Le retour de Trump à la Maison-Blanche marque-t-il un simple retour en arrière ou l’affirmation d’une Contre-Révolution illibérale ? Veut-il bouleverser l’ordre libéral établi ? François-Xavier Roucaut explore ces questions et nous apporte des éléments de réponse dans cet article.
Les élections américaines sont venues confirmer l’adage de Joseph de Maistre, selon lequel la Contre-Révolution n’est pas « une révolution en sens contraire, mais le contraire de la révolution». De fait, la réélection de Trump ne constitue pas une « révolution en sens contraire », un retour au statu quo ante qui prévalait avant l’ère de la globalisation libérale.Bien au contraire, cette campagne électorale a constitué un nouvel épisode de la dialectique de notre temps, cet affrontement existentiel entre un establishment ayant institué la Révolution libérale mondiale, celle de la Fin de l’Histoire de Fukuyama, et une Contre-Révolution se définissant elle-même comme illibérale, dans un antagonisme revendiqué envers cette utopie contemporaine.
Trump est de fait une figure révolutionnaire, le lider maximo d’un mouvement en lutte à mort envers un credo libéral qui imprégnait et régnait en majesté sur les institutions américaines ;
ce que les débuts fracassants de son administration sont venus illustrer, en menant une véritable purge idéologique au cœur des institutions états-uniennes.
Le mouvement MAGA, à l’instar des autres mouvements illibéraux, se pose donc conformément à l’adage de Joseph de Maistre, en exact « contraire de la révolution » libérale. Populisme contre élitisme, nationalisme contre postnationalisme, conservatisme contre progressisme, identité nationale contre multiculturalisme, localisme contre globalisme, souverainisme contre fédéralisme, protectionnisme contre libre-échangisme, retour du virilisme contre ode au matriarcat : ce kaléidoscope d’antagonismes n’est finalement que le reflet d’une même question posée aux démocraties occidentales, celle de l’adhésion, ou du rejet, d’un logiciel idéologique libéral prétendant à l’hégémonie, comme le socialisme ou le fascisme ont pu le faire au siècle précédent. Et l’Amérique constitue l’épicentre de cette tectonique des plaques idéologiques qui traverse en son cœur l’identité américaine. La culture américaine est en effet par essence dans une tension permanente entre libéralisme et illibéralisme, entre volonté de puissance d’une culture hégémonique, et apaisement égalitariste au sein de cette mosaïque culturelle qu’est le continent américain ; ou bien encore entre internationalisme libéral wilsonien et isolationnisme illibéral jacksonien, comme le violent U-turn de l’administration américaine vis-à-vis de l’Ukraine vient de le démontrer.
Le libéralisme obamesque, tout comme l’illibéralisme trumpien, sont de fait les deux facettes de l’état sociétal américain, les deux visages de « l’imaginaire du peuple » états-unien, selon les termes de Stéphane Rozés.
Dans un brutal mouvement de balancier, l’Amérique après avoir été radicalement libérale, se retrouve donc désormais radicalement illibérale, tel un Janus affichant dans une brusque volte-face son autre visage. Les zélotes européens du libéralisme anglo-saxon, dont Emmanuel Macron est le chef de file pour la France, vont être tentés dès lors de reprendre le flambeau, et d’accélérer le grand saut fédéraliste d’une Union Européenne, conçue par nombre de penseurs libéraux (en premier lieu Fukuyama) comme la terre promise d’une téléologie libérale désormais reniée en son berceau.
François-Xavier Roucaut
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