Au long de ces dernières semaines, les régimes totalitaires ont à nouveau fait la démonstration qu’ils ne peuvent que s’enfoncer davantage dans la dictature. C’est une spirale infernale dont ils ne peuvent ni ne veulent sortir.
Le régime poutinien comme le régime communiste chinois en témoignent quotidiennement tout comme, à plus petite échelle, le régime militaire birman, la dictature de Loukachenko en Biélorussie, mais aussi l’Iran, le Viet-Nam ou les régimes autocratiques d’Asie centrale. Partout on constate la même instrumentalisation de la justice au service des dirigeants, le même acharnement à faire disparaître le moindre signe de liberté pour les populations, la même réécriture de l’histoire, le même développement du culte de la personnalité.
Dans son obsession de reconstituer l’empire russe puis soviétique, Vladimir Poutine veut escamoter les tragédies dont ils furent porteurs en modifiant les réalités historiques. Après avoir détruit toute opposition, il veut empêcher les travaux documentaires en faisant interdire par une justice aux ordres l’association Mémoriel, qui rassemblait les archives des goulags staliniens et de leurs millions de victimes. La modification de l’histoire est l’une des grandes caractéristiques des régimes dictatoriaux, au service des projets mégalomaniaques de leurs dirigeants. Toute critique et toute opposition sont immédiatement qualifiées de traîtres à la cause nationale, à la solde de puissances étrangères, faisant obstacle à la reconstitution de l’empire qui est engagée tant en direction de l’ouest (Ukraine, Moldavie, Biélorussie) qu’en direction de l’Est (Kazakhstan, Tadjikistan…).
Quant au régime communiste chinois, il finit d’écraser le mouvement de liberté hongkongais, après avoir écrasé les tibétains puis les ouïghours et avant de s’attaquer à la démocratie taïwanaise. Le renforcement permanent du contrôle social, le blocage de toute parole libre sur quelque sujet que ce soit, l’arbitraire total des privations de liberté et jusqu’à la mise en scène d’humiliations publiques, sont les manifestations toujours plus nettes d’une dictature de plus en plus systématique.
Les oligarchies qui dirigent chacun de ces deux grands pays qu’elles exploitent à leur profit, ne peuvent imaginer de voir leur pouvoir absolu remis en cause.
Par un discours nationaliste identitaire exacerbé, elles détournent les tensions internes de leurs sociétés vers une agressivité externe dont on voit les manifestations partout à travers le monde. L’affichage militaire est permanent, accompagné d’un grignotage par tous les canaux d’agression et d’influence possibles.
On retrouve le même type de processus dans des régimes dictatoriaux de plus petite envergure comme les régimes communistes cubains ou vietnamiens, qui détruisent toute velléité d’expression libre de leurs populations, ou le régime militaire birman qui n’hésite pas à massacrer ses citoyens pour maintenir sa caste au pouvoir.
Les émeutes qui ont secoué le Kazakhstan ces jours derniers viennent mettre le projecteur sur une zone géographique particulièrement opaque, celle des cinq républiques d’Asie centrale ex-soviétique enfermées dans des dictatures où s’exacerbe le culte de la personnalité depuis l’éclatement de l’URSS. Soumis aux pressions contradictoires du renouveau de l’Islam après la longue glaciation soviétique et aux jeux d’influences de tous leurs voisins, Iran, Turquie, mais surtout Russie et Chine, cet espace géographique est l’une des grandes zones de fragilité et d’affrontements potentiels de l’avenir.
Tous ces exemples montrent à l’évidence l’ampleur de la vague totalitaire qui déferle partout sur la planète. Elle affiche la volonté de puissance des oligarchies qui dirigent chacun de ces Etats. Elles veulent imposer leur modèle totalitaire, leur puissance et leur suzeraineté à un maximum de territoires en affichant le plus profond mépris pour les valeurs de la démocratie libérale et les pays qui les défendent.
L’ultimatum lancé à l’occident par la Russie poutinienne, tout comme les menaces renouvelées contre la démocratie taïwanaise et les multiples actions chinoises à travers le monde, sont tout à fait révélateurs de cette volonté agressive.
Face à cette situation et à l’alliance de plus en plus évidente des régimes totalitaires, les démocraties doivent faire front. Et on mesure tous les jours leur faiblesse et leur difficulté à prendre conscience de l’ampleur de la menace. L’absence de l’Europe est à cet égard, dramatique. Comment peut-on imaginer qu’un débat sur la situation de l’Ukraine et la sécurité de l’Europe face à l’expansionnisme russe se tienne entre le président des Etats-Unis d’Amérique et le dictateur russe sans la présence d’un européen ? Où est le président(e) de l’Europe ? Ni le président français, ni le chancelier allemand, ni le premier ministre britannique ne sont présents ! Quelle meilleure image de notre faiblesse et de notre incurie ! Il nous faut à l’évidence de toute urgence un président de l’Europe capable de défendre nos intérêts et nos valeurs à la table des dirigeants du monde et une force militaire capable de soutenir nos positions si nécessaire. C’est le sujet majeur de notre débat politique. Sans cela nous serons emportés par la déferlante totalitaire qui fera disparaître le système de liberté qui a été bâti depuis deux siècles et qui est le seul capable de répondre aux défis planétaires que nous devons affronter.
Jean-François Cervel