Le 13e juin, l’Iran des mollahs se réveille sonné et étouffé par la fumée des bombardements. Dans une attaque de grande ampleur et d’un haut degré de précision, Israël a lancé l’opération « Rising Lion » à l’encontre du régime de la République Islamique. Elimination du chef des Gardiens de la révolution, Hossain Salami ; architecte de la répression sanguinaire des manifestations en 2019 et 2020 et du chef d’Etat major Mohammed Bagheri. On a déjà vu ce modus operandi.
La stratégie d’affaiblissement du Hezbollah s’est basée sur la décapitation militaire de la milice et une destruction quasi-totale de leur infrastructure militaire opérationnelle. Sauf qu’en Iran, le champ d’attaques s’est élargi pour toucher les scientifiques responsables du programme nucléaire iranien. Traqués, surveillés, ils sont vite tombés dans les filets du Mossad soit par le biais d’attentats à la voiture piégée ou des drones explosifs introduits jusqu’à dans leurs domiciles. Le père du programme nucléaire quant à lui, Mohsen Fakhri Zadi, a été éliminé en 2020 dans une embuscade à l’est de Téhéran. L’opération « Rising Lion » se poursuit en bombardant Natanz, cette fameuse centrale nucléaire qui a subi des sabotages en 2021, Arak, Ispahan et Fordow qui reste dans le collimateur des Israéliens. Au début de l’opération, une difficulté à démêler objectif militaire et politique pesait. L’objectif militaire renfermait-il dans ses secrets un objectif politique plus poussé ? Celui de la chute du régime ? Tout concourt pour l’indiquer : les messages en farsi diffusés par l’armée de Tsahal à l’égard du peuple iranien le rassurant que les attaques visent le régime et non le peuple iranien, les déclarations de Netenyahu sur le changement non seulement du Moyen-Orient mais du monde entier, celui d’Israel Katz, le ministre de la Défense menaçant de mort le guide suprême, l’ayatollah Khamenei en disant que ce dernier ne pouvait pas « continuer à exister » ? Une pléthore de déclarations qui rentrent, certes, dans la guerre de communication mais qui s’inscrivent aussi dans un horizon politique bien défini celui de la fin de l’ère des mollahs. En effet, un régime théocratique prônant l’exportation de la révolution islamique et qui se targuait il y a quelques mois encore de contrôler quatre capitales arabes : Beyrouth, Sanaa, Bagdad et Damas n’a plus sa place dans un Moyen-Orient débarrassé du régime du Baas syrien et où les Houthis et le Hezbollah sont aux abois. Ça serait comme un cheveu sur la soupe de ce nouvel ordre oriental ; une note dissonante qui gênera avant tout les pays du Golfe et à leur tête l’Arabie Saoudite qui s’inscrit dans la vision 2030 et qui prétend à la modernisation et la création de « cités intelligentes », les Emirats Arabes-Unis qui ont normalisé leurs relations avec Israël et d’une manière plus globale la dynamique mise en branle par les Accords d’Abraham et qui a rapproché des pays, naguère, en froid diplomatique : Israël et les pays du Golfe arabe. L’Iran des mollahs, celui qui réprime femmes et hommes, celui qui ordonne de violer des prisonnières, celui qui mutile et condamne à mort pour mauvais port du voile, n’a plus sa place dans ce nouveau paysage oriental.
Cependant, le piège du temps inquiète. Les tergiversations de Trump inscrivent la guerre dans une perspective de temps long. Et par temps long, nous n’entendons pas forcément « guerre d’attrition », comme le cas du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Cette guerre ne peut s’étendre au-delà d’un mois au vu des capacités de frappes limitées de l’Iran. Le temps long est celui de l’attentisme et de ces fameuses deux semaines suffisantes pour que l’Iran obtienne sa bombe atomique. Dans ce conflit, chaque seconde compte car l’urgence est maîtresse du jeu. Des décennies sont passées depuis les premiers rapports inquiétants sur la course de l’Iran au nucléaire militaire. L’AIEA a sonné l’alarme en 2002 déjà pour dénoncer les activités d’enrichissement inquiétantes de l’Iran. Et dernièrement, cette même agence a signalé la présence de traces d’uranium enrichi à plus de 83% à Fordow. D’aucuns diraient, il faut du temps pour que l’Iran obtienne la bombe issue d’un taux d’enrichissement de 90% d’uranium. Mais combien de temps a-t-il été nécessaire pour que l’Iran passe du 3% autorisé pour le nucléaire civil au 83% ? A peine quelques années ; mais de longues années de silence international. C’est ce temps long qui est celui des hésitations et des diplomaties stériles qu’il faudrait écourter. Non seulement pour la sécurité d’Israël mais pour celle du Moyen-Orient.
Maya Khadra