Le groupe macroniste afin d’empêcher la suppression des ZFE avait annoncé son intention de voter contre le texte, plusieurs responsables macronistes se relayant dans les médias pour marteler une position qui se voulait salvatrice de leur engagement écologique. S’ils ont pu à cet effet bénéficier du soutien de la gauche, ce dernier n’aura pas été suffisant, loin de là. La conjonction des députés RN, UDR, LR, Horizons, MoDem et de quelques parlementaires LR aura eu raison de l’opposition du groupe « Ensemble pour la République » dont quelques membres au demeurant auront apporté leurs suffrages aux réfractaires aux ZFE.
De cette estocade parlementaire, il faut retenir trois enseignements : le bloc central n’est même plus en mesure de faire bloc car ne s’y exerce plus aucun leadership, à commencer par celui d’un Président de la République en état d’apesanteur ; et si aucun leadership ne s’y exerce, seconde leçon, c’est justement parce que la concurrence des leaderships potentiels ne cesse de s’y activer à proportion que le quinquennat touche à son terme. Le processus est mécaniquement implacable et tout laisse à penser qu’il ne va que s’intensifier plus l’échéance présidentielle se rapprochera. Les destins individuels l’emporteront inéluctablement sur l’instinct de cohésion.
Nous sommes entrés dans une phase de décomposition de ce qu’il reste du macronisme. La forfanterie à laquelle se sont adonnés certains de ses cadres à la veille du vote de la loi de simplification, affirmant qu’ils rétabliraient, coûte que coûte, le principe des ZFE nonobstant les oppositions a été battue en brèche par l’Assemblée nationale qui s’est ainsi reconnectée à l’opinion majoritaire. Et c’est là le troisième enseignement de cette passe d’armes parlementaire que d’acter cette reconnexion progressive, possible, indispensable, rompant avec tout un temps de dissociation parfois criante entre le peuple et ses représentants. Que la représentation nationale en revienne à une lecture plus connectée aux attentes majoritaires, loin des soupçons de « populisme », mot-valise pour dissimuler souvent des propensions oligarchiques, n’est-ce pas là justement un premier remède à la longue crise démocratique qui désespère que de trop le corps social de la Nation ? Le combat mené notamment par Alexandre Jardin et son étendard des « #gueux » va dans ce sens. Il se pourrait qu’une fenêtre d’opportunité propice à ce grand raccommodement soit entrouverte : aux forces politiques conscientes de la nécessité de ne plus gouverner malgré mais avec le peuple de réinstaller cette évidence qu’il ne peut y avoir de démocratie sans consentement populaire.
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université