Alors que la France accueille à Nice du 9 au 13 juin, la 3e conférence des Nations-Unies sur l’Océan dont l’objet est de mobiliser tous les acteurs pour préserver les océans et garantir leur utilisation durable, c’est l’occasion de rappeler tant la légitimité de notre pays que la nécessité d’être pleinement investis sur ce sujet.
Chacun sait que la France est la seconde puissance maritime mondiale avec 11 millions de kilomètres carrés de ZEE en étant présente, grâce à ses territoires ultramarins, sur 4 des 5 océans, à savoir : l’océan Pacifique, l’océan Indien et l’océan Atlantique au bénéfice de la façade atlantique de l’hexagone et des Antilles, outre l’Antarctique avec les terres australes et antarctiques françaises. Les régions d’outre-mer représentent à elles seules 97% de l’espace marin français, concentrent près de 80 % de la biodiversité française et une part très substantielle des 10 % de la biodiversité mondiale ; ceci confère à la France une responsabilité particulière en matière de protection de la biodiversité marine.
Cette troisième conférence, qui vient après celle de New-York en 2017 et de Lisbonne en 2022, traduit une préoccupation mondiale puisque l’Océan est plus que jamais menacé par les effets du changement climatique, de la pollution et enfin de la surexploitation des ressources maritimes. La France est en effet directement affectée par le réchauffement climatique car elle possède des écosystèmes particulièrement menacés, notamment avec ses récifs coralliens très sensibles aux variations du climat et à la pollution mais également du fait de la présence d’espèces endémiques qui, par définition, ne vivent que dans des territoires spécifiques.
Dans le prolongement de l’Accord de Paris, s’engager pour une meilleure préservation des océans n’est plus une option, mais un impératif pour notre pays.
-
Les régions d’outre-mer sont touchées de plein fouet par le bouleversement océanique
Depuis plus d’une dizaine d’années le littoral des îles françaises des Antilles est submergé régulièrement d’algues photosynthétiques (sargasses) qui affectent gravement la santé publique, les écosystèmes littoraux et les économies locales. Elles sont susceptibles de provoquer des maladies ORL, cutanées, respiratoires ou digestives dont les conséquences plus ou moins graves dépendent de la durée d’exposition au gaz toxique. Chez les femmes enceintes vivant près du littoral, le risque de prééclampsie est sérieux, pouvant conduire à la naissance de grands prématurés, à des retards de la croissance intra-utérine, voire à des décès maternels et, en tout état de cause, dans un cas sur 10 à une forme grave de la maladie. A date, et sans qu’un premier bilan ne soit encore possible, ce sont des dizaines de milliers de nos concitoyens qui sont les victimes impuissantes de cette catastrophe sanitaire.
Dans l’océan Indien, qui est le troisième plus grand océan du monde et où se trouvent notamment la Réunion, Mayotte et les îles Éparses, on trouve de nombreuses espèces emblématiques telles que les requins, les dauphins, les baleines et les tortues. La Commission de l’Océan Indien (COI), relève qu’outre l’impact sur l’équilibre de la biodiversité, il pourrait y avoir une élévation du niveau de la mer, ce qui augmenterait de fait les menaces d’inondation et d’érosion des côtes. A cet égard on a en mémoire la violence du cyclone Chido à Mayotte qui, à l’automne dernier, a engendré un bilan officiel mais incertain tout à fait désastreux, dont 40 morts et environ 4 000 blessés. Si les cyclones dans les régions tropicales n’ont rien d’exceptionnel, c’est désormais la force de ces phénomènes qui peut entraîner des conséquences dramatiques pour les personnes et les biens.
De même que dans l’océan Pacifique, l’évolution des régimes de circulation climatique affecte la force, la durée et la trajectoire des tempêtes et des précipitations dans l’ensemble de la zone.
Enfin, l’impact économique de ces phénomènes climatiques extrêmes est considérable si l’on prend en considération les dépenses liées à la reconstruction des biens et des équipements détruits après chaque passage cyclonique ainsi que les conséquences négatives pour le tourisme dont vivent ces territoires.
-
La France doit prendre le leadership dans la protection des océans
En l’absence des Etats-Unis – première puissance maritime mondiale – de cette conférence sur la protection des océans, la France se doit d’être un acteur majeur capable d’entraîner derrière elle le plus grand nombre d’États en faveur de cette cause planétaire. Il y va pleinement de notre intérêt et c’est aussi l’occasion pour notre pays, de réaffirmer sa puissance et d’exprimer une voix forte.
Tout d’abord, nous devons saisir cette opportunité pour dialoguer avec les pays directement concernés. Que ce soient les pays de la grande Caraïbe dont ceux d’Amérique latine, mais aussi l’Inde, Madagascar, l’Afrique du Sud, ou encore l’Australie, confrontés aux mêmes problématiques environnementales.
Ensuite, il faut bien avoir à l’esprit que les territoires d’outre-mer représentent un atout important pour la France car ils peuvent être de véritables laboratoires d’expérimentation scientifique. Ainsi il est souhaitable que l’on encourage les organisations scientifiques nationales et internationales à associer plus qu’elles ne le font à ce stade les régions d’outre-mer.
Par ailleurs, la société civile est encouragée à se saisir des questions environnementales dans ces territoire, grâce notamment aux formations Mouv’outremer[2] soutenues par le ministère des Outre-mer. Cette plateforme vise à ce que tous les porteurs de projets et tous les Français qui portent une initiative dans ces territoires, puissent être formés et accompagnés.
Enfin, s’agissant de l’exploitation, depuis 2014, l’Union européenne a mis en œuvre une politique de gestion des stocks de pêche articulée autour du “rendement maximum durable” (RMD)[3].
En définitive la défense des océans est l’occasion pour notre pays de satisfaire deux objectifs politiques, l’un sur le plan interne, l’autre sur le plan international. Le premier, en associant pleinement l’outre-mer, trouvera l’occasion d’écrire un récit national incluant ces régions. Un récit national autour de valeurs sensiblement différentes de celles des temps passés : l’avenir, la défense de notre planète et non plus seulement les guerres et les grandes conquêtes territoriales. Le second, pour faire de la France un acteur majeur de la diplomatie bleue fondée sur la science, le droit, la coopération et la défense de notre bien commun vital, celui de nos océans.
Jean-Claude Beaujour[1]
Avocat, Secrétaire National du Parti Horizons, en charge de l’Outre-mer
[1] Le point de vue n’engage que l’auteur).
[2]Mouv’outre-mer, https://mouvoutremer.fr
[3] Parlement européen, Gestion des pêches dans l’Union européennes, février 2025, https://www.europarl.europa.eu/committees/fr/pech/documents/latest-documents