Il faut financer France travail. En substituant la CSG à la cotisation salariée à l’assurance chômage l’État défendait le pouvoir d’achat et levait le dernier obstacle pour faire de l’indemnisation du chômage une des variables d‘ajustement budgétaire.
Le retour au plein emploi, le combat contre le chômage structurel n’est plus une question de politique économique mais un sujet d’intervention comptable de l’État employeur : il va falloir des effectifs supplémentaires pour France travail et le retour à meilleure fortune des comptes de l’Unédic tombe à pic. On le dit, on le répète l’action publique est réduite à un « dépenser c’est agir » et agir c’est augmenter les effectifs publics. En substituant la CSG à la cotisation salariée à l’assurance chômage l’État défendait le pouvoir d’achat mais levait ainsi le dernier obstacle qui freinait son ambition de faire de l’indemnisation du chômage une des variables d‘ajustement budgétaire pour… la maîtrise de la trajectoire des finances publiques qui passe, invariablement, par toujours plus de dépenses, et donc de recettes publiques et de dette souveraine, et encore jamais par des économies.
Le résultat aujourd’hui obtenu sur le front du chômage en est l’illustration : jamais le nombre des emplois « subventionnés » n’a été aussi élevé. L’effet ciseau joue à plein, les comptes de l’Unédic reviennent « au vert » ! Voilà la cagnotte qui va permettre de financer les effectifs supplémentaires de France travail. La logique est imparable : le niveau de chômage structurel n’a qu’une cause, l’insuffisance des effectifs d’un établissement public pour accompagner ceux qui en ont le plus besoin au retour à l’emploi. CQFD. « Faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin », ambition de France travail après avoir été celle de Pôle emploi, c’est d’abord faire plus pour… France travail.
Si l’on veut voir une incitation économique dans les dernières réformes de l’assurance chômage il y en a une évidente : l’incitation à « piquer dans la caisse ».
Il faut dire que le financement via la CSG donne à l’État cette légitimité. Finançant ainsi France travail, l’État pourra baisser encore le niveau du financement qu’il apporte aujourd’hui à Pôle emploi.
Une autre politique d’incitation n’était-elle pas possible ? Baisser le taux de CSG et celui du niveau de la contribution employeur n’aurait-il pas eu un effet sur le pouvoir d’achat et sur le coût du travail ? Le réflexe budgétaire et comptable l’emporte sur l’Économie. Un pas de plus se fait dans l’économie administrée, et l’on oublie que la dette de l’Unédic doit, d’abord être remboursée, et l’on oublie aussi les recommandations, maintes fois faites, de constituer un fonds de réserve, et l’on oublie la sur-élasticité du modèle à la conjoncture économique. Les excédents de l’Unédic : la soupe est trop bonne, elle doit être mangée chaude !
Le combat est d’arrière garde car l’Assurance chômage est devenue un système de solidarité et donc à la main de l’exécutif. Les partenaires sociaux n’ont plus beaucoup de raison d’être gestionnaires du système. Les discussions sur la gouvernance de l’Unédic, promises et non encore ouvertes, mais à la réflexion dans les cabinets et Administration du… travail, trouvent là un sujet de choix : l’augmentation de la contribution de l’Unédic au budget du futur France travail (Olivier Dussopt, in Les Echos).
Les partenaires sociaux mettront-ils à l’ordre du jour de ces discussions qu’il est temps de purger les comptes de l’Unédic des charges financières qui ne sont pas, et n’ont jamais été, de l’indemnisation du chômage.
Ce serait se redonner une raison d’être : s’emparer paritairement de la question du coût du travail (et, subsidiairement, mettre à l’évidence que le champ strict de l’indemnisation est structurellement excédentaire et que le déficit de l’Unédic a toujours été une conséquence des charges autres que l’État, les partenaires sociaux consentants, a fait financer par l’Unédic). Ce tour de passe-passe budgétaire pèse sur le coût du travail et incite à subventionner l’emploi trop coûteux. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué nous disaient les Shadocks. Pourquoi taxer quand on peut inciter ? La même réponse à ces deux questions : notre préférence pour l’Administration (les vases communicants… ça donne deux fois plus de travail).
Un acteur du système me disait « il faut bien que quelqu’un paye, que ce soit l’Unédic ou quelqu’un d’autre ». Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas juste, surtout quand l’indemnisation du chômage était tout entière, ce qui n’est pas vieux, financée par le travail. Aujourd’hui elle pèse encore sur le coût du travail mais elle est devenue solidarité alors, tout est possible : la solidarité est une dette de la société envers ses membres (l’Assurance chômage était-elle un… privilège ?).
Michel Monier
Ancien DGA de l’Unédic
Membre du Cercle de recherche et d’analyse de la protection sociale – Think tank CRAPS