La motion de censure du PS avait pour seul but de rappeler en interne que les socialistes sont toujours dans l’opposition. Précision inutile, les polémiques post-budget en avait déjà fait la démonstration. Mais en humiliant ceux avec lesquels il avait négocié, le Premier ministre est retombé dans les travers d’un affrontement politique qu’il prétend dépasser.
La culture du compromis n’est pas innée. Elle exige des efforts. Celui que les socialistes avaient accompli en ne censurant pas le Budget Bayrou était important. Un peu trop même, il méritait un sous-titre. Telle était l’intention de cette motion de censure brandie par réflexe après l’utilisation du mot « submersion » pour décrire le sentiment de certains Français sur l’immigration. Une motion de censure comme pour légender la photo : les députés de gauche s’opposent au Premier ministre de droite.
Grâce à cette polémique, chacun a retrouvé le confort du terrain connu et identifiant. La gauche met en avant sa générosité et l’absence mathématique de submersion et de tout problème spécifique à l’immigration. La droite brandit sa volonté de comprendre et de répondre à une préoccupation réelle des Français.
Trois semaines après l’annonce de cette censure, quand le débat a lieu à l’Assemblée, la démarche apparait donc superflue. Cette censure aurait pu être oubliée à peine rejetée.
Mais le Premier ministre a voulu marquer les esprits. Il n’a pas eu la victoire modeste ou discrète. Il s’est moqué des socialistes déposant une censure « pour faire semblant ». Il leur a fait la leçon en en appelant aux mannes de Jaurès, Blum, Mitterrand et Delors. Il a brocardé leurs « mots les plus grandiloquents possibles » au service de « médiocres, médiocrissimes intérêts électoraux et politiques microscopiques ». Les députés PS en ont quitté l’hémicycle d’indignation.
Toute humiliation est superflue. Elle blesse inutilement. Toute plaie crée une cicatrice. Les socialistes auront du mal à oublier. Cette humiliation est d’autant plus malheureuse qu’elle est en contradiction avec la méthode politique revendiquée par François Bayrou.
Il l’a expliqué dans le même discours. Si le centriste a « longtemps cru que le but des affrontements politiques était de faire triompher ses idées sur celles des autres, de vaincre les autres », François Bayrou l’assure désormais, il ne « croit plus que la démocratie signifie l’écrasement des uns par les autres ». Il assure même défendre le contraire. Et, autant par nécessité que conviction, il est en position de traduire ce souhait en actes puisque son gouvernement sans majorité parlementaire a besoin de composer au-delà de ses alliés proches pour avoir la capacité d’agir.
Le culture du compromis suppose bien des efforts partagés. À commencer par l’oubli des procédures superflues et des petites phrases inutiles.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste