A l’occasion d’une de ses premières sorties médiatiques, Edouard Geffray, septième ministre de l’Education en l’espace de trois ans, était récemment l’invité de la matinale de France Inter.
Alors que le journaliste rappelait que le budget 2026 prévoit notamment la suppression de 4 000 postes d’enseignants, le tout nouveau ministre se lançait dans une justification qui laisse entrevoir une stricte continuité de la politique éducative néo-libérale de démantèlement de notre Ecole publique engagée depuis 2017.
Sans hésitation aucune, Edouard Geffray a en effet mis en avant la diminution du nombre d’élèves dans les établissements, diminution qui selon lui « impose une réorganisation des moyens humains », rappelant la « baisse d’un million d’élèves » entre 2018 et 2028.
Poussant la provocation plus avant, le ministre soulignait dans la même interview et avec le même allant que « si nous suivions strictement la démographie, nous aurions supprimé entre 8 000 et 9 000 postes ».
Pour un peu, les enseignants, les parents, les élèves devraient s’estimer heureux et remercier le ministre de ne supprimer que 4 000 postes !
Cet argumentaire ministériel nécessite une mise au point tant il constitue une véritable provocation pour l’ensemble de la communauté éducative qui, au quotidien, subit le manque de remplaçants, les fermetures de classes, les effectifs surchargés dans certaines écoles, un peu partout sur le territoire de la République.
On rappellera en premier lieu à Monsieur le ministre que notre pays possède les classes les plus chargées d’Europe avec 21 élèves par classe dans le premier degré – 19 en moyenne dans l’Union européenne – et 26 élèves dans le second degré – 21 en moyenne dans l’Union européenne –. Or l’incidence du nombre d’élèves par classe sur la réussite scolaire n’est aujourd’hui plus à démontrer, n’en déplaise aux nostalgiques de l’école de nos aïeux…
On lui rappellera ensuite que notre pays investit 11 % de moins que les autres pays de l’OCDE dans le premier degré pourtant déterminant dans le parcours scolaire des élèves. Comment s’étonner des difficultés de certains élèves à l’entrée du collège quand les apprentissages n’ont pu être consolidés dès l’école élémentaire, voire maternelle, où les inégalités sont déjà très fortes et où précisément l’investissement dans le traitement de la difficulté scolaire devrait être massif ?
On lui rappellera également qu’en maintenant les effectifs enseignants – donc sans nouvelle dépense – les classes de nos écoles passeraient en moyenne de 22,4 élèves à 18,2 entre 2024 et 2034, ce qui transformerait profondément et positivement les conditions d’apprentissages de nos élèves.
Malheureusement comment ne pas imaginer que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois prévu par le gouvernement impactera lourdement l’Éducation nationale quand on sait que sur les 700 000 professeurs de l’enseignement public – soit 30 % de la fonction publique d’État – 330 000 d’entre eux partiront en retraite entre 2019 et 2030 selon une étude du ministère du Travail ?
On rappellera enfin au ministre que l’impact de l’allègement des effectifs sur les conditions de travail et la réussite des élèves est connu et que, comme l’indique une récente étude de l’Institut des Politiques Publiques , « le maintien des effectifs enseignants permettrait une réduction progressive de la taille des classes avec des bénéfices supérieurs au coût budgétaire à long terme ».
Plus concrètement encore, l’étude de l’IPP indique qu’en 2034, « chaque euro net économisé sur le budget de l’Éducation nationale se traduirait par une perte économique 9 fois supérieure. Et inversement pour le maintien des professeurs qui rapporterait 9 fois la mise ».
Monsieur le ministre de l’Éducation Geffray, au-delà de toutes les considérations budgétaires trop souvent placées sous le diktat de Bercy, vous vous trouvez devant un choix de société : si l’éducation à un coût, elle reste d’abord et avant tout un investissement dans l’avenir de notre pays car plus une nation est éduquée, plus sa place dans le monde est renforcée et considérée.
Alors Monsieur le ministre, faites le choix de la priorité à notre École, pour une jeunesse émancipée maîtresse de son destin grâce à l’éducation.
Ce choix, c’est maintenant.
Yannick Trigance
Secrétaire national PS éducation
Conseiller régional Ile-de-France














