Voilà un singulier retournement des choses : la IVe République, jadis honnie et à laquelle on attribuait tous les maux, aujourd’hui défendue et la Ve République toujours davantage reniée. Tels vont les mœurs politiques de notre temps…

Eudes Girard, professeur en classes préparatoires littéraires
Guez de Balzac Angoulême

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