L’auteur de Henri IV, le Roi libre, paru en 1999, Monsieur François Bayrou, Premier ministre en exercice depuis le 13 décembre 2024 semble rééditer la stratégie usitée par Nouste Enric au XVIe siècle dans sa conquête de Paris. Si les historiens débattent pour tenter de connaître le véritable auteur de cette célèbre phrase « Paris vaut bien une messe » qu’aurait prononcé le Vert galant, il est certain que son biographe le plus célèbre du XXe siècle s’en inspire beaucoup dans l’espoir de rester à Paris, et plus précisément rue de Varenne.
Matignon, quoi qu’il en coûte !
Aussitôt nommé, François Bayrou a, pour construire une coalition qui lui permette de rester Premier ministre, jouer la carte d’une discussion « sans tabou » (dixit le Premier ministre) au sujet de cette réforme sans pour autant la suspendre. Dès lors, ce texte dont les cicatrices n’ont pas été refermées au sein de l’échiquier politique et plus largement au sein de la société française (seulement 11 % des Français soutiennent la réforme des retraites telle qu’elle a été adoptée, source : sondage Elabe pour Bfm de septembre 2024), rejaillit et repolarise les tensions partisanes et syndicales. Adoptée aux forceps (par le biais d’un 49.3), la réforme des retraites redevient centrale dans les débats et sert de monnaie d’échanges dans la survie du gouvernement et plus largement du président de la République. Le calcul (politique) est donc simple. Et si faire une réforme de la réforme elle-même était le prix à payer pour stopper « la chienlit » (de Gaulle, 1968), l’exécutif in fine y trouverait certainement son compte. Cela pourrait être l’occasion de réviser une loi improvisée, diront certains, dont on sait d’ores et déjà qu’elle ne remplira pas efficacement ses objectifs économiques (déclaration du président du Conseil d’Orientation des Retraites le 6 janvier 2025). A coups sûrs, remettre à plat ce dossier épineux permettrait au Premier ministre de s’affranchir du pouvoir élyséen (le fameux Roi libre, sous-titre de la biographie d’Henri IV écrite par François Bayrou) en lui montrant, par son agilité, sa réussite d’avoir stabilisé le système politique et lui éviter le risque d’un chaos qui pourrait aller jusqu’à reposer la question d’une démission du président de la République.
« Le meilleur moyen de se défaire d’un ennemi, c’est d’en faire un ami »
Dès lors, il s’agit pour le Premier ministre de manœuvrer, ce qui n’est pas pour lui déplaire, à l’image du Bon Roi Henri auteur de cette autre phrase malicieuse : « le meilleur moyen de se défaire d’un ennemi, c’est d’en faire un ami » … et si c’était en ce début d’année 2025 en la personne d’Olivier Faure ? La recherche des compromis devient la seule solution pour rester à la tête de Matignon. La clé de la stabilité gouvernementale a été identifiée par un schisme au sein du Nouveau Front populaire. Le ministre des Finances, Eric Lombard, a pour mission en négociant avec son ami intime, le Premier secrétaire du Parti socialiste, de fracturer son unité née des législatives de juin dernier. Et cela semble fonctionner. Les réactions du leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon sont acides (« forfaiture », « servilité ») envers son ancien allié, tandis que le néo-député, François Hollande, chantre de la sociale démocratie semble plus positif et ouvert à une non-censure gouvernementale en estimant que le gouvernement pourrait tenir jusqu’en 2027.
Faire du « en même temps »
La ligne de crête est étroite et le pyrénéen François Bayrou le sait bien. En nommant numéro deux de son gouvernement, ministre d’Etat, l’ancienne locataire de Matignon, Elisabeth Borne, il a d’un côté, en main, la représentante de celle qui a imposé par la force, la réforme des retraites souhaitée ardemment par Emmanuel Macron. De l’autre, les appels du pied au Parti socialiste orchestrés par son ministre de l’Economie et des Finances, ancien conseiller auprès de l’ancien ministre socialiste des Finances, Michel Sapin, tentent d’en faire un partenaire… au grand dam du Parti républicain… et là encore, ça ne doit pas déplaire du côté de Matignon.
La messe est dite ?
La bataille est rude et le sera mardi dans l’hémicycle, jour de la déclaration de politique générale du Premier ministre devant l’Assemblée nationale. Comme annoncé, La France insoumise déposera dans la foulée une motion de censure et chacun des 577 députés prendra sa responsabilité. Vraisemblablement, la rupture du Nouveau Front populaire sera actée, le Rassemblement national, pas mécontent d’assister au projet d’une révision d’une réforme qu’il a toujours combattue, gardera son rôle d’arbitre, et l’épreuve du feu parlementaire aura été surmontée, du moins pour cette fois-ci…
Dr Frédéric Dosquet
Professeur éklore-ed School of Management (ex-Esc-Pau), auteur de Marketing et communication politique, Ems
Dr Bertrand Augé
Professeur éklore-ed School of Management (ex Esc-Pau), directeur des programmes de doctorat Dba
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