Lors d’un rassemblement RN à Narbonne, Marine Le Pen a confirmé sa détermination pour 2027 en s’appuyant sur le lien affectif qui la lie aux militants alors que la popularité de Jordan Bardella joue sur un registre électoral plus radical.
D’ordinaire lors d’un rassemblement partisan, le discours du plus capé clôture la journée. Mais au RN, à l’occasion du 1er mai, Marine Le Pen s’est exprimée avant Jordan Bardella, laissant le soin à son second de conclure après elle. Mais c’est toujours elle la cheffe. Le potentiel candidat à la présidentielle n’a pu qu’abonder dans le sens de sa patronne, en lui redisant son soutien et sa loyauté, dans un discours assez classique. Marine Le Pen, elle, a joué sur l’émotion de ses troupes, vantant « l’armure et le réconfort » que lui apportent ses supporteurs quand elle « trouve parfois le fardeau lourd ». Les « Marine ! Marine ! » alternant avec les « Marine présidente ! ». Le slogan « On est chez nous ! » qui a constamment rythmé le discours de Jordan Bardella n’est apparu qu’une fois lors de celui de la fille de Jean-Marie Le Pen, lorsqu’elle venait de citer Bardella et en appelait à la mobilisation électorale. Une différence révélatrice des motivations des militants. Avec Marine Le Pen, ils ont un lien affectif, presque familial, ancien, avec Jordan Bardella une envie plus identitaire, électorale, tournée vers l’avenir.
Si, en ce 1er mai, tous les deux ont rendu un rapide hommage à Jeanne d’Arc, ils ont l’un et l’autre insisté sur l’aspect social de cette journée. Mais leur interprétation diffère. Marine Le Pen inscrit sa vision dans un projet présidentiel très personnel liant justice sociale et développement économique. Elle ne cite que deux adversaires : « l’extrême centre » pour lequel tout « « droit social est une menace pour la compétitivité » et l’extrême gauche pour laquelle « toute entreprise est prédatrice ». Pour elle au contraire, « la justice sociale n’est pas une entrave au développement économique, elle est une de ces conditions essentielles ».
Alors qu’il ne cesse de faire les yeux doux au patronat, Jordan Bardella n’a dit mot de cette analyse, se bornant à « célébrer des avancées sociales acquises par la lutte » et reprenant à son compte les formules sarkozystes sur « la France qui travaille et se lève tôt ». S’il reste dans le même registre affectif en parlant de « Marine » tout court, il a des accents plus radicaux pour exprimer ses objectifs. Il prend à témoin les automobilistes devenus « boucs émissaires » d’une « saignée fiscale qui se prépare ». Il promet de « rétablir l’ordre, la tolérance zéro, le soutien indéfectible aux forces de l’ordre, l’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers », dénonce un « ensauvagement d’atmosphère » et la « promesse non tenue » du ministre de l’Intérieur sur l’Algérie. Jordan Bardella n’est pas en campagne présidentielle, mais c’est bien au pays tout entier qu’il s’adresse et pas seulement aux militants du Rassemblement national.
Marine Le Pen a besoin de la réassurance de ses troupes, elle est en position défensive ; Jordan Bardella alimente l’impatience et la colère de son électorat, il est en position offensive.
Comme sa patronne, le dauphin désigne les municipales comme la prochaine priorité électorale. Tout juste se permet-il une toute petite allusion à une éventuelle dissolution – « dissolution ou pas, nous sommes prêts » – alors que, bien que s’offensant rageusement de cette « victoire volée », sa mentor ne réclame plus cette possibilité de revanche. Elle la jugeait pourtant inévitable en janvier dernier.
Ces nuances ne contredisent pas l’unité revendiquée par le duo. Ils ont tous les deux besoin de temps. Ils sont tous les deux populaires. Mais alors que la popularité de Marine Le Pen repose beaucoup sur son passé, celle de Jordan Bardella se construit sur un éventuel avenir. Le président du RN qui semble beaucoup s’inspirer de Nicolas Sarkozy aura sans doute remarqué que ni la popularité de l’ancien président, ni celle de l’ancien Premier ministre, Alain Juppé, n’ont suffi quand il s’est agi de porter les couleurs de leur famille politique à la présidentielle de 2017.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste