C’est par le haut, l’international et le tragique, la guerre qu’Emmanuel Macron entend redonner du lustre à son quinquennat. A cette fin il convoque « le bruit et la fureur », la haute intensité des combats que se livrent avec fracas Russes et Ukrainiens, le dévissage du monde occidental, et l’inconnu qui se profile sur le vieux continent en espérant en devenir le nouveau régisseur. Donald Trump d’un côté, Vladimir Poutine de l’autre en s’entendant sur le dos du peuple ukrainien révèle par contraste l’immense faiblesse d’une Europe « en quête d’auteur »… pour reprendre une partie du titre de la pièce de Pirandello. Et Emmanuel Macron tant fragilisé sur la scène nationale qu’isolé sur la scène internationale voit dans cette scène de chaos la miraculeuse opportunité de se retrouver un rôle à la hauteur de ses « grandes espérances ».
« Je ne connais pas de meilleure rhétorique que la répétition » s’amusait Napoléon, homme de stratégie et de champ de batailles s’il en était, mais aussi inventeur de la propagande moderne. Emmanuel Macron plus expert en communication qu’en « art de la guerre » pourrait faire sienne la sentence napoléonienne, à ceci près qu’à trop jouer le risque est de déjouer. Il est vrai que depuis le début de son accession à l’Elysée le Président d’une crise l’autre semble rebondir, comme s’il trouvait là l’or de ses renaissances perpétuelles, comme si une providence inattendue en venait à lui offrir des sursauts salvateurs. Ce n’est là qu’une illusion car au fond tout ce qui faisait le système de convictions du macronisme semble être infirmé par le déroulement implacablement mécanique des événements. Il y a là une « peau de chagrin » qui est déposée sur le seuil élyséen, là où la puissance des Empires ravive les tensions que le vieux rêve wilsonien réenchanté par la chute du mur de Berlin en 1989 avait cru pouvoir dépasser jusqu’à imaginer une impossible « fin de l’histoire ». La « société fluide », post-nationale, sorte de voyageuse « sans bagage » également à laquelle adhérait in fine le jeune marcheur en quête de son destin présidentiel s’est heurtée à des déflagrations telles que le vieil Etat est redevenu le dernier recours dès lors que des convulsions sociales aux convulsions sanitaires en passant par les convulsions géopolitiques, les gouvernants se cherchaient des points d’accroche pour ne pas se perdre.
De cette leçon de vie Emmanuel Macron a sans doute retenu qu’il y avait dans « le vieux monde » quelques utilités en forme de viatique pour conduire les peuples. L’enseignement a opéré cahin-caha mais son efficience a d’autant plus fonctionné que le Président disposait de quelques moyens internes et externes pour se maintenir : une majorité à l’Assemblée quand il s’agissait d’affronter les turbulences nationales, y compris lorsqu’elle était relative, et pour ce qui relevait de l’entrechoquement slave sur les marches de l’Est, un allié américain assurant l’intransigeance européenne de son soutien vital et apparemment indéfectible. Depuis ce double tapis protecteur ayant glissé sous les pieds du pouvoir présidentiel, ce dernier en est réduit à répéter la figure de la dramatisation et de la détermination mais une rhétorique sans moyens a tout de ce « prophète désarmé » auquel Machiavel prédisait la pire dés déchéances pourun Prince : celle de l’impuissance…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université