« Je ne peux pas rentrer chez moi » chantait Charles Aznavour. Etait-ce pour raison de correction de passoire thermique ? Lui, non. Moi, oui. Et je ne suis pas le seul dans ce cas.
Dieu sait si depuis des décennies les préoccupations écologiques sont les miennes. Et allant toujours dans le sens d’une coopération souhaitée Entreprises/Ecologistes. Ceux qui voudraient s’en convaincre peuvent prendre connaissance d’un numéro spécial de Valeurs Vertes dont j’ai bien l’honneur d’être l’auteur intitulé « Manager l’Ecologie Préempter le futur ». Hélas ! Il y a loin de la coupe aux lèvres. Car, pour en revenir à mon point de départ voici une année qu’à proprement parler je ne peux pas rentrer chez moi. La cause ? Les entreprises chargées de transformer la passoire thermique qui me sert de demeure à Paris treizième arrondissement, derrière l’Eglise Jeanne d’Arc, ces entreprises donc alliant l’incompétence professionnelle à la grossièreté dans les rapports humains et par-dessus tout à une absolue indifférence envers les cochons de payants, ne sont toujours pas parvenues à remplacer, comme elle s’était engagée à le faire, les radiateurs, baies vitrées et les volets roulants de mon appartement. En réalité, elle l’a fait, mais, hélas, le matériel mis en place a été jugé d’emblée défectueux L’Hiver dernier s’est passé pendant une période à onze degrès. C’est vivifiant sans doute mais un tantinet trop. Donc le matériel installé sous ses trois espèces devait à l’évidence être changé de l’avis même des installateurs. Bonne nouvelle, Mais quand ? Contrairement au Président Giscard d’Estaing qui affirmait lors de son accession au pouvoir « Le changement c’est maintenant » le Syndic, le Maître d’ouvrage et les Entreprises concernées ont en revanche adopté pour ligne de conduite « Le changement, c’est dans un an » En attendant ordre est donné par ces braves gens d’avoir à maintenir une zone libre de deux mètres en deçà des baies vitrées, radiateurs et volets roulants pour ménager un espace d’accès aux éventuels intervenants… qui n’interviennent pas, sinon pour constater, par exemple que le matériel de remplacement dont ils disposent est parfait… pour l’appartement voisin. Je pourrai continuer longtemps comme ça. Mais est-ce bien utile. Aux doléances on ne répond pas. Et le Syndic ne répond pas même à mon Avocate. En présence d’un Huissier de justice venu constater les faits, le Syndic auquel il était demandé la raison de ses silences obstinés a eu une réponse qui laisse pantois : « Je ne réponds pas quand je suis agressé » ce qui s’appelle je crois renverser la charge de la preuve. Le pauvre homme ! On pourrait devant tant d’invraisemblables carences imaginer qu’elles sont le fait de dévoués bénévoles un peu dépassés par l’ampleur de la tâche. Mais non, il s’agit au contraire bel et bien d’affaires à but lucratif….
Si j’ai détaillé cette affaire particulière, c’est parce qu’elle illustre parfaitement ce que sont les grands travaux dans une grande ville. Le « client bien obligé » y est traité comme de la roupie de sansonnet. C’est « paye et tais-toi, ferme-là et ne l’ouvre pas sinon tu m’agresses » Il ne faut pas aller chercher plus loin pour comprendre où s’origine une bonne partie du malaise citoyen. Car cette affaire ponctuelle n’est jamais qu’un exemple parmi d’innombrables autres de ce qui ne va pas dans ce pays et tout spécialement dans les grandes villes pour les travaux collectifs d’ampleur. A propos de tout et de rien l’on découvre que ce qui avait été présenté sur le papier, et avait entrainé d’emblée une adhésion confiante et spontanée, une fois vécu dans la réalité devient plongée dans un univers kafkaïen. Quand on peut s’appuyer sur une Avocate et un Huissier on finit par être entendu mais quand on est citoyen(ne) isolé(e) perdu(e) dans le maquis administratif, que faire ? Prier ? c’est une option… Cet univers kafkaïen ne se limite pas au domaine de la lutte contre la transition climatique. Il se trouve que je suis médecin et qu’à 86 ans je continue à travailler. A Brive Corrèze d’où je suis originaire et non pas à Paris… puisque depuis un an je ne peux plus rentrer chez-moi. Ce que devient la Médecine a quelque chose d’administrativement effrayant. Exemple ; il est obligatoire d’avoir un médecin traitant. J’en voudrais un… Foutez-nous la paix : il n’y en a pas. Je voudrai voir un spécialiste. Foutez-leur la paix ils ne prennent plus de nouveaux malades. Alors les patients cherchent sur Doctolib. Je dis souvent à ceux que je prends en charge « Si ça ne va pas, vous passez sans rendez-vous, entre deux patients ; j’aurai toujours le temps de vous jeter un coup d’œil… Réponses plus que banales : Ah mais, c’est que je viens de Bourges… ou de Moulins ou de Bordeaux. Histoires vraies qui ne datent que de la dernière semaine. Je me dis souvent que je devrais faire la somme des kilomètres parcourus par mes patients pour venir jusqu’à Brive chaque année : il y a de quoi faire monter la température du globe de quelques degrés ! Heureusement la suppression des passoires thermiques va rattraper tout cela ? Espérons mais à quel prix et au terme de combien d’énervements qui vous conduiraient à péter les plombs. On en vient alors à méditer gravement cette autre citation d’un autre Président passé de la République française, Georges Pompidou, qui avait cru pouvoir anticiper la plus profonde plaie dont allaient souffrir les Citoyens en demandant clairement « Arrêtez d’emm… les Français » Les Municipales parisiennes approchent, et peut-être bien d’autres élections majeures anticipées. En fonction de quoi se décideront les électeurs ? En fonction pour beaucoup des emm… qui font leur quotidien. Le grand reproche qui est fait aux Politiques, opérant dans les Hautes Sphères du Pouvoir, c’est de se battre, certes, pour les grandes et bonnes idées, mais en ignorant totalement les réalités de terrain vécues au quotidien. La circulation à Paris ? Un gag ! Sans doute faudrait-il revenir sérieusement à « Penser globalement pour agir localement » On s’en éloigne chaque jour un peu plus. Et, (j’y reviens nombrilesquement) particulièrement pour ce qui concerne la Résidence Jeanne d’Arc à Paris. Et je terminerai par une supplique : si vous connaissez la Maison Maleville qui chapeaute l’opération, le gestionnaire du Syndic ou encore le Maître d’œuvre du Chantier, ou enfin les responsables des Entreprises fantômes en charge des baies, radiateurs et volets me concernant : pourriez-vous intervenir en ma faveur… car je voudrais bien rentrer chez moi ! Comme sans doute des millions de citoyens qui, comme moi, aimeraient bien qu’on cesse de les emm… au nom des justes causes du juste intérêt national et global. La République, il est vrai, en a vu d’autres… Espérons !
Professeur Jean-Paul Escande