Les dirigeants américains ont, vis-à -vis du conflit ukrainien, une approche beaucoup moins apocalyptique que celle qui est répandue en Europe occidentale.
Américains et Russes
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et davantage après leur intervention durant la Guerre de Corée, les Américains n’ont cessé de percevoir le territoire eurasien comme un terrain d’activité. Aucune question crédible ne pourrait être posée à propos du degré de puissance militaire des Etats-Unis.
Avec un budget de défense équivalant à environ 40 % des sommes qui sont mondialement dépensées en la matière, il apparaît évident que les Américains n’ont rien perdu de leur soft power militaire.
En réalité, l’attitude qui est adoptée aujourd’hui par les Etats-Unis à l’égard de la Russie, ne diffère pas beaucoup de celle qui était manifestée à l’époque de l’Union soviétique. Les présidents américains et leurs plus proches conseillers, durant la période de la Guerre froide, se sont probablement délectés à observer leurs rivaux soviétiques investir des sommes considérables dans une armée qui ne sera finalement jamais parvenue à déstabiliser sérieusement les Etats-Unis.
Encore aujourd’hui, et par tradition, les Américains investissent dans une armée de métier, alors que les Russes, à l’instar hier des Soviétiques, disposent d’une armée qui est constituée de beaucoup de soldats appelés, dont les conditions d’exercice sont propices à la dissidence. Les dépenses pour l’armement ont toujours été plus profitables outre-Atlantique qu’en terre slave. L’URSS a probablement partiellement corrompu son économie en investissant trop massivement dans son armée ; aucun doute que, quelle que soit l’issue du conflit actuel, la Russie sortira fragilisée par les investissements militaires qu’elle mène.
Seulement deux issue envisageables
Volodymyr Zelensky, que j’ai rencontré en septembre dernier, m’avait confié son positionnement assez clairement : “Nous avons besoin de soutien militaire. Que ceux qui sont prêts à nous aider, le fassent”. Effectivement, son pays étant agressé par la Russie, Volodymyr Zelensky à parfaitement raison de réclamer aux pays occidentaux d’aider l’Ukraine à résister. Il faut souligner ici que, pour l’Ukraine, il s’agit à ce stade d’une victoire ; alors qu’en février 2022, Vladimir Poutine semblait estimer être en mesure d’imposer ses volontés en un temps restreint, la situation à changé, et aujourd’hui, le sort de la souveraineté de l’Ukraine paraît être définitivement tranché en la faveur de Kiev.
Il serait déraisonné de contribuer à provoquer l’éclatement d’une guerre nucléaire. Par conséquent, seulement deux positionnements me paraissent pouvoir être adoptés de façon cohérente par l’Occident et l’Ukraine, qui, ces derniers, bien que l’Ukraine ne fasse pas encore partie de l’OTAN, constituent un bloc face à la Russie. La première attitude se résumerait à parier que Moscou ne recourra pas à l’usage d’une arme qui a toujours été considérée comme étant de dissuasion – et non d’emploi –, et que la Russie sortira perdante par épuisement militaire et économique, ou par une fin prématurée du règne de Vladimir Poutine.
L’autre positionnement consisterait à entamer des discussions, dont les principaux sujets seraient la base navale de Sébastopol ainsi que la vocation moderne de l’OTAN.
Dans les deux cas, l’Ukraine sera libre. L’interrogation se porte plutôt aujourd’hui sur une Russie, dont il est difficile d’imaginer la place, au sortir de la guerre, dans le paysage mondial.
Tom Benoit
Philosophe, essayiste
Directeur de la rédaction de Géostratégie magazine