De Villiers a lancé une pétition pour demander un référendum sur l’immigration. Celle-ci a recueilli plus d’un million et demi de signatures. Ce n’est pas négligeable et c’est même révélateur.
Mais au-delà des problèmes posés, non pas par l’immigration (contrairement à ce qu’a déclaré M. Retailleau) mais par l’immigration illégale, le référendum n’a pas sa place dans un tel débat. Notamment en l’état actuel de notre droit constitutionnel. Comme Mme Le Pen et d’autres, le fondateur du Puy du Fou fait fausse route.
Il faut donc rappeler ici les règles qui démontreront que la démarche de M. De Villiers est juridiquement sans fondement. Elle relève d’une pure démagogie comme la mettent trop souvent en œuvre et par facilité, les représentants de la droite nationaliste.
Une fois n’est pas coutume, il faut en revenir au texte de la Constitution du 4 octobre 1958. En l’espèce il s’agit de l’article 11 en son al 1:
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions (…) ».
Qu’est-ce qu’il est important de noter ici ? C’est le domaine du référendum. Il est clair, net et précis : organisation des pouvoirs publics, réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Dans quel secteur pourrait s’inscrire un texte sur l’immigration ? En l’état actuel, aucun. Si l’on s’en réfère à la défintion donnée par la Commission Européenne l’immigration désigne le nombre d’immigrants dans une zone géographique donnée pendant une année donnée.
Un émigrant est une personne qui quitte son pays de résidence habituelle pour s’établir effectivement dans un autre pays. Un immigrant est une personne qui vient ou revient de l’étranger pour établir sa résidence dans un pays donné pendant un certain temps, après avoir eu précédemment sa résidence habituelle dans un autre pays. (https://ec.europa.eu).
De tous temps il y a eu des mouvements migratoires de par le monde. Une très grande partie des pays se sont d’ailleurs construits ainsi. La plupart d’entre eux ont à gérer soit une immigration légale et qu’il leur revient de maitriser, soit une immigration illégale qui, comme l’UE sans frontière, n’est plus vraiment gérable. Et l’on sait depuis un certain temps, notamment une déclaration d’E. Macron lui-même le 26 octobre 2022 que : « Quand on regarde aujourd’hui la délinquance à Paris. On ne peut pas ne pas voir que la moitié, au moins, des faits de délinquance qu’on observe viennent de personnes qui sont des étrangers soit en situation irrégulière, soit en attente de titre, en tout cas dans des situations très fragiles. » (https://www.radiofrance.fr).
Depuis quelques décennies l’état de la délinquance en France parle de lui-même pour rendre stupides ou malhonnêtes ceux qui diraient le contraire. Il existe bel et bien un lien de plus en plus fort entre immigration illégale et délinquance voire criminalité. Incontestablement les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’insécurité et l’immigration sont devenues aujourd’hui indissociables.
La semaine dernière, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez (macroniste s’il en est), a dévoilé des données alarmantes : 36 % des mis en cause dans l’agglomération parisienne sont de nationalité étrangère (déclaration du 16/2/2025). Sur l’ensemble du territoire, les étrangers (environ 8 % de la population) sont impliqués dans près de 20 % des actes de délinquance (https://www.lejdd.fr). Tant que ces réalités seront niées ou minimisées, les politiques de lutte contre l’insécurité resteront inefficaces. Le problème devenu crucial des OQTF en est la plus terrible illustration.
Imaginons que dans le monde hors-sol (ou puyfolais !) de M. de Villiers on fasse un référendum sur l’immigration. La question serait, à n’en point douter, êtes-vous pour ou contre l’immigration ? Ou bien faut-il mettre fin à l’immigration ? On imagine aisément que le oui l’emporterait à une quasi- unanimité. Que ferait-on alors ? On renverrait tous les immigrés chez eux ou bien seulement les délinquants ? Plus facile à dire qu’à faire.
Restons dans le monde réel du droit. Lorsque l’on lit l’art. 11 al 1, comme le font des générations d’étudiants des facultés de droit depuis des décennies (moins les hommes politiques visiblement), on s’aperçoit que le référendum n’est possible que sur les domaines que l’on a cité plus haut. En aucune manière l’immigration ne s’inscrit dans l’un d’eux. Pour mieux s’en convaincre, regardons les neuf référendums qui ont eu lieu depuis 1958 :
8 janvier 1961 : Autodétermination de l’Algérie
8 avril 1962 : Accords d’Evian sur l’indépendance de l’Algérie
28 octobre 1962 : Election du président de la République au suffrage universel direct
27 avril 1969 : Réforme du Sénat et régionalisation
23 avril 1972 : Elargissement de la Communauté économique européenne
6 novembre 1988 : Statut de la Nouvelle Calédonie
20 septembre 1992 : Ratification du traité de Maastricht sur l’Union européenne
24 septembre 2000 : Quinquennat
29 mai 2005 : Ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe
Ils cadrent tous parfaitement avec le champ du référendum. De toute évidence l’immigration est exclue en tant que telle de celui-ci. Et le Conseil Constitutionnel qui a son mot à dire en l’espèce retoquerait tout référendum inopportun (art. 11- 4).
Il n’existe qu’une solution viable pour réaliser le rêve villieriste. Modifier le domaine de l’article 11. C’est-à-dire concrètement faire une révision constitutionnelle de ce dernier. C’est ce que Mitterrand voulut faire en 1984, en proposant d’élargir les conditions d’organisation d’un référendum pour l’étendre aux libertés publiques. C’était un leurre car il voulait en vérité faire adopter le projet de loi Savary qui visait à intégrer les écoles privées dans «un grand service public de l’Education». Des millions de gens dans la rue le dissuadèrent rapidement et il retira le texte. Et l’idée de référendum avec.
De son côté, en Novembre 2023 Emmanuel Macron a écrit aux différents chefs des partis politiques pour les convier à une nouvelle réunion (suite aux inutiles Rencontres de St Denis) afin de leur proposer d’élargir le champ du référendum aux « questions de société » (essentiellement fin de vie et questions migratoires). Sa proposition ne connut aucune suite.
En l’état actuel de notre constitution, il ne peut absolument y avoir de référendum sur l’immigration. Et nous sommes certains que, même si les problèmes migratoires inquiètent nos concitoyens notamment via l’insécurité, une révision constitutionnelle de l’art. 11 n’est pas du tout dans l’ordre de leurs priorités.
Donc, et même si sa pétition a receuilli un vif succès, on ne résiste pas à l’envie de renchérir sur de Gaulle en disant à M. de Villiers : «Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant référendum, référendum, référendum !…. mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien».
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public
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