La session qui s’achève le 11 juillet peut paraître décevante. Beaucoup de députés disent leur lassitude et leur sentiment d’impuissance. Comme si cette session n’avait servi à rien, ou à pas grand-chose. Pourtant, des enseignements positifs peuvent être tirés de cette session inédite.
La session parlementaire ouverte par la dissolution a-t-elle été utile ? Si l’on compare le nombre de textes adoptés avec les sessions précédentes, les députés ne sont pas restés inactifs. 230 rapports ont été rendus depuis l’an dernier contre 207 pour la même période lors de la XVIe législature. 47 lois ont été adoptées contre 35 et 40 sous les précédentes sessions. Mais si l’arithmétique permet de désigner le vainqueur d’une élection, elle ne suffit pas à établir un bilan positif de l’activité parlementaire. La politique est faite de sentiments. La progression du nombre de textes votés ne contredit pas le sentiment d’immobilisme dénoncé par l’opposition. L’action politique a besoin de lisibilité et de cohérence. Or, cette accumulation de textes ne donne pas la cohérence d’une politique. Car la plupart des lois adoptées sont des propositions de lois d’origine parlementaire et non gouvernementale. De ce fait, elles ne définissent pas un projet d’ensemble structuré et cohérent. Voici au moins une leçon politique positive issue de cette étrange session. Parce qu’elle ne définit pas une direction, l’accumulation de mesures ne donne pas le sentiment d’une action politique efficace.
Si l’on s’attache au contenu des textes, quels sont ceux dont le vote a retenu l’attention, sans que ce soit pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire de spectaculaires débordements dans l’hémicycle ? Sans aucun doute la loi sur la fin de vie et contre les narcotrafics. La première donnait lieu à des positions radicalement différentes et pas forcément calquées sur les clivages partisans. Elle avait été précédée de longs débats dans l’opinion et au Parlement. Ce qui peut expliquer son adoption dans le contexte gouvernemental particulier qui a vu aboutir ce long processus.
La loi contre les narcotrafics en revanche aurait pu donner lieu à un affrontement classique entre majorité et opposition doublé du clivage gauche/droite. Elle a malgré tout conduit à un compromis notable. Sans doute parce que le texte est le fruit d’un travail parlementaire dont le sérieux a été reconnu entre deux parlementaires de bord opposé (l’un LR l’autre PS). Les auditions qu’ils ont menées ont permis de sensibiliser l’opinion à la gravité du phénomène sans que soit évoquée une dramatisation politicienne. Les conclusions du rapport ont permis un diagnostic partagé et l’adoption de mesures quasi-consensuelles (396 pour, contre 68 à l’Assemblée).
D’autres proposition de loi n’ont pas connu le même processus vertueux et cristallisent les débats clivants. Les débats sur la proposition de loi Duplomb en matière agricole, la loi sur l’audio-visuel, la loi sur l’A69, ont provoqué un usage inédit de la motion de rejet préalable. Une procédure utilisée désormais pour éviter les manœuvres d’obstruction, mais aussi toute discussion et recherche de consensus.
En quelques mois, le travail parlementaire a évolué. L’adoption de textes de compromis suppose un long travail en amont, moins spectaculaire, peut-être plus ingrat car d’une moindre portée sur la notoriété des députés investis dans ces travaux, mais de nature à revaloriser l’image du Parlement. La commission d’enquête dite « Betharram » a évolué entre ces deux approches. D’un côté « l’audition spectacle » du Premier ministre mis en accusation dans un but partisan, de l’autre, des auditions moins spectaculaires mais qui ont permis la proposition de mesures justifiées pour lutter contre la maltraitance en milieu scolaire.
Une fois la loi votée, il appartient au gouvernement de l’appliquer. Mais il semble logique que les députés, qui ont été les artisans, aillent au bout de la mission de contrôle qui est la leur vis-à-vis de l’exécutif.
Cette session n’a pas été inutile. Elle est un petit pas vers le renouvellement du rôle du Parlement. L’élaboration et l’examen du Budget à la rentrée constitue la prochaine étape. Nous verrons alors si ces quelques mois auront constitué une parenthèse ou le début d’une transition.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste