Les 3 et 4 avril derniers, l’ancienne ville de Samarcande a accueilli un événement historique : le tout premier Sommet entre l’Union européenne et l’Asie centrale. Si de tels sommets de haut niveau sont souvent perçus à travers le prisme des protocoles diplomatiques, des enjeux géopolitiques et des déclarations formelles, celui-ci s’est distingué par ses résultats concrets et centrés sur les citoyens. Il a réaffirmé le partenariat stratégique entre l’UE et l’Asie centrale, tout en jetant les bases de changements profonds dans la vie quotidienne des populations de la région.
L’un des faits les plus marquants fut l’annonce par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, d’un paquet d’investissements stratégiques de 12 milliards d’euros dans le cadre de l’initiative Global Gateway de l’UE. Ces investissements ciblent des domaines clés : infrastructures durables, énergies renouvelables, connectivité numérique et accès aux matières premières essentielles. Les résultats attendus ? Des milliers d’emplois dans la construction, la logistique, les technologies de l’information et les télécommunications, ainsi qu’une meilleure intégration des systèmes régionaux d’énergie et de transport.
C’est un tournant. Ces projets n’apporteront pas seulement des bénéfices macroéconomiques — ils amélioreront concrètement le quotidien : des transports modernisés, un accès plus fiable à l’énergie, des services numériques élargis et des infrastructures urbaines et rurales renouvelées. Pour les peuples d’Asie centrale, cela signifie une amélioration tangible de leur qualité de vie.
Les accords commerciaux et d’investissements signés lors du sommet ont également été essentiels, notamment ceux qui renforcent le potentiel d’exportation des produits locaux vers les marchés européens. Le soutien de l’UE à l’harmonisation des normes techniques et des procédures de certification permettra aux fabricants d’Asie centrale — y compris ceux d’Ouzbékistan — de répondre plus efficacement et plus compétitivement aux standards internationaux.
Le renforcement des capacités de production et la facilitation du commerce international dynamiseront l’entrepreneuriat local, créeront de l’emploi et augmenteront les revenus des ménages. Cette synergie entre croissance économique et stabilité sociale incarne une vision de développement inclusif et partagé.
Les avancées dans le domaine de l’éducation ont été tout aussi déterminantes. L’extension des quotas du programme Erasmus+ permettra à des centaines d’étudiants d’Asie centrale de poursuivre chaque année leurs études dans des universités européennes. La proposition d’établir un bureau régional du programme Horizon Europe en Ouzbékistan ouvre quant à elle la voie à des coopérations scientifiques dans des domaines comme l’intelligence artificielle, le big data ou encore les technologies spatiales.
La coopération en matière d’éducation et de recherche n’est pas qu’un levier de modernisation — c’est un investissement stratégique dans le leadership futur et l’innovation. Elle permet à la jeunesse d’acquérir les compétences nécessaires pour réussir sur un marché mondial tout en contribuant à la réforme et au renforcement des institutions nationales.
Concernant la transition verte, l’objectif de l’Ouzbékistan de porter à 54 % la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030 a été soutenu par des actions concrètes avec l’UE : développement de projets solaires et éoliens, création de plateformes d’investissements verts et alignement des politiques climatiques, incluant le lancement d’un marché régional du crédit carbone.
Ces initiatives ont un impact direct sur la santé publique et l’environnement, en favorisant un air plus propre, une meilleure résilience climatique et des conditions de vie durables. Elles traduisent aussi la conscience partagée que la croissance économique à long terme doit aller de pair avec la responsabilité écologique.
Un autre point phare du sommet fut l’engagement en faveur du développement du Corridor de transport transcaspien, un axe commercial est-ouest vital reliant l’Asie centrale à l’Europe. L’UE a réitéré son intention d’investir 10 milliards d’euros dans ce corridor, afin d’améliorer la connectivité, de réduire les coûts commerciaux et de créer de nouvelles opportunités pour les exportateurs régionaux.
Des infrastructures logistiques renforcées profitent aux producteurs, rassurent les investisseurs, dynamisent les écosystèmes d’affaires régionaux et facilitent les échanges humains. Ce réseau ne se limite pas à une structure de transport — c’est un vecteur d’intégration et de coopération rapprochant les sociétés.
Les dimensions humaine et culturelle du partenariat n’ont pas été négligées. Une initiative visant à organiser un Forum du tourisme Asie centrale–UE à Boukhara en 2025 a été proposée, ainsi que la création d’un visa régional unifié dans le cadre du concept « Un Tour – Une Région ». Ces actions visent à stimuler les flux touristiques, soutenir le secteur des services et renforcer les liens interculturels.
La coopération en matière de sécurité a également occupé une place centrale. Dans un contexte mondial de menaces hybrides croissantes, le sommet a abordé des domaines clés : sécurité des frontières, lutte contre le terrorisme, résilience face aux cyberattaques, et lutte contre les trafics illicites. L’élargissement de programmes comme BOMCA (Programme de gestion des frontières en Asie centrale) contribuera à renforcer la stabilité et la résilience régionales.
Par ailleurs, un accent renouvelé a été mis sur les droits humains, l’égalité des genres, la liberté des médias et le développement de la société civile. Ces principes fondamentaux témoignent de valeurs partagées et d’un engagement commun en faveur de sociétés démocratiques et inclusives. Ils constituent le socle de la confiance et de partenariats durables.
Comme l’a souligné le président Shavkat Mirziyoyev, la sécurité régionale demeure une priorité absolue. Le soutien de l’UE aux réformes institutionnelles, aux libertés civiles et à la gouvernance ouverte complète la trajectoire de développement de l’Asie centrale.
En conclusion, le Sommet de Samarcande n’a pas été qu’un succès diplomatique — il marque un jalon stratégique porteur de transformations concrètes pour les deux régions. Son héritage résidera dans la mise en œuvre de ses décisions : des investissements générateurs d’emplois, des échanges éducatifs porteurs de compétences, des partenariats énergétiques durables, et des réformes promouvant la dignité humaine et l’égalité des chances.
À l’heure où l’ordre mondial est confronté à l’incertitude et à la fragmentation, le partenariat entre l’UE et l’Asie centrale offre un modèle de coopération constructive et tournée vers l’avenir. La suite des événements — la traduction de cette vision en réalité — déterminera la portée réelle de ces avancées dans la vie quotidienne de millions de personnes.
Eldor Tulyakov
Directeur exécutif du Centre de la Stratégie de Développement (Ouzbékistan)