Le Made in France a longtemps été convoqué comme un symbole rassurant. Dans les discours politiques, sur les étiquettes des rayons ou dans les campagnes publicitaires, il évoquait une fidélité aux racines, un attachement aux savoir-faire, une forme d’exception culturelle. Mais entre la formule et le fait, l’écart restait considérable. Dans un monde industriel structuré autour des délocalisations, des chaînes d’assemblage fragmentées et des logiques de coût, le “produit français” était souvent difficile à définir — et encore plus à prouver.
Les crises successives ont rebattu les cartes. La pandémie, les pénuries logistiques, les tensions géopolitiques ont replacé l’origine des produits au cœur des stratégies d’entreprise comme des politiques publiques. Relocaliser, sécuriser l’approvisionnement, créer des emplois non délocalisables : ces impératifs sont devenus prioritaires. Encore fallait-il disposer d’un outil crédible pour distinguer les intentions des actes.
C’est à cette question qu’a répondu la création du label Origine France Garantie. Ce label impose deux conditions principales : qu’au moins 50 % du prix de revient d’un produit soit généré en France, et que ses caractéristiques essentielles y soient acquises. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement d’un marquage : c’est un critère technique, vérifiable, encadré.
L’un des initiateurs de ce label est Yves Jégo, ancien ministre et député de Seine-et-Marne, engagé depuis de nombreuses années sur les questions de souveraineté économique. En 2010, à l’issue d’une mission parlementaire sur le Made in France, il formule une série de propositions concrètes. Parmi elles, la création d’un label simple, lisible et exigeant. À l’époque, le sujet est encore périphérique. Peu d’élus s’y intéressent sérieusement. Jégo, lui, ne s’en contente pas : il fonde l’association Pro France, structure de gouvernance du label, et engage un travail de fond pour que cette initiative devienne opérationnelle. Son intuition ? Pour que la relocalisation devienne crédible, elle doit s’adosser à un cadre normatif clair.
Aujourd’hui, ce cadre existe, et il produit des effets visibles. Dans le secteur du mobilier, des entreprises comme Gautier, Fermob ou Lafuma Mobilier utilisent le label pour valoriser leur ancrage industriel français. Dans l’agroalimentaire, de nombreuses PME l’ont adopté comme outil de différenciation, notamment à l’export. Dans la cosmétique, il soutient l’image de marques qui misent sur la production locale et la transparence des formules. Ce label, qui reste d’adhésion volontaire, fonctionne justement parce qu’il ne repose ni sur une injonction administrative, ni sur une stratégie marketing floue : il fixe un standard.
Son intérêt va au-delà du monde de l’entreprise. Il permet aux collectivités de mieux cibler leurs achats responsables. Il apporte une lisibilité nouvelle aux consommateurs qui cherchent à privilégier une consommation de proximité, sans tomber dans l’approximation. Il contribue enfin à une dynamique européenne émergente : celle des “clauses miroirs” et des relocalisations ciblées, dans le respect du marché unique mais avec des outils de cohérence économique.
La réussite du label Origine France Garantie tient à sa capacité à créer une grammaire commune. Il ne transforme pas la structure industrielle du pays, mais il permet aux entreprises françaises de se positionner avec clarté. Il donne aussi à la puissance publique un levier d’action indirect mais tangible. Et cette réussite, on le doit en grande partie à une intuition politique rare : celle d’un élu qui a compris que la réindustrialisation ne se ferait pas avec des discours, mais avec des instruments simples, robustes et crédibles.
Yves Jégo n’a pas fait du Made in France un slogan — il en a fait un cadre. Dans un paysage saturé de communication, ce type de contribution mérite d’être noté. Pas parce qu’elle brille, mais parce qu’elle tient.
Lieutenant-Colonel Jean Langlois-Berthelot
Christophe Gaie
Administrateur des Finances Publiques Adjoint