Le groupe présidé par Marine Le Pen, soucieux sans doute de parfaire son image de responsabilité, nonobstant l’opposition majoritaire de son électorat à la réforme de 2023, fait le pari que de toutes les façons ce dernier lui restera fidèle, tant la marque RN parce qu’elle n’a jamais exercé le pouvoir incarne aujourd’hui l’ultime figure de l’alternance. Au demeurant la question centrale pour le Rassemblement national n’est plus tant sa normalisation, que la radicalité d’une grande partie de la gauche lui aura permis de parachever tout au long de cette dernière année post-dissolution, que le problème devenu aigu de son incarnation dans la perspective d’une présidentielle, ce depuis la condamnation en première instance de Marine Le Pen.
Ce faisant le sujet de la censure reviendra sur la table inévitablement, à priori et le plus probablement au moment d’une discussion budgétaire qui s’annonce dantesque au regard d’une situation des finances publiques dont la dégradation constante menace toujours plus la souveraineté déjà bien mise à mal de la France.
Tout laisse à penser alors que le RN choisira ce moment pour renverser le gouvernement. Reste à savoir si de l’autre côté de l’échiquier, à gauche, cette dernière fera front commun pour censurer. À quelques encablures des municipales, on voit mal le PS se désolidariser de ses partenaires et sauf surprise de dernière minute, il devrait immanquablement lui aussi joindre ses voix à une censure qui paraît de facto quasi irréversible, quand bien même.
Toute l’interrogation est de savoir ce qu’il advient ensuite. Le Président de la République y retrouvera sans doute la position qu’il affectionne le plus, centrale en apparence, de maître du jeu. Or que faire pour autant quand vous ne disposez plus de jeu, quand dépourvu de cartes vous ne pouvez plus que vous appuyer sur des artifices pour mimer votre capacité d’action ? A n’en pas douter l’automne à venir constituera un moment important, celui de la vérité d’une situation dont la dissolution aura été le facteur déclencheur. Il pourrait s’y jouer tout compte fait bien plus que l’énième scène pour commentateur politique en quête de miel éditorial : l’attestation de notre dérèglement institutionnel, autrement dit le stade le plus avancé de notre crise démocratique…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université