Jacques Rocca, ancien directeur de la communication d’Airbus, est candidat aux législatives dans la première circonscription de la Haute-Garonne, avec le soutien de l’Alliance Centriste. A un mois des élections, il répond aux questions de la Revue Politique et Parlementaire.
Revue Politique et Parlementaire — Vous êtes candidat dans la première circonscription de la Haute-Garonne. Pourquoi cet engagement politique au moment où la politique est souvent désertée, notamment par ceux qui, comme vous, ont une vie professionnelle particulièrement accomplie ?
Jacques Rocca — L’engagement politique n’est pas une découverte pour moi ; dès ma jeunesse j’avais été séduit par le regard porté par Jacques Chaban-Delmas sur la société française et les réformes profondes dont elle avait besoin. J’avais ensuite rejoint le RPR pour y militer activement. Après mes études de droit à Toulouse, Alain Chastagnol, jeune député du Lot, m’avait offert un poste d’attaché parlementaire pendant la première cohabitation. En mai 1995 j’avais rejoint l’équipe de Bernard Pons, Ministre de l’équipement, du logement, des transports et du tourisme. Mais le chemin pris ensuite par Nicolas Sarkozy et la fusion RPR – UDF ne m’avaient pas convaincu de poursuivre dans cette voie, ce qui ne m’empêchait pas de rester attentif à la vie du pays.
Depuis bientôt vingt-trois ans, c’est chez Airbus à Toulouse, ma ville natale, que j’exerce mon activité professionnelle.
Année après année, j’observe avec inquiétude que trop peu de citoyens s’engagent car ils en appréhendent les risques, l’exposition, les critiques ou les manœuvres.
Il faut pourtant, face aux difficultés et aux évolutions de notre société, proposer de nouvelles solutions, de nouvelles voies et j’ai l’intime conviction que c’est à l’Assemblée nationale de le faire, car il est par définition le lieu démocratique d’expression du pouvoir LÉGISLATIF. C’est là la raison de mon engagement dans ces élections législatives.
RPP — Le mandat de député dans le système institutionnel, notamment depuis le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, est souvent considéré comme dévalorisé. Quel est selon vous le meilleur moyen de l’optimiser à un périmètre constant, et quelles seraient les pistes aujourd’hui pour revaloriser le rôle du parlement ?
Jacques Rocca — Depuis ces quinze dernières années, l’alignement des élections législatives sur les élections présidentielles vient du fait que RPR comme PS étaient tous traumatisés par l’exercice de la cohabitation. N’en voulant plus, la conséquence de ce nouvel alignement des élections revient à réduire totalement le rôle de l’assemblée nationale à une simple chambre d’enregistrement. Depuis trois quinquennats l’Assemblée doit, davantage encore que par le passé, suivre les décisions du pouvoir exécutif, avouez que c’est plus que paradoxal !
Si rien ne change du point de vue du calendrier électoral ou du mode de scrutin, écartant encore la proportionnelle partielle ou totale, il faut espérer que des groupes parlementaires plus petits et plus « divers » se forment par affinités politiques, ce qui pourrait laisser plus de place à de vrais débats d’idées, en fonction des textes examinés.
Il y a aussi l’espoir que le règlement de l’Assemblée évolue pour que le temps consacré à l’examen de propositions de lois soit étendu. Il faut enfin que le Gouvernement respecte davantage les débats parlementaires, fussent-ils parfois longs ; c’est la raison même des travaux de l’Assemblée et c’est à ce prix qu’un texte trouve sa légitimité démocratique, alors que son origine vient souvent d’un service technocratique d’un ministère. Je l’ai vécu personnellement comme Commissaire du gouvernement lors de l’examen du projet de loi de réforme de la SNCF en décembre 1996.
Certains voudraient imposer le principe du « mandat impératif » qui transforme le député en exécutant du peuple, ce qui lui retire en définitive son rôle de « mandataire du peuple ». Ce système n’a heureusement pas survécu à la fin de la Première République. Ce qui est possible en revanche à l’heure de l’aire digitale, c’est d’organiser davantage de consultations préalables des françaises et des français pour recueillir leur avis sur un texte bientôt débattu. Ceci permettrait peut-être de retisser le lien entre les citoyens et la vie politique.
RPP — Vous êtes issu d’une filiation gaulliste, retrouvez-vous quelque chose du gaullisme dans la majorité présidentielle et chez Emmanuel Macron ?
Jacques Rocca — De Gaulle ne rentrait effectivement pas dans une case prédéterminée « de droite » ou « de gauche » et il a eu maintes fois l’occasion de le montrer. En cela, on peut trouver quelques points de ressemblance avec l’actuelle majorité et davantage encore avec Emmanuel Macron. Mais c’est dans la forme et l’exercice du pouvoir que je note des différences profondes. Charles de Gaulle savait que les courroies de transmission, qu’il s’agisse des « corps intermédiaires », des partenaires sociaux, des collectivités territoriales étaient essentielles et il les consultait et respectait.
De même, le père de la Cinquième république n’avait pas du tout aligné la durée du mandat présidentiel sur celle du mandat législatif, il ne voulait pas de cette mise au pas du Parlement et acceptait le risque de la cohabitation.
RPP — Quels sont les enjeux dans cette circonscription sur lesquels vous comptez porter l’effort, si les électeurs demain vous apportent leurs suffrages ?
Jacques Rocca — Cette circonscription que l’on résume par le nom de Toulouse-Blagnac est majoritairement urbaine et péri-urbaine. Son économie et ses emplois reposent beaucoup sur le secteur aéronautique, dans lequel j’ai travaillé plus de vingt ans. Il est essentiel de défendre cette activité mais de s’assurer aussi qu’elle se décarbone et qu’elle innove toujours davantage pour limiter les nuisances sonores.
C’est aussi la circonscription du CHU de Purpan ou de la clinique des Cèdres et l’on a mesuré, depuis ces trois dernières années, combien la santé est un enjeu essentiel pour le pays.
Ma suppléante, Stéphanie Lambert, travaille précisément dans cet environnement. Grâce à son expertise de coordonnatrice du pôle santé de l’OFII, je veux aider ces structures et le secteur médical à trouver les ressources financières et humaines dont il a besoin pour travailler dans de meilleures conditions.
Enfin, je pense qu’il est essentiel de privilégier le développement de produits alimentaires de proximité et de qualité, j’en ai fait le constat il y a plusieurs mois lors de mes visites du M.I.N de Toulouse, qui est notre « Rungis » local.
RPP — Quel regard portez-vous sur le rapport de forces dans votre circonscription à 1 mois du premier tour ?
Jacques Rocca — C’est une circonscription très convoitée et assez changeante. Le camp de la majorité présidentielle voudrait faire jouer, dès le premier tour, le choix du second tour sous prétexte de ne pas risquer de perdre cette circonscription face à LFI-Nupes.
Mais en ces terres historiquement plutôt radicales-socialistes, l’offre politique s’avère diverse et s’inscrit dans un spectre large. Pour ma part, j’ai annoncé ma candidature depuis plusieurs mois mais encore une fois, c’est le taux d’abstention qui peut s’avérer être le principal paramètre du résultat.
Propos recueillis par Arnaud Benedetti