La volte-face de la Commission européenne qui renonce à l’objectif de 2035 pour interdire les voitures thermiques et passer au tout-électrique illustre, hélas, une nouvelle fois, les conséquences désastreuses des décisions politiques insuffisamment préparées.
Ainsi, Ursula von der Leyen et la Commission européenne qu’elle préside viennent d’enterrer la mesure phare du Green Deal européen acté en 2019, celle d’interdire la vente de voitures thermiques neuves après 2035. Officiellement, il ne s’agit que d’un aménagement. En réalité, c’est la fin, pour un bon moment, du 100 % voiture électrique. Arrière toute ! N’en déplaise à l’eurodéputé Renew Pascal Canfin, ex-membre d’Europe-Ecologie-Les Verts, initiateur du Pacte vert, qui défendait encore cet objectif dans une tribune au Monde il y a trois semaines.
Autant dire que ce revirement vaut reconnaissance, tardive, d’une erreur d’appréciation et de vision dans la décision originelle et condamne de fait une méthode trop radicale. Lorsqu’en 2022, la Commission européenne tranche en faveur du tout électrique automobile, le climat politique est écolo-compatible. Trois ans auparavant, les élections européennes s’étaient jouées sur le climat et la transition énergétique et l’Union européenne et la France, qui avait organisé une convention citoyenne sur le climat, y avaient vu l’occasion de proposer un projet fédérateur aux citoyens européens. Malgré quelques propositions alternatives, comme celle d’accélérer le renouvellement du parc de voitures en circulation, la commission de Bruxelles a opté pour un choix radical, assorti de sanctions financières pour les constructeurs qui ne respecteraient pas la règle. Le tout, sans étude d’impact, sans étude marché, sans se demander si les particuliers avaient les moyens de s’offrir des véhicules alors estimés à plus de 30 000 euros… Une pure folie. Tout juste, avait-on consenti à prévoir une clause de revoyure en 2028, proposée par Thierry Breton, alors commissaire européen. Au cas où…
Sage précaution, mais presque trop optimiste : la clause de revoyure intervient en fait avec trois ans d’avance. La guerre en Ukraine a en effet tout changé : explosion des coûts de production industriels, baisse du pouvoir d’achat des particuliers, baisse de la consommation… Les experts du marché automobile constatent tous une faible appétence pour la voiture électrique (17 % des immatriculations en Europe contre 25 % espérées), notamment en raison de la durée d’autonomie des véhicules et de la baisse des aides publiques à l’achat. Résultat : en France, 40 000 emplois industriels supprimés chez les constructeurs automobile, les équipementiers, et autres métallurgistes, 50 000 en Allemagne. D’où la pression mise depuis des mois par les industriels du secteur sur la Commission européenne.
Il aura donc fallu une catastrophe industrielle et sociale pour que la raison finisse par l’emporter. Cette affaire illustre une fois de plus les conséquences désastreuses des décisions mal préparées. On l’avait déjà constaté, avec le mouvement des Gilets jaunes, lorsque le Premier ministre Edouard Philippe avait décidé de limiter la vitesse à 80 km/heure sur les routes départementales, sans se préoccuper en amont des réactions dans le monde rural. Ou encore à propos des fermetures des services publics dans les petites villes et les villages. Il aura fallu attendre que les sondages démontrent le sentiment d’abandon de la population, attendre de constater la progression croissante du vote en faveur du Rassemblement national pour que le gouvernement réagisse et ouvre des maisons France Service. Et on pourrait aussi citer l’instauration dans les grandes villes de ZFE (zones à faible émission), finalement interrompue. Devenues un symbole de discrimination, ces zones ont engendré le mouvement des Gueux qui n’est pas sans rappeler celui des Gilets jaunes.
La leçon est claire. A ignorer les effets sociaux des réformes et le seuil d’acceptabilité des populations, le pouvoir politique prend toujours le risque de mettre l’économie en péril. A rebours de son objectif initial.
Carole Barjon
Editorialiste politique












