Les Républicains sauront-ils dépasser les querelles de personnes après la désignation de leur nouveau président le mois prochain ? Depuis la primaire de 2016, ils ne cessent de retomber dans ce travers qui les éloigne de l’exercice du pouvoir présidentiel. La campagne des prochaines semaines ne désignera pas seulement un vainqueur, elle sèmera, ou non, les germes de la future discorde.
C’est à chaque fois pareil. Toutes les compétitions internes laissent des traces indélébiles. En 2016, le combat opposait un ancien président de la République et deux anciens premiers ministres : Fillon, Juppé, Sarkozy par ordre d’arrivée au second tour. Certes, François Fillon a échoué à cause de ses costumes, mais pas seulement. Les trois blocs apparus lors de cette compétition interne ont perduré. Bruno Retailleau est resté fidèle à François Fillon, Alain Juppé et les siens ont rejoint Emmanuel Macron, Laurent Wauquiez a pris brièvement la succession de Nicolas Sarkozy à la tête du parti. A la présidentielle suivante, les stigmates de la querelle interne précédente étaient encore visibles. Une fois désignée, Valérie Pécresse n’a pas pu les surmonter. Les critiques de Nicolas Sarkozy avait accentué les faiblesses de la candidate. Éric Ciotti avait gardé rancune de l’humiliation de sa défaite au point de s’allier au Rassemblement national.
Et pourtant, les adhérents veulent toujours y croire. Ils sont un peu plus de 100 000 à reprendre leur carte de scrutin interne en scrutin interne, pour désigner leur président ou leur candidat à la présidentielle. Cette fois-ci, les deux sont liés. Le prochain chef des Républicains élu ne sera pas forcément leur candidat à la présidence de la République, mais celui qui ne dirigera pas LR devra aussi renoncer à ses prétentions élyséennes. Cette renonciation sera sans doute douloureuse. Sera-t-elle pour autant mortifère ? Tout dépendra des petites graines semées dans les prochaines semaines. Pousseront-elles sur le terreau de la discorde ou du rassemblement ?
Une réconciliation n’est pas un mouvement spontané, elle est le fruit des coups et des blessures passées qui marquent profondément les entourages et les militants, davantage que les leaders eux-mêmes bien souvent. Les critiques portent au-delà des seuls votants. Elles sont entendues par les sympathisants et les adversaires. L’accablement de François Fillon en 2017 aurait-il eu le même écho dans sa famille LR s’il n’avait prononcé sa cruelle petite phrase contre Nicolas Sarkozy lors de la primaire : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? ». Le précédent Hollande n’avait pas été entendu. Bien que vainqueur d’une autre primaire, le président socialiste n’avait pu se défaire de la formule assassine de Martine Aubry : « quand c’est flou, y’a un loup », qui avait préparé le terrain des frondeurs.
Quand la ligne d’arrivée approche, il est difficile de ne pas jeter toutes ses forces dans la bataille, même les plus empoisonnées. Et pourtant. L’enjeu pour les deux candidats LR n’est pas seulement de s’épargner l’un l’autre durant les prochaines semaines. Les grands acteurs politiques savent se réconcilier, au moins en apparence s’ils peuvent y gagner. Mais l’enjeu dépasse leurs personnes. il s’agit de créer les conditions du rassemblement d’un électorat éparpillé depuis 2016. Et l’électorat a de la mémoire.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste