Le conclave sur les retraites devrait rendre ses conclusions d’ici quelques jours désormais. Le sujet de la retraite par capitalisation gagnerait à y figurer. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que c’est le seul moyen de sauver la retraite par répartition que l’évolution démographique va fragiliser dans les prochaines années, compte tenu de la forte baisse attendue du taux de remplacement qui sera proposé aux retraités.
La capitalisation n’a pas donc vocation à remplacer la répartition mais à la compléter à hauteur d’ un tiers des pensions versées, si l’on suit les préconisations faites par Bertrand Martinot[1] dans deux études éclairantes produites récemment pour la Fondapol.
La montée en puissance d’une retraite par capitalisation s’étalera sur des décennies, raison de plus pour éviter de procrastiner et d’avoir le courage d’initier le mouvement. Ce serait donner un signal fort que notre société agit réellement dans le sens de la solidarité intergénérationnelle. Il y a urgence à ne pas enfanter des générations de futurs pauvres. Il sera alors trop tard.
La retraite par capitalisation n’est pas non plus le diable car elle peut et doit profiter à tous.
Ce n’est pas un PER déguisé dont seules les catégories aisées pourraient bénéficier qu’il faut mettre en place. Elle doit en effet être obligatoire et non optionnelle, être alimentée par un fonds de capitalisation souverain, et permettre à ceux qui n’ont pas les moyens d’épargner de se constituer un capital pour leurs vieux jours.
Certains agitent le spectre de la faillite des fonds de pension. C’est méconnaître que la capitalisation est la solution économique la plus profitable, car à l’horizon de la fin de ce siècle, tout porte à affirmer que le taux de rendement du capital sera très sensiblement supérieur au taux de croissance de l’économie, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore.
La mise en place d’un régime par capitalisation présente un autre avantage. Elle permettrait de faire baisser les charges qui pèsent sur les salaires, de manière beaucoup plus pertinente que les supputations actuelles sur la TVA sociale. Bertrand Martinot estime que la baisse des cotisations résultant de la mise en place d’un régime par capitalisation pourrait être à terme de 7 points, soit l’équivalent de 50 milliards d’euros. Cette perspective rendrait du pouvoir d’achat aux salariés, comme beaucoup le recommandent aujourd’hui.
Il y a évidemment un prérequis au succès collectif de cette évolution, c’est bien entendu que le régime actuel par répartition soit assaini. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la nécessité de désindexer les retraites actuelles de l’inflation. Il ne s’agit pas de punir les retraités mais de leur demander une contribution au service des générations futures. Il y a également d’autres ajustements à prévoir que je ne détaillerai pas ici.
Enfin il ne faut pas sous-estimer que la transformation du système des retraites pourrait faire des gagnants et des perdants, ces derniers étant ceux qui devront cotiser en plus pour le régime par capitalisation sans voir le niveau de leur pension future modifié.
Là encore, il pourrait être demandé un effort aux retraités d’aujourd’hui à travers la suppression de l‘abattement de 10% sur les frais professionnels, à condition que l’Etat affecte le produit de cette économie au fonds de capitalisation afin de favoriser une baisse des cotisations retraite exigibles. D’autres pistes existent pour gérer au mieux cette transition et faire en sorte que le taux de cotisation ne soit jamais supérieur au taux de cotisation actuel, soit 28%.
Enfin, dernier avantage, le fonds de capitalisation mis en place apporterait une solution au besoin d’épargne du pays nécessaire au financement de l’économie et au développement des entreprises.
Il est donc temps que l’aveuglement collectif sur le sujet des retraites prenne fin si l’on veut remettre la France sur de bons rails.
Daniel Keller
Ancien membre du Conseil économique, social et environnemental
[1] Bertrand Martinot est économiste, expert du marché du travail pour l’Institut Montaigne.