Macroniste de la première heure, Sébastien Lecornu n’a pas hésité à bousculer le bilan du président de la République. Mais s’il revendique une rupture, sa méthode s’inscrit toujours dans le « en même temps » cher à Emmanuel Macron.
Quand Sébastien Lecornu avait parlé de « rupture » lorsqu’il s’est installé à Matignon à la place de François Bayrou, personne n’avait compris de quoi parlait précisément le nouveau chef du gouvernement. Voulait-il rompre avec la posture de son prédécesseur en mal de confiance avec les socialistes, ou bien rompre avec les postures macronistes ? Plusieurs semaines de consultations sans effets n’avaient pas permis d’en apprendre davantage.
Il aura fallu une démission presque un mois après sa nomination, puis la re-nomination de Sébastien Lecornu avec un second gouvernement pour découvrir une première partie de la réponse. Le Premier ministre n’a pas hésité à tailler dans le bilan présidentiel en ouvrant la porte à la suspension de la réforme des retraites si difficilement arrachée en 2023.
Mais l’ambition de Sébastien Lecornu aujourd’hui n’est pas de rompre avec le macronisme et son inaltérable « en même temps ». L’ouverture du débat budgétaire en séance plénière a révélé ce que signifie la rupture aux yeux de Sébastien Lecornu. « C’est un changement culturel, annonce-t-il, une révolution tranquille du Parlement ». Cette nouvelle approche rompt avec la logique habituelle qui donne raison à la majorité. Elle pose une pratique inédite qui impose aux parties prenantes de renoncer à une part de leur programme pour le conjuguer avec celui de leurs adversaires.
Le pas à franchir semble immense, tant la logique majoritaire imprègne les habitudes. Le matin même, Boris Vallaud, le président du groupe socialiste, réclamait des engagements sur la taxe Zucman et l’assurait : « ce n’est pas négociable ». Dans les couloirs de l’Assemblée, d’autres socialistes renchérissaient, s’il ne cède pas, le Premier ministre prend le risque d’être censuré. Les socialistes ne pouvant renoncer à leur volonté identifiante de faire porter l’effort sur les riches. Dans le même temps, la droite, bien que divisée, se raccroche à ses fondamentaux : moins de dépenses et moins d’impôts.
Le Premier ministre pourrait bien être pris en étau par ces aspirations contraires. Mais il sait aussi que les partis, qui ont choisi par principe de ne pas censurer le gouvernement, ont bel et bien accepté le principe du compromis avec leurs adversaires. Il leur faut donc maintenant passer de la parole aux actes, c’est-à-dire adopter un Budget qui soit acceptable « en même temps » par la droite et par la gauche.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste











