Dans la recherche d’activités taxables, une partie des législateurs a proposé dans un amendement à la loi de finance en cours de discussion visant à créer une taxe sur l’utilisation des animaux dans les laboratoires de recherche. Une telle proposition met en évidence la profonde méconnaissance de la part de ses promoteurs de la vie scientifique de notre pays. Les chercheurs n’ont recours à des animaux qu’après avoir effectué toutes les études préliminaires sur des systèmes cellulaires, des organoïdes ou des modélisations théoriques. Toutes les demandes d’expériences sont motivées et examinées par des comités d’éthique dont l’accord est incontournable.
Le rapport du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche publié en 2024 indique que les souris comptent pour 66 %, les rats 8 %, les lapins 9 % et les poissons 9 %, soit 92 % du total des animaux utilisés. De fait, 67 % des utilisations résultent de contraintes réglementaires établies par les autorités de notre pays et/ou de l’Europe sous le regard des législateurs. Les 33 % restants sont liés à des impératifs de recherche fondamentale.
Il est étonnant que cet amendement ait été écrit avec l’aide d’une association, comme cela est indiqué dans le texte même, et semble-t-il sans consultation des chercheurs des universités ou établissements de recherche (CNRS, Inserm, INRAE…).
La parole des scientifiques est-elle démonétisée à ce point qu’une seule association pèse plus que la communauté des chercheurs ? Ces derniers sont-ils des individus irresponsables dont les activités sont seulement vouées à être taxables ?
Pour rappel, la qualification d’un candidat-médicament avant les essais cliniques chez les premiers patients exige une validation de l’activité pharmacologique et des limites toxicologiques résultant d’études chez l’animal. Ceci n’est pas nouveau, c’est un passage obligé mis en place après le procès des médecins nazis après la Seconde Guerre mondiale. Il en est ressorti une liste d’obligations, dites « code de Nuremberg », stipulant que les essais chez les humains doivent être précédés d’études pertinentes chez l’animal.
N’oublions pas que le premier pays européen à avoir proscrit l’utilisation des animaux dans les laboratoires est l’Allemagne, avec un texte de loi signé par Hermann Goering en novembre 1933. Cette loi n’a pas transformé l’Allemagne nazie en paradis pour les animaux, et encore moins pour les humains.
Bannir toute utilisation d’animaux dans la recherche de nouveaux médicaments est un déni de l’éthique médicale. Quel médecin oserait donner à un patient un nouveau traitement qui n’aurait jamais été évalué chez l’animal ? L’opinion publique n’aime pas l’utilisation d’animaux dans les laboratoires. Soit, mais a-t-on posé dans un sondage la question suivante : « Seriez-vous d’accord pour que l’on vous prescrive un nouveau traitement qui n’aurait pas été validé chez l’animal ? » Accepteriez-vous d’être un cobaye ? Il serait surprenant que la réponse à ces questions soit largement positive. Ce débat sensible mérite mieux qu’une approche strictement émotionnelle. Les auteurs de ces amendements devraient se rendre dans les laboratoires de recherche et échanger avec les chercheurs à propos de l’expérimentation animale. La recherche française souffre déjà de nombreux handicaps sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter. Évitons de jeter l’opprobre sur les chercheurs et un domaine d’activité qui mérite une approche rationnelle, loin de l’agitation démagogique qui dégrade le débat public dans notre pays.
Bernard Meunier
(membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie nationale de pharmacie)
Le 19 novembre 2024