Alors que les politiques européennes dans leur ensemble sont de plus en plus critiquées, le programme Erasmus + est, quant à lui, plébiscité par la plupart des citoyens et la quasi totalité du public concerné. Dans une période où la tentation du repli sur soi est grande, il favorise l’émergence d’un sentiment de citoyenneté européenne chez les jeunes et peut jouer un rôle dans la diffusion de valeurs communes européennes.
Revue Politique et Parlementaire – Le programme Erasmus est devenu en 2014 Erasmus +. Quels sont les changements et quel est le budget de ce programme européen ?
Laure Coudret-Laut – Ce n’est pas le programme Erasmus qui est devenu Erasmus +. Ce sont les anciens programmes européens qui portaient sur l’éducation, la formation et la jeunesse qui ont été intégrés dans un programme unique, beaucoup mieux doté, Erasmus +. Grâce à lui, les acteurs de l’éducation formelle et informelle peuvent organiser des mobilités encadrées en Europe et pour l’enseignement supérieur à l’international, mais aussi monter des partenariats d’innovation ou d’échanges de bonnes pratiques. Il offre également aux acteurs institutionnels la possibilité de faire évoluer leurs systèmes d’éducation.
Le nouveau programme européen pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport (une nouveauté), Erasmus +, fédère aujourd’hui tous les publics : élèves, étudiants, apprentis et élèves de la formation professionnelle, jeunes volontaires, adultes en formation continue, enseignants, formateurs, administratifs de l’enseignement formel et non formel… Il dispose, pour la période 2014-2020, d’un budget de 14,7 milliards d’euros, auquel s’ajoute 1,68 milliard d’euros pour les activités liées à la dimension internationale du programme. Cela représente une hausse de 40 % par rapport au budget des programmes précédents, ce qui permettra de satisfaire davantage de bénéficiaires. Le programme cible prioritairement les jeunes les moins favorisés et vise à toucher quatre millions d’Européens, dont deux millions d’étudiants, 500 000 jeunes volontaires, 650 000 apprentis et stagiaires de la formation professionnelle ou encore 800 000 enseignants.
RPP – Depuis sa création, en 1987, Erasmus a permis à plus de trois millions de jeunes Européens d’aller étudier dans un autre pays européen. Comment justifiez-vous un tel succès ?
Laure Coudret-Laut – Notre Agence a commandé, en 2014, une enquête TNS Sofres1 sur l’image du programme en France. Les résultats confirment la popularité d’Erasmus + : 95 % des sondés l’ont associé aux notions de convivialité et d’ouverture culturelle, reprenant de facto le slogan de la Commission européenne « Changer des vies, ouvrir les esprits ». Lors des échanges qu’il finance, les bénéficiaires développent en effet les valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination, devenant ainsi de véritables citoyens européens.
Le succès du programme Erasmus vient du fait qu’il ait été popularisé par le cinéma (L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch en 2002) et surtout par plus de trois millions d’anciens bénéficiaires. Autant d’ambassadeurs qui constituent aujourd’hui une véritable génération Erasmus et que l’association Erasmus Student Network2 (ESN) aide à fédérer. Les établissements d’enseignement supérieur ont aussi contribué à ce large succès en inscrivant progressivement la mobilité d’études ou de stage dans le parcours de leurs étudiants.
RPP – Le lien entre mobilité à l’international et insertion professionnelle est-il avéré ?
Laure Coudret-Laut – Pour la première fois, notre Agence s’est associée aux enquêtes « Génération » menées, depuis vingt ans, par le Centre d’Étude et de Recherche sur l’Emploi et les Qualifications (CEREQ), sur l’insertion professionnelle des jeunes. L’enquête « Génération 2010 »3 a étudié, pendant trois ans, le parcours de 33 500 jeunes Français sortis du système scolaire. En plus de dresser les différents portraits des jeunes qui réalisent une mobilité à l’international au cours de leurs études ou de leur formation, les résultats de cette collaboration mettent en évidence l’impact de la mobilité sur l’entrée dans la vie active de ses bénéficiaires. Les quatre principaux points de cette enquête inédite sont :
- La mobilité de formation à l’international n’est pas un phénomène marginal, puisque 30 % des jeunes partent à l’étranger durant leurs études ou leur formation.
- La mobilité encadrée à l’international assure une meilleure insertion professionnelle. Selon l’étude, 70 % des jeunes qui ont bénéficié d’une mobilité encadrée ont un parcours « accès durable à l’emploi »4, contre 50 % pour ceux qui n’ont pas connu de période de mobilité.
- La mobilité accélère l’insertion professionnelle : les jeunes qui ont réalisé une période de mobilité encadrée à l’international trouvent, en moyenne, un emploi au bout de 2,9 mois, contre 4,6 mois pour les autres.
- La mobilité offre un accès à l’emploi plus qualitatif :
- 37 % des jeunes ayant réalisé une mobilité encadrée accèdent à un CDI dans leurs premiers emplois (contre 26 % pour ceux qui n’ont pas réalisé de mobilité) ;
- 65 % des bénéficiaires d’une mobilité encadrée accèdent à un poste de niveau cadre ou profession intermédiaire dès leur premier emploi (contre 34 % des jeunes qui ne sont pas partis en mobilité encadrée).
RPP – Quel est donc le profil type d’un étudiant Erasmus ?
Laure Coudret-Laut – En France, l’étudiant Erasmus + type est une femme (57 %) de niveau master (46 %), qui part en mobilité d’études (73 %), prioritairement au Royaume-Uni, en Espagne et en Allemagne. Contrairement aux idées reçues, cette étudiante n’est pas issue des classes sociales les plus favorisées. C’est ce qu’a montré une étude5 que nous avons conduite, fin 2015, auprès des établissements de l’enseignement supérieur bénéficiaires du programme. Elle révèle que près d’un étudiant boursier sur deux en mobilité internationale bénéficie du programme Erasmus + et que le taux d’étudiants boursiers en mobilité Erasmus + (35 %) est supérieur à la moyenne nationale des boursiers de l’enseignement supérieur (28 %).
Le programme Erasmus +, qui englobe dorénavant tous les publics, est en train de créer de nouveaux profils types qui ne se résument plus aux seuls étudiants Erasmus + : apprentis Erasmus +, enseignants Erasmus +, volontaires Erasmus +…
Laure Coudret-Laut
Directrice de l’Agence Erasmus +
Propos recueillis par Florence Delivertoux
- La longue élaboration du concept d’énergie – Roger Balian – mars 2013 – Académie des Sciences. ↩
- https://esn.org/ ↩
- https://www.agence-erasmus.fr/page/observatoire ↩
- L’accès à l’emploi est rapide et même le plus souvent immédiat, les périodes de chômage sont rares. ↩
- https://www.agence-erasmus.fr/docs/2435_ra-2015-03-12.pdf (page 74). ↩